20.5. Infection chronique par le VHC
Maladies infectieuses et parasitaires
Article mis à jour le 23 décembre 2023
Fréquent parmi les exilé.e.s d’Europe de l’Est et d’Afrique centrale, le virus de l’hépatite C (VHC) provoque une infection aiguë qui présente un risque élevé de passage à la chronicité dans 55% à 90% des cas. L’infection chronique peut être responsable d’une cirrhose (30% des cas), puis d’un cancer du foie, en quelques années ou décennies. On estime que, après 20 ans d’évolution, la progression vers la cirrhose est de 20 % et le risque de carcinome hépatocellulaire de 1% à 4% par an. Il n’existe pas de vaccin contre le VHC, mais les nouvelles molécules antivirales à action directe (AAD) entraînent une guérison virologique dans plus de 90% des cas. Selon les recommandations régulièrement mises à jour de la HAS et du rapport Delobel, ce traitement doit être prescrit à l’ensemble des personnes infectées de façon à faire régresser, voire disparaître, l’épidémie en France et empêcher la survenue de complications chez les personnes ayant reçu un traitement précoce.
Épidémiologie et transmission
En 2016, la prévalence estimée de l’infection par le VHC était de 0,36% en France métropolitaine et de 1% dans le monde. Les régions à forte prévalence de l’infection par le VHC sont l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud Est, le Moyen Orient et l’Amérique du Sud. Dans l’observation du Comede, le taux global de l’infection chronique à VHC est de 15 pour 1000, plus élevé parmi les personnes originaires d’Europe de l’Est (femmes 34, hommes 91), d’Afrique centrale (femmes 32, hommes 28), d’Afrique du Nord (hommes 30) et d’Asie centrale (hommes 18). La fréquence augmente fortement à partir de 50 ans (max.107 pour les + de 65 ans).
La transmission du VHC se fait essentiellement par voie sanguine. De nombreux actes médicaux ou comportements sont à risque d’infection par le VHC, et justifient la pratique d’une sérologie de dépistage : administration de fractions antihémophiliques ou dérivés sanguins labiles (avant 1986 en France) ; transfusion de sang, « culots » globulaires, concentrés plaquettaires, plasma, greffe de tissus, cellules, organes (avant 1992 en France) ; antécédents d’actes invasifs (endoscopie avec biopsie) compte tenu des risques alors incomplètement maîtrisés avant 1997 en France (désinfection et stérilisation insuffisantes) ; hémodialyse ; partage de matériel utilisé pour la préparation et l’injection d’héroïne, de cocaïne ou de médicaments détournés ; partage de paille pour la prise de drogues par voie nasale ; transmission materno foetale ; d’autres pratiques sont également à risque : piercing, tatouage, scarifications, soins invasifs traditionnels, soins dans les pays à forte prévalence de VHC.
Clinique et biologie
Hépatite C aiguë. Après une durée moyenne d’incubation de 8 semaines (2-26), l’hépatite aiguë est généralement asymptomatique. La sérologie virale fait le diagnostic (présence d’anticorps anti VHC par test Elisa). La détection de l’ARN du virus est positive et signe l’activité de la maladie. La guérison est spontanée dans environ 25% à 35% des cas.
Infection chronique par le VHC (Ac anti-VHC+, détection de l’ARN du virus +). De par l’activité nécrotico-inflammatoire qu’il génère, le VHC entraine une fibrose progressive du foie évoluant vers la cirrhose. Afin d’évaluer le degré de fibrose hépatique, la ponction-biopsie hépatique (PBH) n’est plus nécessaire chez la majorité des malades sans comorbidité. En effet, de nombreux tests non invasifs, sanguins ou physiques, ont été validés. L’Afef recommande l’utilisation de 3 types de tests remboursés : deux sanguins (le Fibrotest® et le Fibromètre®) ou la Mesure de l’élasticité hépatique par Fibroscan®. Outre la cirrhose et le cancer du foie, l’infection par le VHC peut favoriser d’autres affections sévères (lymphomes B non Hodgkinien, cryoglobulinémie mixte, néphropathies, troubles neuropsychiatriques…).
