20.8. Parasitoses

Maladies infectieuses et parasitaires

Les parasitoses sont des infections dues à des parasites, terme qui en médecine désigne principalement les protozoaires (comme les amibes, composés d’une cellule), les vers (helminthes, composés de nombreuses cellules), ainsi que les ectoparasitoses qui se développent sur la surface corporelle (comme la gale). Les endoparasitoses sont relativement rares dans les régions tempérées, mais certaines d’entre elles peuvent avoir des conséquences graves à court terme (paludisme, amibiase hépatique…) ou à long terme, notamment pour la strongyloïdose (anguillulose) et les schistosomoses (bilharziose). Chez les personnes migrantes récemment arrivées en France, la fréquence de certaines parasitoses doit être prise en compte dans les actions de dépistage et de bilan de santé.

Le paludisme (malaria), qui sévit notamment à Mayotte et en Guyane, est responsable au niveau mondial d’une mortalité élevée, en particulier chez l’enfant. Il est cependant rare chez les migrant.e.s récemment arrivé.e.s en France en raison d’une « immunité » protectrice par exposition répétée au parasite. Après un an ou deux sans exposition, cette prémunition disparaît, exposant les migrant.e.s voyageant en zone d’endémie aux mêmes risques que les autres voyageurs.

Principales parasitoses à prendre en compte pour le dépistage

Les parasitoses intestinales (ou digestives) sont essentiellement liées au péril fécal (transmission par l’eau contaminée). Leur prévention repose sur des mesures d’hygiène individuelle et collective, et des systèmes d’évacuation des eaux usées. Il n’existe pas de vaccin.

Les helminthiases intestinales sont souvent asymptomatiques, mais peuvent expliquer en partie les fréquentes douleurs abdominales dont se plaignent les migrant.e.s lors des premiers mois de la vie en France. Parmi les helminthiases :

  • l’ankylostomose peut provoquer, en cas d’infection chronique, une anémie par carence en fer.
  • l’anguillulose (strongyloïdose, persistance possible pendant des décennies par auto-infestation), présente un risque de forme maligne suite à une dépression de l’immunité.

Autres parasitoses intestinales à risque :

  • Les schistosomoses (bilharziose) peuvent être responsables à long terme de complications digestives et urinaires, elles font l’objet d’un développement en fin d’article;
  • L’amibiase (amibes) est presque toujours asymptomatique (kystes), mais tout porteur doit être traité en raison des risques de maladie (amibiase intestinale, abcès hépatique) ;
  • La giardiose (lambliase), souvent asymptomatique, peut provoquer un syndrome de malabsorption en cas d’infestation massive et chronique.

La Loase (filariose à Loa loa) est assez fréquente parmi les personnes originaires d’Afrique centrale forestière, en particulier le Cameroun. Si des épisodes cliniques antérieurs sont rapportés (migration du ver adulte se traduisant par un cordon mobile se déplaçant sous la peau), une recherche systématique d’hyperéosinophilie, une sérologie et un frottis sanguin sont justifiés.

La maladie de Chagas (trypanosomose américaine) concerne les personnes originaires d’Amérique latine, en particulier de Bolivie. Sa gravité potentielle (myocardite chronique ou constitution de méga organes pouvant apparaître après 10 ou 20 ans d’évolution) et son mode de transmission mère-enfant, par transfusion sanguine, ou par transplantation d’organe, justifient de proposer un dépistage à toutes les femmes, originaires d’Amérique latine récemment arrivées en France, enceintes ou en âge de l’être, et pour tout enfant né au pays (sérologie).

Autres parasitoses rencontrées

L’hydatidose : de localisation le plus souvent hépatique (lésions kystiques du foie), elle s’observe majoritairement en France chez les personnes originaires d’Afrique du Nord, moins fréquemment du Moyen Orient ou d’Amérique latine. Le dépistage systématique n’est pas justifié en raison d’une bonne tolérance. Toutefois, toute calcification arciforme découverte fortuitement sur un cliché thoracique ou abdominal doit conduire à une échographie.

La cysticercose : cause fréquente d’épilepsie en milieu tropical, non rare chez les personnes originaires de l’océan indien, d’Amérique latine, d’Asie du Sud-Est principalement. Le dépistage n’est pas indiqué à titre systématique, mais ce diagnostic doit être évoqué devant toute manifestation d’épilepsie chez une personne originaire de zone d’endémie.

