16.2. Bilan de santé
Prévention et promotion de la santé
Article mis à jour le 12 avril 2023
La demande de bilan de santé est fréquente lors du premier recours médical en exil, en particulier chez les personnes souhaitant « faire le point » après un parcours émaillé de violences. En outre, une consultation de premier recours pour un quelconque motif est l’occasion d’aborder différents sujets de prévention dont le repérage des violences et la recherche d’un psychotraumatisme, et de proposer systématiquement le dépistage des maladies et risques médicaux graves les plus fréquents. Parfois anodin et non spécifique (insomnie, maux de tête, etc.), le motif de consultation des migrant.e.s récemment arrivé.e.s en France est souvent lié au parcours d’exil et aux difficultés d’accueil, et la réalisation du bilan de santé ouvre la voie aux soins médico-psychologiques requis.
Attention à ne pas confondre le bilan de santé recommandé pour les migrants et la « visite médicale des étrangers autorisés à séjourner en France » réalisée par l’Ofii et obligatoire pour la délivrance de certains titres de séjour, cette dernière relevant de la médecine de contrôle, incompatible avec la médecine de soins et de prévention requise pour le bilan de santé (art. R4127-100 du Code de la santé publique sur le non-cumul des rôles de contrôle, de prévention et de soin. Dans une logique de prévention, toute proposition de dépistage et de bilan de santé repose sur le consentement éclairé de la personne, si besoin avec un interprète comme l’indique l’instruction DGS du 8 juin 2018 relative à la mise en place du parcours de santé des migrants primo-arrivants : « La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande, en outre, que le recours à l’interprétariat professionnel soit systématique pour les personnes non francophones. Il importe que soit prêtée une attention particulière aux explications préalables fournies sur les éléments du bilan de santé, de manière à ce que soit recueilli le consentement libre et éclairé des personnes à qui ces examens sont proposés et à ce que soit assurée une information de qualité. »
Repères épidémiologiques, motifs et cibles du bilan de santé
Les données épidémiologiques publiées par l’OMS relatives aux régions et pays d’origine sont difficilement transposables aux personnes arrivant en France, ces dernières constituant très généralement des groupes spécifiques (sur les plans géographique, démographique, linguistique et/ou politique) non représentatifs de la population générale de leur pays d’origine. En France, les données épidémiologiques relatives à la santé des migrants restent le plus souvent limitées aux maladies infectieuses, notamment l’infection par le VIH et la tuberculose, dont la prévalence est plus importante parmi certains groupes de migrants que dans la population générale.
Les migrants récemment arrivés ont rarement eu accès à des soins de prévention et de dépistage dans le pays d’origine ou sur le parcours. En France, les conditions d’accueil social et administratif des personnes exilées peuvent conduire à la dégradation de leur état de santé et faire obstacle au recours aux soins, entraînant notamment des retards de suivi.
Dans l’observation du Comede, parmi 14 294 personnes suivies en médecine (2008-2017), 77% des maladies graves n’étaient pas connues dans le pays d’origine, alors que 62% déclaraient des antécédents de violence survenues au pays, pendant le parcours d’exil et/ou en France. Les troubles psychiques – principalement des psychotraumatismes – représentent plus d’un tiers des maladies graves recensées (35%), et les maladies infectieuses plus d’un quart (27%), les autres maladies chroniques, handicaps et risques médicaux graves représentant 38% des situations. Certains groupes de personnes exilées sont particulièrement exposés à telles maladies ou risques, notamment les femmes (VIH, maladies cardio-vasculaires, cancers, psychotrauma), les demandeurs d’asile (violences intentionnelles et trauma complexes), les personnes âgées de plus de 60 ans (maladies chroniques et infection par le VHC), et les enfants (infection par le VHB, parasitoses).
