20.6. Infection par le VIH

Maladies infectieuses et parasitaires

Article mis à jour le 11 septembre 2023

Comparativement à l’ensemble de la population, les personnes migrantes, et particulièrement les femmes, payent un lourd tribut à l’épidémie de VIH qui affecte principalement les exilé.e.s originaires d’Afrique subsaharienne en métropole ou d’Amérique dans les Antilles françaises et en Guyane. La combinaison de multiples facteurs de vulnérabilité entraine des retards au dépistage ou aux soins. La crise sanitaire du Covid-19 a également fragilisé l’accès au dépistage de ces populations et parfois retardé les prises en charge. Tous ces facteurs doivent être pris en compte afin d’élaborer avec les patient.e.s et les populations de personnes migrantes des programmes de prévention, dépistage, soins et accompagnement social et juridique adaptés.

Epidémiologie

L’infection par le VIH est une pandémie mondiale. Fin 2021, environ 38,4 millions de personnes vivaient avec le VIH (PVVIH), dont 25,6 millions en Afrique subsaharienne. Seules 28,7 millions de personnes bénéficiaient d’un traitement. En 2021, environ 1,5 million de personnes ont contracté le VIH et 650 000 personnes seraient décédées de causes liées au VIH, dont un tiers par la tuberculose. Les objectifs fixés par l’Onusida pour « mettre fin à l’épidémie » sont loin d’être atteints (« 95-95-95 » : 95% des personnes infectées par le VIH dépistées, 95% des personnes diagnostiquées ayant accès à un traitement antirétroviral (TARV) efficace et 95% des patients traités ayant une charge virale (CV) indétectable). Fin 2021, sur l’ensemble des PVVIH : 85% connaissaient leur infection, 28,7 millions avaient accès à un TARV efficace (soit 75%) et 68% avaient une charge virale indétectable. Ainsi, environ 5,9 millions de PVVIH ne savaient toujours pas qu’elles avaient contracté le virus. Les principaux obstacles au dépistage restent la stigmatisation et la discrimination.

En France en 2021, environ 180 000 personnes vivent avec le VIH, dont 66 % d’hommes. En 2020, 4900 personnes ont découvert leur séropositivité, nombre stable par rapport à 2020. Cette stabilité fait suite à une diminution importante observée entre 2019 et 2020 liée notamment à la baisse de l’activité de dépistage pendant la crise sanitaire du Covid-19. Le taux de découverte de séropositivité varie d’une région à l’autre ; en Guyane, il est dix fois plus élevé que le taux français moyen. Outre la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et l’Île-de-France sont les régions les plus touchées par l’épidémie.

Les deux groupes les plus touchés en France sont les personnes hétérosexuelles nées à l’étranger et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), avec respectivement plus de 51% et près de 44% de découvertes de séropositivité en 2021. Concernant les personnes nées à l’étranger, près de la moitié d’entre elles ont été infectées en France, selon l’étude ANRS-Parcours. Le principal facteur de risque est d’avoir vécu une période de grande précarité à l’arrivée sur le sol français ; 6 migrant.e.s sur 10 infecté.e.s par le VIH l’ayant été durant leurs 6 premières années de vie en France. Le diagnostic tardif concerne principalement les personnes de plus de 50 ans et les hommes hétérosexuels, nés en France ou à l’étranger.

Dans l’observation du Comede parmi 11 091 personnes ayant effectué un bilan de santé entre 2010 et 2020, le taux de prévalence de l’infection par le VIH était de 16 pour 1000 (femmes 29, hommes 5), significativement plus élevé parmi les exilé.e.s d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Est, et parmi les personnes âgées de 40 à 65 ans.

L’épidémie de VIH est en partie liée aux conditions de grande précarité qui affectent les personnes exilées lors des premières années en France (voir 2. Exil, vulnérabilité et santé). D’une part, pour l’ensemble des personnes en situation de grande précarité, les facteurs sociaux et économiques ont une influence déterminante dans les comportements face à la prévention, au dépistage, à l’accès aux soins et à l’observance. En outre, les personnes étrangères sont confrontées à des difficultés plus spécifiques : précarisation du statut administratif, restrictions dans l’accès à la protection maladie, faible recours par les structures de soins à l’interprétariat professionnel et/ou aux dispositifs de médiation en santé, regards parfois biaisés des professionnel.le.s de santé du fait de représentations et préjugés. Ces facteurs peuvent se traduire par :

  • un accès limité aux actions d’information, de sensibilisation et de prévention ;
  • un moindre recours au dépistage entraînant un accès plus tardif aux traitements ;
  • un partage possible des traitements avec des proches, en France ou dans le pays d’origine.

Le VIH est majoritairement transmis par voie sexuelle et par transmission materno-fœtale, mais la transmission par voie sanguine (injections de drogues par voie IV) existe également en l’absence de politique de prévention au sein de nombreux pays au système de santé déficient (absence de matériel à usage unique notamment) ou discriminants face à la toxicomanie.