Dépistage et bilan initial
Dépistage. Compte tenu de la gravité potentielle de l’hépatite C, la proposition de recherche des anticorps totaux anti-VHC dans le sérum et/ou le plasma par des tests immunologiques de 3ème ou 4ème génération (sérologie VHC) est notamment justifiée pour tous les patients qui ont reçu des soins dans des pays à forte prévalence du VHC en raison de la précarité de nombreux systèmes de santé (réutilisation de matériel mal stérilisé) ; qui, avant 1992 en France, ont été transfusés, qui ont bénéficié d’une intervention chirurgicale lourde, d’une greffe, de soins en réanimation ou en néonatalogie ; qui sont hémodialysés ; qui sont nés de mère séropositive pour le VHC ; qui ont un partenaire sexuel atteint d’hépatite ; qui font partie de l’entourage familial des personnes atteintes d’hépatite C ; qui sont atteints d’affection hépatique (dont l’hépatite B) et/ou porteurs du VIH ; qui sont ou ont été usagers de drogues par voie veineuse ou nasale ; qui sont ou ont été incarcérés ; qui ont eu un tatouage, un piercing, de l’acupuncture sans utilisation de matériel à usage unique. L’analyse et l’explication des résultats réclament de la part du médecin une bonne maîtrise de l’histoire naturelle du VHC et des modes de contamination. Les informations doivent être bien comprises par le/la patient.e, si besoin à l’aide d’un.e interprète professionnel.le.
En alternative, les Trod (Test rapide d’orientation diagnostique) peuvent être utilisés chez les personnes à risque éloignées des structures de santé et chez les personnes à risque insuffisamment dépistées et chez qui les avantages des Trod faciliteraient la pratique du dépistage immédiat.
Parcours de soins, traitement et surveillance
Deux parcours de soins peuvent être proposés selon les résultats du bilan initial :
- parcours de soins simplifié : en cas de maladie hépatique peu sévère (Fibrotest® ≤0,58 ou Fibromètre® ≤0,78 ou Fibroscan®<10 kPa), d’absence de coinfection virale (VIH, VHB), de comorbidités hépatiques non compensées (obésité et/ou diabète non équilibré et/ou consommation excessive d’alcool) et d’absence d’insuffisance rénale (DFG < 30ml/minute ou dialyse), la personne pourra être orientée vers un parcours dit simplifié. Dans cette situation, tout médecin peut alors prescrire le traitement antiviral par antiviraux directs (AAD) s’il en maîtrise les modalités ;
- parcours de soins spécialisé : lorsque les conditions pour le parcours de soins simplifié (voir supra) ne sont pas remplies et/ou en cas d’échec d’un précédent traitement par antiviraux directs (AAD), de cirrhose décompensée, de carcinome hépatique et de projet de transplantation d’organe, la personne sera orientée vers un parcours de soins spécialisé avec des professionnels hospitaliers ou libéraux ayant l’habitude de la prise en charge des patients atteints par le VHC. La présentation de la situation de la personne au cours d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) est recommandée.
Toute personne infectée par le VHC doit être traitée à quelques exceptions près : les femmes durant la grossesse ou allaitantes, les personnes dont l’espérance de vie est limitée par des comorbidités non hépatiques et lorsqu’il existe des interactions possibles entre les médicaments antiviraux à action directe (AAD) et certains médicaments prescrits dans le cas d’autres maladies chroniques graves.
Comment traiter ? La mise à disposition d’une nouvelle génération d’antiviraux d’action directe (AAD) universels et pangénotypiques, beaucoup plus efficaces, mieux tolérés et permettant une durée de traitement plus courte a profondément remis en cause les schémas thérapeutiques précédents. L’objectif du traitement antiviral est l’éradication définitive du VHC (guérison), ce qui a pour conséquence l’arrêt de l’évolution de la fibrose et/ou son ralentissement lorsqu’il existe d’autres facteurs de comorbidités hépatiques, améliorer la qualité de vie et arrêter la transmission. Dans le cadre du parcours simplifié, les protocoles thérapeutiques actuellement recommandés en 1ère intention reposent sur l’association d’une dose fixe de Sofosbuvir (SOF 400 mg) et de Velpatasvir (VEL 100 mg) / Epclusa® en 1 seul comprimé 1 fois par jour pendant 12 semaines ; ou sur l’association d’une dose fixe de Glécaprévir (GLE 300mg) + Pibrentasvir (PIB 120mg) / Maviret® en 3 comprimés (GLE/PIB 100/40) 1 fois par jour avec de la nourriture pendant 8 semaines. Il est impératif de rechercher les interactions médicamenteuses et de faire des adaptations thérapeutiques si nécessaire avant de débuter le traitement antiviral en utilisant les recommandations reportées sur www.hep-druginteractions.org ou l’application smartphone HEP iChart.
Les chances de réussite du traitement sont liées à la gravité de l’atteinte hépatique initiale, aux morbidités associées, à l’observance au traitement et aux conditions sociales. Afin de ne pas entraîner des retards dans les soins, il est nécessaire d’établir préalablement à tout traitement un diagnostic social précis avec recherche des facteurs de vulnérabilités (pas encore de protection maladie, hébergement instable, statut administratif précaire voire irrégulier, absence de maîtrise de la langue française, isolement relationnel…) qui servira de base aux réponses sanitaires et sociales, dans le respect des principes déontologiques (protection de la santé et consentement éclairé de la personne).