Le bilan de santé doit être proposé à toutes les personnes migrantes (y compris mineures) :
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- récemment arrivées en France. L’instruction DGS du 8 juin 2018 le recommande : « Il est ainsi nécessaire de mieux structurer et de renforcer le parcours de santé des migrants et que les personnes nouvellement arrivées sur le territoire puissent avoir accès à un rendez-vous santé », en rappelant que le parcours de santé des migrants doit rester indépendant des questions administratives : « En France, tous les étrangers, quelle que soit leur situation au regard du séjour, ont droit à la santé » ;
- ainsi qu’aux personnes exilées installées depuis plus longtemps en situation de précarité (avec ou sans droit au séjour), qui n’ont pas ou peu eu accès aux soins depuis leur arrivée et n’ont pas pratiqué l’ensemble du bilan de santé recommandé. NB : Les dépistages de la tuberculose maladie et des infections tuberculeuses latentes ne sont plus recommandés après 5 ans de présence en France.
Où pratiquer le bilan de santé ?
Avec une protection maladie (dont C2S, AME), tous les dispositifs de santé de « droit commun » sont en mesure de réaliser le bilan de santé :
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- consultation de médecine générale avec examens complémentaires dans un laboratoire de ville ;
- Centre d’examen de santé de la Cpam : gratuit, à partir de 10 ans. Destiné en priorité aux personnes précaires « éloignées du soin », sans suivi médical régulier, mais réservé aux assurés sociaux (les bénéficiaires de l’AME en sont exclus). Réalisation du bilan de santé avec entretien et examens complémentaires (à partir de 16 ans), information sur le parcours de soins, dépistage organisé des cancers, examens dentaire et de la vue ;
- consultation ambulatoire d’ophtalmologie, gynécologie, dentaire en accès direct (hors parcours de soins) ;
- Centre de PMI pour les enfants de moins de 6 ans.
Sans protection maladie. Les dispositifs dédiés aux populations précaires proposent une prise en charge médico-sociale centrée sur la demande de soins et l’ouverture de droits, mais certains d’entre eux peuvent également réaliser une partie du bilan de santé dans la limite de leurs activités :
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- les Permanences d’accès aux soins de santé, majoritairement implantées dans des hôpitaux, proposent des consultations de médecine générale pour les personnes en situation de précarité et/ou sans droits ouverts ; il existe des Pass pédiatriques, dentaires, ou ophtalmologiques ;
- centres de dépistage, CeGIDD : souvent rattachés à des hôpitaux ou des centres de santé, la plupart proposent le dépistage gratuit du VIH et des Infections sexuellement transmissibles ;
- centres de lutte anti-tuberculeuse (Clat), pour les dépistages de la tuberculose maladie et des ITL ;
- centre de PMI pour les enfants de moins de 6 ans.
- centres de vaccination pour la mise à jour du statut vaccinal
- centres de planification et d’éducation familiale
- centres associatifs de santé (Comede, MDM, MSF etc.)
Représentation légale pour les Mineurs non accompagnés. Depuis la Loi Santé 2016 modifiant l’article L. 1111-5 du Code de santé publique, les enfants reconnus mineurs, dont les liens de familles sont rompus, bénéficient à titre personnel d’une couverture maladie avec complémentaire. Les actes de prévention, dépistage, diagnostic, traitement et intervention peuvent être réalisés avec leur seul consentement. Les enfants en attente de reconnaissance de leur minorité sans protection maladie peuvent être reçus dans les structures identifiées pour la réalisation du bilan de santé en désignant une personne majeure de leur choix, qui peut faire partie de l’équipe soignante présente si l’enfant est seul.e (voir Instruction DGS du 8 juin 2018). Les enfants non reconnus mineurs sont considérés comme « majeurs ».
Contenu du bilan de santé recommandé
Le bilan de santé s’inscrit dans une démarche d’information, de prévention et de dépistage, à la recherche de maladies et risques souvent asymptomatiques. Il pourra être complété selon le contexte clinique (entretien et examen) par des examens complémentaires à visée diagnostique. Si la personne est allophone, le recours à l’interprétariat professionnel est indispensable.