La gale est une ectoparasitose favorisée par des conditions de précarité et de promiscuité, et qui peut toucher l’ensemble de la population. Elle doit être évoquée devant un prurit généralisé à exacerbation vespérale ou nocturne, avec notion de contage de l’entourage (risque de transmission). Les lésions sont plus souvent non spécifiques (lésions de grattage et excoriations, lésions papulo-urticariennes) que spécifiques (sillons, vésicules perlées, chancre scabieux de l’homme avec papules du gland).

Le traitement et l’éradication de la gale sont rendus complexes par les conditions de vie des personnes en situation précaire. Les cas groupés, notamment en habitat collectif, font l’objet de recommandations éditées par le HCSP (novembre 2012). Le traitement de la forme bénigne repose sur l’ivermectine (stromectol® 3 mg, 200 g/kg en 1 prise, soit 4 cp pour 60 kgs), plus simple d’utilisation que l’application d’ascabiol®, et doit être associé à une désinfection des vêtements et des draps (sac plastique fermé 5 jours ou 48 heures avec un produit « insectes rampants » ou lavage à 60°). Le prurit peut persister 10 à 15 jours et est souvent peu sensible aux antihistaminiques.

Dépistage et bilan de santé

Afin de dépister des parasitoses intestinales parmi les personnes originaires de régions intertropicales, le bilan (voir aussi 16.2. Bilan de santé) doit comporter une numération formule sanguine à la recherche d’une d’hyperéosinophilie, un examen parasitologique des selles (EPS), ainsi qu’une sérologie bilharziose pour les personnes d’Afrique subsaharienne. La répétition des EPS (3 examens espacés de plusieurs jours sur 8 à 10 jours) permet d’en améliorer la sensibilité mais n’est pas justifiée dans une démarche de dépistage. Ce bilan doit être complété par :

  • un examen parasitologique des urines (idéalement sur un recueil de 24 h) à la recherche d’une bilharziose urinaire (voir infra) pour les personnes originaires d’Afrique subsaharienne ;
  • une recherche de loase (microfilarémie sur frottis sanguin de milieu de journée et sérologie filariose), en cas d’hyperéosinophilie pour les personnes originaires des zones forestières du Cameroun ;
  • une sérologie trypanosomose pour le dépistage de la maladie de Chagas pour les Latino Américains, notamment les femmes en âge de procréer et les enfants nés au pays.

L’examen parasitologique des selles (EPS) doit être réalisé par un laboratoire expérimenté, la prescription devant spécifier la recherche des anguillules :

  • à la recherche de parasites à traiter : œufs d’Ascaris lumbricoides ; des œufs d’Ancylostoma duodenale ou de Necator americanus (ankylostomes) ; des larves de Strongyloides stercoralis (anguillules) ; des œufs de Trichuris trichura (trichocéphales) ; des œufs de Schistosoma mansoni ou de Schistosoma mekongi et japonicum (bilharziose digestive) ; des kystes ou des formes végétatives d’Entamœba histolytica (amibes pathogènes) ; des kystes de Giardia intestinalis ; des œufs de Tænia saginata ou de Tænia solium (« ver solitaire »), d’Hymenolepis nana et Hymenolepis diminuta ou des formes végétatives de Dientamœba fragilis ;
  • la découverte (fréquente) des parasites suivants n’a pas de signification pathologique : Entamœba coli, Entamœba hartmanni, Entamœba polecki, Endolimax nana, Pseudolimax butschlii, Blastocystis hominis, Trichomonas intestinalis.

L’examen parasitologique des urines (EPU) est recommandé pour les personnes originaires d’Afrique subsaharienne. Pratiqué par un laboratoire expérimenté, l’EPU retrouve des œufs de Schistosoma hæmatobium (bilharziose urinaire).

La NFS permet l’orientation diagnostique en l’absence de preuve parasitologique :

  • une hyperéosinophilie (compte de polynucléaires éosinophiles > 500/mm3) signe le plus souvent une helminthose ;
  • les IgE totales sont également augmentées en cas d’helminthose ;
  • une anémie microcytaire hypochrome doit évoquer une ankylostomose, même si les autres causes de carence en fer sont plus fréquentes.

Outre le bilan de santé, tout signe clinique ou biologique évocateur d’une parasitose doit conduire à un bilan parasitologique et/ou à un avis spécialisé.