La réponse virologique soutenue (RVS), c’est-à-dire l’absence de virus dans le sang 12 à 24 semaines après l’arrêt du traitement, est obtenue dans plus de 90% des cas et signe la guérison. S’il n’existe pas de différences significatives en termes de RVS, il est important de noter que les personnes migrantes venant de certains régions (Chine, Asie du Sud-Est ou Afrique subsaharienne) peuvent être infectées par des sous-types dits non usuels, et présentent un risque de non-réponse au traitement habituel simplifié. La surveillance médicale doit être poursuivie de façon indéfinie pour les personnes ayant une fibrose avancée (F3) ou une cirrhose (F4) et une RVS. En raison de la persistance du risque, même réduit, de survenue d’un carcinome, il est recommandé d’organiser la surveillance par une échographie et un dosage semestriels de l’α-fœtoprotéine et de dépister les varices œsophagiennes/gastriques.
Education thérapeutique. Pour les personnes ayant une fibrose hépatique sévère indiquant le dépistage du CHC +/- de l’hypertension portale et/ou ayant des comorbidités (consommation excessive d’alcool, syndrome métabolique, coinfection virale B ou VIH) et/ou à risque de réinfection (HSH, toxicomanie active et/ou dont l’observance peut être aléatoire (barrière linguistique, précarité, addiction, personnes incarcérées ou ayant des troubles psychiatriques), il est nécessaire de proposer à titre systématique un programme d’éducation thérapeutique (voir 16.3 Éducation thérapeutique du patient).
Autres conseils de prévention pour les personnes infectées par le VHC. Modérer la consommation d’alcool (< 20 g/j chez les hommes et < 10 g/j chez les femmes) ; ne pas prendre de médicaments sans l’avis du médecin ; perdre du poids en cas d’excès pondéral (il y aurait une meilleure réponse au traitement) ; vaccination recommandée contre l’hépatite B et l’hépatite A en cas de risque ; le préservatif est conseillé en cas de partenaires multiples ou de rapports pendant les règles si la femme est porteuse du VHC ; le dépistage du ou de la partenaire est justifié ; éviter le partage des objets de toilette (brosse à dents, coupe ongles, rasoir, ciseaux, pince à épiler…) ; désinfection et pansement des plaies ; soins médicaux : informer les soignants (infirmiers, dentistes, chirurgiens) ; grossesse et allaitement (le dépistage du VHC est recommandé dans le bilan de grossesse) : la grossesse, l’accouchement par voie naturelle et l’allaitement ne sont pas contre indiqués. Le diagnostic de l’infection chez l’enfant repose sur la recherche de virus dans le sang (PCR) qui est proposée entre l’âge de 3 et 12 mois.
Aspects médico-juridiques et droit au séjour des étrangers malades
Critères médicaux pour le droit au séjour. Une personne étrangère en séjour irrégulier ressortissante d’un pays dit en développement (ou à faibles ressources) atteinte d’une infection chronique par le VHC peut remplir les critères médicaux de « régularisation » dans les situations suivantes :
- la personne présente une infection par le VHC, sans complication, ni fibrose significative, ni co-morbidité. Dans ce cas une régularisation est justifiée pendant la durée du traitement anti-VHC et du suivi nécessaire pour affirmer la guérison virologique (12 à 24 semaines après le traitement). En pratique, la longue durée de la procédure en raison des obstacles rencontrés depuis le dépôt de la demande jusqu’à l’avis du collège de médecins de l’Ofii puis la réponse des préfectures, implique que la personne est parfois guérie lors de la délivrance (ou non) d’un titre de séjour ;
- la personne présente des complications initiales, et/ou une fibrose hépatique sévère, et/ou des co-morbidités, qui ont pu apparaître au décours du traitement antiviral et qui entraînent des « conséquences d’une exceptionnelle gravité ». Cette personne nécessite un suivi au-delà de la guérison virologique et, le cas échéant, un traitement approprié. Il peut s’agir par exemple de la survenue d’un carcinome hépatocellulaire avant le, ou au cours du traitement, ou encore du risque de survenue après la fin du traitement antiviral. Une régularisation pour raison médicale est alors justifiée, sans toujours pouvoir prévoir la durée du suivi et du traitement.
Sources pour l’aide à la décision : OMS, Onusida et Pnud, indicateurs relatifs au système de santé, à l’accès aux soins et au développement humain ; et arrêté du ministère de la Santé et des affaires sociales du 05/01/2017, annexe 2 C.C « En ce qui concerne les hépatites virales B et C » qui indique que les moyens nécessaires à un suivi efficace et adapté de ces pathologies ne sont habituellement pas accessibles dans l’ensemble des pays en développement.