Autres examens recommandés selon les cas
Pour les femmes : la consultation de prévention en santé sexuelle est un espace dédié à l’information et à la discussion autour de la sexualité, de la contraception, du désir de grossesse, de l’IVG. Elle peut être réalisée par une médecin généraliste, une gynécologue ou une sage-femme. Elle permet le dépistage des violences liées au genre dont les mutilations sexuelles féminines, et le dépistage du cancer du col de l’utérus selon les recommandations en vigueur. L’examen gynécologique n’est pas obligatoirement réalisé lors de la première consultation et peut être différé selon les souhaits de la patiente, en tenant compte de son vécu traumatique.
Pour les personnes âgées de plus de 65 ans : ne pas oublier d’inclure les spécificités gériatriques, à savoir un bilan nutritionnel, un bilan neurosensoriel (vue, audition), le dépistage de la dépression, et si besoin une évaluation de la mémoire et de l’autonomie dans la langue de la personne à l’aide d’un.e interprète professionnel.le.
Pour les enfants : en plus de l’examen global de l’enfant (à savoir l’évaluation la croissance staturo-pondérale, la surveillance de son développement physique, psychoaffectif et neurodéveloppemental, le dépistage des troubles sensoriels, conformément aux objectifs des examens obligatoires de l’enfant), et du bilan de santé recommandé :
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- penser à prescrire une plombémie chez les enfants de moins de 6 ans, ou en cas de troubles neurologiques du développement, de troubles des apprentissages ou du comportement, ou en cas d’anémie microcytaire ;
- en cas de suspicion de malnutrition ou de signes évocateurs, proposer un bilan de rachitisme (calcémie, phosphatases alcalines, PTH, 25-OH-vitD, radiographie osseuse) ;
- le dépistage des troubles psychiques chez l’enfant inclut celui des troubles des apprentissages et du comportement.
Attention envers les Mineurs non accompagnés : ces enfants exilés isolés représentent un public particulièrement vulnérable au regard des risques pour la santé et spécialement la santé mentale. Souvent victimes ou témoins de violences graves sur les routes de l’exil, ils sont d’autant plus vulnérables face aux réseaux de traite des êtres humains sur le trajet mais aussi en France. Dans l’attente de la reconnaissance de leur minorité conditionnant leur prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance, ils ont souvent connu la rue et la faim dans l’attente d’une prise en charge effective. Il existe une surreprésentation des psychotraumatismes chez ces enfants, pouvant s’exprimer par des symptômes somatiques ou somatoformes jusqu’à des tentatives de passage à l’acte suicidaire, en passant par des troubles des conduites et/ou la consommation de substances psychoactives.
L’électrophorèse de l’hémoglobine, destinée au dépistage du trait drépanocytaire (AS) chez les personnes originaires de régions à forte prévalence : ce dépistage doit être discuté au cas par cas, après information des personnes concernées du risque de transmission génétique de la maladie en cas de dépistage positif et de partenaire également porteur du trait, des possibilités de recours à un conseil génétique en cas de projet d’enfant pour un éventuel diagnostic prénatal pouvant mener ou non vers une interruption médicale de grossesse.
Excès de mercure en Guyane française, en raison des activités d’orpaillage. La contamination survient principalement par l’ingestion de poissons, surtout les poissons prédateurs, et présente un risque neurotoxique chez l’enfant. Le dépistage du taux de méthylmercure sanguin est recommandé pour les femmes enceintes ou allaitant ou avec désir de grossesse et les enfants âgés de moins de 7 ans consommant plus de 2 portions de poisson par semaine, et de toutes les populations tirant leur subsistance de la pêche (exposition chronique par inhalation, ingestion ou contact dermique). En Guyane, c’est le cas de toutes les personnes qui résident dans des villages isolés.