Devant une hyperéosinophilie isolée (EPS- et EPU-), penser aux causes non parasitaires (allergie, hémopathies malignes et néoplasies, maladies auto immunes et maladies inflammatoires chroniques intestinales), et rechercher une helminthose. Deux attitudes sont possibles :

rechercher un parasite par EPS (et EPU pour les personnes d’Afrique subsaharienne) pendant 3 jours; si les examens sont négatifs, proposer un traitement d’épreuve et contrôler l’éosinophilie 1 mois après. Si persistance de l’hyperéosinophie : sérologies (filarioses, schistosomoses, distomatose, trichinellose, cysticercose, hydatidose) ± microfilarémie si suspicion de loase ou de filariose lymphatique ± biopsie cutanée exsangue si suspicion d’onchocercose (filariose présente en zone intertropicale avec risque de cécité) ;

ou proposer un traitement d’emblée chez tous les primo-arrivant.e.s par albendazole (400 mg, prise unique), et ivermectine (3 mg, 4 cp en une prise), complété par une cure de praziquantel (40 mg/kg après un repas) pour les patient.e.s d’Afrique subsaharienne.

Traitements

Médicaments de référence pour les parasitoses les plus fréquentes :

  • l’albendazole (400 mg en une prise) traite la plupart des helminthoses (oxyurose, ascaridiose, ankylostomose) ;
  • L’ivermectine traite l’anguillulose (4 comprimés en une prise, contrôler 6 mois après EPS et NFS) ;
  • le praziquantel traitre la plupart des taenia et des schistosomoses (voir plus loin);
  • le métronidazole traite les protozooses intestinales (giardiose et amibiase).

Traitements de première intention (et alternatives) pour les principales parasitoses :

  • amibiase : métronidazole+tiliquinol (mais le tiliquinol, n’est plus disponible en France depuis 2018)
  • anguillulose : ivermectine
  • ankylostomose : albendazole
  • ascaridiose : albendazole (flubendazole)
  • filariose à Loa Loa : di-éthylcarbamazine précédé d’ivermectine (albendazole)
  • filariose lymphatique : ivermectine (albendazole)
  • giardiose : métronidazole
  • leishmaniose viscérale : amphotéricine B
  • onchocercose : ivermectine (doxycycline)
  • oxyurose : albendazole (flubendazole)
  • schistosomose : praziquantel
  • taenia : praziquantel (nicosamide)
  • trichomonose : métronidazole

Schistosomoses (ou bilharziose)

Les schistosomoses sont des infections parasitaires répandues qui affectent 200 millions de personnes dans le monde, en majorité en Afrique subsaharienne. Liées aux contacts cutanés répétés avec l’eau douce, ce sont des infections d’évolution chronique, pour lesquelles il est recommandé de réaliser un bilan d’extension par échographie, urinaire ou hépato splénique. Il existe en effet deux formes cliniques très différentes :

  • une forme urogénitale liée à Schistosoma hæmatobium en Afrique, qui se manifeste, lorsqu’elle est symptomatique, par une hématurie et des complications chroniques : dysurie, infections urinaires pouvant évoluer vers une insuffisance rénale ;
  • une forme digestive hépatosplénique ( mansoni en Afrique et Amérique du Sud/Caraïbes et S. japonicum ou S. mekongi en Asie) responsable d’une morbi mortalité importante, qui peut se manifester par des signes d’hypertension portale liée à une cirrhose.

Les maladies qu’elles induisent restent silencieuses pendant une longue période, c’est pourquoi le dépistage systématique pour toute personne originaire de zone d’endémie est primordial. Dans l’attente d’un test de dépistage de qualité, on peut proposer selon l’origine géographique la combinaison d’un EPS et/ou EPU des 24 heures, d’une recherche d’éosinophiles et de la sérologie (recherche des anticorps sériques) laquelle ne permet cependant pas actuellement de différencier les espèces et ne renseigne pas non plus sur le caractère évolutif, résolu ou chronique, de la maladie. NB : dans un argumentaire de 2017 relatif à au diagnostic de la bilharziose, la HAS positionne l’EPU parmi les examens complémentaires à réaliser en seconde ligne après une sérologie positive.

Traitement des schistosomoses à S. hæmatobium et S. mansoni : praziquantel (biltricideâ), 2 cures à 1 mois d’intervalle à la dose unique de 40 mg/kg après un repas (60 mg/kg pour les schistosomoses asiatiques). Le traitement peut être contrôlé à 2 mois, 6 mois et 1 an.

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Références bibliographiques

Anofel, Campus de Parasitologie-Mycologie, ici

Bouchaud O., Médecine des voyages, médecine tropicale, Masson, 2010, ici

Comede, Prévenir et dépister les parasitoses chez les migrants, Maux d’exil n°33, juin 2011, ici

HAS, Actualisation des actes de biologie médicale relatifs au diagnostic de la schistosomose, ici

ePILLY Trop, Maladies infectieuses tropicales, édition 2022. ici