Évolution de la maladie et diagnostic

Histoire naturelle de la maladie. L’infection par le VIH est une maladie chronique. En l’absence de traitement, elle évolue selon trois stades cliniques successifs avec d’importantes particularités. L’évolution diffère selon les individus, et les manifestations cliniques sont très diverses :

  • on parle de primo-infection dans la période de 6 mois qui suit la contamination par le virus. Un syndrome viral aigu, non spécifique, survient dans deux tiers des cas 1 à 6 semaines après le contact contaminant ;
  • s’en suit une phase asymptomatique (stade A de la classification CDC, durée moyenne 2 à 3 mois). Puis l’évolution biologique est un processus continu. Une réplication virale persistante entraîne la destruction des lymphocytes T CD4 à un rythme de 50 à 80 CD4/mm3 par an (avec d’importantes variations individuelles) ;
  • en dessous de 350 CD4/mm3, la diminution des défenses immunitaires peut se traduire par la survenue d’affections ou infections opportunistes mineures (stade B, 10 ans en moyenne) ou indicatives de sida (stade C, sida, 4 à 6 ans). Ces maladies opportunistes représentent une part importante des causes de décès chez les personnes séropositives selon les pays, bien qu’en forte diminution du fait des TARV.

Complications liées au VIH et maladies opportunistes. Les infections respiratoires restent les plus fréquentes, en particulier la tuberculose (notamment parmi les personnes originaires d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Est), la pneumocystose et les pneumopathies bactériennes. Les autres atteintes fréquentes sont neurologiques (du fait de la toxoplasmose ou de la cryptococcose essentiellement), digestives (Candida, herpès, etc.), cutanéomuqueuses et tumeurs malignes viro-induites (HPV et cancer du col utérin et du canal anal ; EBV et lymphome ; HHV-8 et maladie de Kaposi).

Indépendamment du déficit immunitaire, l’infection par le VIH est à l’origine d’un risque accru de morbidité et de mortalité (cancers non classants sida, maladies cardio-vasculaires, troubles neurocognitifs…). Ces affections restent plus fréquentes par rapport à la population générale, y compris chez les patient.e.s traité.e.s et bien contrôlés virologiquement, ce qui justifie un suivi régulier.

Prévention et dépistage

On estime qu’environ 25 000 personnes en France ignorent leur séropositivité VIH, par peur et/ou par méconnaissance des risques, dont la moitié résident en Île-de-France. Les personnes non diagnostiquées, ainsi que les personnes en primo-infection VIH, sont principalement à l’origine de la persistance des contaminations en France. Malgré les progrès du dépistage, les délais entre l’infection et le diagnostic restent longs : plus de trois ans au niveau national, et jusqu’à quatre ans environ dans certaines régions comme La Réunion et la Guyane ou dans certaines populations (hommes hétérosexuels nés à l’étranger). C’est ainsi que les actions de prévention et de dépistage restent primordiales.

Principes et messages clés de la prévention du VIH :

  • la consultation médicale demeure un moment clé pour une mission de prévention de santé sexuelle ;
  • le préservatif (masculin comme féminin) est un moyen accessible et efficace contre la contamination du VIH (et des autres IST). Son acceptabilité est variable. Le préservatif féminin a constitué un progrès en matière de prévention, car son usage relève en priorité de la volonté de la femme ; son utilisation est néanmoins très limitée. La vulnérabilité particulière des femmes face au risque de contamination par le VIH doit être prise en compte en matière de prévention ;
  • le TasP (de l’anglais Traitement as Prevention) consiste à traiter toute personne infectée par le VIH, dans un concept de traitement universel, indépendamment de la situation clinique et du bilan biologique. L’obtention d’une charge virale indétectable chez la personne infectée limite en effet le risque de transmission du VIH aux partenaires sexuels. Cette approche est également utilisée dans la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant, au plus tôt pendant la grossesse ;
  • le TPE (Traitement post-exposition) doit être débuté rapidement après une prise de risque VIH (rupture de préservatif, échange de seringue, etc.) : au mieux dans les 4 premières heures suivant le rapport à risque et au plus tard dans les 48 heures. Le TPE correspond à une trithérapie à prendre pendant 28 jours. Il réduit de façon importante le risque de contamination par le virus, mais ne le supprime pas totalement. Se rendre aux urgences de l’hôpital le plus proche ou dans un CeGIDD après une prise de risque ;
  • la PrEP (Pre-exposure prophylaxis) : le traitement pré-exposition a révolutionné la prévention du VIH, avec la prise d’un TARV par une personne non infectée exposée à un risque VIH, pour un taux de prévention proche de 95%. Il s’agit d’une bithérapie par emtrictabine / tenofovir disoproxil, qui a fait la preuve de son efficacité et de sa faible toxicité. L’usage de la PrEP nécessite un accompagnement et un suivi médical régulier. Elle peut être prescrite chez un médecin généraliste, dans les services de maladies infectieuses, les CeGIDD ou apparentés. Les groupes d’experts en France recommandent l’utilisation de la PrEP chez toute personne à risque important d’infection : HSH, personnes transgenres, professionnels du sexe (liste non limitative). Attention : la PrEP ne prévient que le VIH, et pas les autres IST, contrairement au préservatif ;
  • la prévention combinée est une approche de prévention alliant les différents moyens de prévention, qui peuvent être variables selon les individus et les circonstances ; elle est primordiale pour les personnes vulnérables.

Place du dépistage dans la prévention : c’est un élément clé, permettant un traitement immédiat, avec un bénéfice individuel pour les PVVIH et de santé publique, pour limiter la transmission du VIH. Elle repose sur différents outils sérologiques :

  • test Elisa combiné : sur prescription médicale, remboursé par l’assurance maladie, ou réalisé gratuitement dans les CeGIDD Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic), ou directement en laboratoire sans ordonnance (prise en charge à 100%) ;
  • TROD (Test rapide d’orientation diagnostique): réalisé dans le cadre de dépistage en urgence ou d’actions de dépistage notamment hors-les-murs par les associations communautaires ;
  • autotest VIH : offrant une autonomie aux personnes qui souhaitent connaître leur statut sérologique.

Quand faire un test ? La démarche volontaire de recours au dépistage de l’infection à VIH doit continuer d’être encouragée et facilitée. Selon la stratégie réévaluée par la HAS en 2017, la priorité est accordée au dépistage au sein des populations clés. Le dépistage est recommandé tous les ans chez les personnes originaires de zones de forte prévalence de l’infection à VIH, notamment d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes. En population générale, un test de dépistage est recommandé au moins une fois au cours de la vie entre 15 et 70 ans. Un test de dépistage de l’infection à VIH doit par ailleurs être systématiquement proposé dans différentes circonstances : diagnostic d’une IST, d’une hépatite B ou C, diagnostic de tuberculose, grossesse ou projet de grossesse, viol, prescription d’une contraception ou IVG, incarcération, cancer… Toute situation de dépistage du VIH doit être complétée par un dépistage des virus des hépatites B et C, au titre de dépistage combiné, et en fonction de l’exposition, des autres IST.

Soins et accompagnement

Le dépistage et la prise en charge du VIH et des IST s’inscrivent dans une démarche globale de santé sexuelle, définie par le ministère de la Santé. Elle vise à garantir à chacun une vie sexuelle autonome, satisfaisante et sans danger, ainsi que le respect de ses droits en la matière. Elle implique « une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence ».

Traitement antirétroviral : des évolutions majeures. L’objectif du traitement est l’obtention d’une charge virale indétectable, garante de la restauration immunitaire. Les traitements actuels sont puissants et bien tolérés, les stratégies pour débuter un traitement reposant ainsi sur l’association de 2 ou 3 médicaments, présentés sous la forme d’un comprimé unique. De nouvelles formes injectables à longue durée d’action sont en développement.

L’accompagnement social et juridique est primordial pour les personnes migrantes vulnérables. Personnalisé et au long cours, il commence par une évaluation sociale (hôpital, service social de secteur ou association). Il est important d’accompagner les demandes de protection maladie pour les patient.e.s qui en sont dépourvues, au besoin en utilisant les procédures d’instruction prioritaires (voir chapitre 13), et de s’assurer du résultat des demandes. L’infection par le VIH est une affection longue durée (ALD) permettant l’exonération du ticket modérateur.

Droit au séjour pour raison médicale (voir chapitre 7, et 15.3. Certification médicale). Une personne sans–papiers atteinte d’une infection par le VIH, quel que soit le stade de la maladie, et ressortissante d’un pays en développement, remplit les critères médicaux du droit au séjour « étranger malade ». Selon l’Arrêté du 5 janvier 2017 du ministère de la Santé fixant les orientations pour l’évaluation médicale effectuée par les médecins de l’Ofii : « La situation, y compris dans les pays bénéficiant de programmes de soutien internationaux, est la suivante : seul un nombre restreint de personnes, au regard des besoins dans les pays, peuvent avoir effectivement accès aux traitements de manière efficace et continue, avec des critères d’éligibilité stricts. Dans l’ensemble des pays en développement, il n’est donc pas encore possible de considérer que les personnes séropositives peuvent avoir accès aux traitements antirétroviraux ni à la prise en charge médicale nécessaire pour tous les porteurs d’une infection par le VIH dès le diagnostic ».

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Références bibliographiques

Comede, VIH/sida, l’épidémie n’est pas finie, Maux d’exil n°70, 2022

CRIPS, www.lecrips-idf.net

OMS, Principaux repères sur le VIH/sida

Santé publique France, VIH/sida

Santé publique France, Situation épidémiologique et dépistage du VIH et des autres IST, BEH numéro thématique, n° 31-32, 2019