8.2. Principes d’accompagnement

Double demande asile et maladie

La loi du 1er mars 2019 prévoit que l’étranger doit, concomitamment à l’enregistrement de sa demande d’asile, informer et solliciter la préfecture d’un autre motif d’autorisation de séjour hors asile sous peine de ne plus pouvoir solliciter, après l’examen de sa demande d’asile, un autre titre de séjour à moins qu’il ne fasse état de circonstances nouvelles. Dans un contexte de complexification des procédures administratives et de dématérialisation de l’accès aux services publics, les démarches peuvent se révéler très difficile pour toutes les personnes en situation de précarité. Pour les exilé.e.s, ces difficultés sont augmentées par la barrière de la langue, la précarisation de leur statut administratif et des pratiques restrictives au sein de l’administration. Dans ce contexte, l’exigence de « double demande » nécessite pour les exilé.e.s de pouvoir bénéficier d’un accompagnement social et juridique spécialisé.

Rappel de la procédure d’asile et double demande

  • Présentation à la Spada puis au Guda
  • Enregistrement de la demande d’asile et prise d’empreintes (fichier Eurodac, etc.)
  • Remise d’une attestation de demande asile (ATDA) « procédure dublin, normale ou accélérée »
  • Remise d’une notice d’information « double demande » dans une langue comprise par l’intéressé.e, avec signature (le refus de signer n’empêche le délai de courir) si la personne est en procédure normale ou accélérée –> la remise de cette notice fait partir le délai = 2 mois + 1 mois pour le Droit au séjour étranger malade
  • Demande à faire sur le site de l’Anef dans un délai de 2 mois.
  • Délivrance (à télécharger sur son compte Anef) du certificat médical Ofii personnalisé à remettre à son médecin traitant ou praticien hospitalier. Attention: ne pas oublier de faire signer à la personne en demande d’asile le formulaire Ofii de consentement d’échange d’informations médicales entre médecin traitant ou hospitalier et médecin de l’Ofii (à télécharger sur son compte Anef).
  • Le médecin ou la personne doit envoyer soit par courrier soit par mél le certificat médical à la direction territoriale de l’Ofii du lieu de résidence de la personne demandeuse d’asile dans le délai de 1 mois suivant le téléchargement du certificat médical vierge sur le site de l’Anef).

L’accompagnement dans le cadre du DNA (Dispositif national d’accueil ou « dispositif asile »)

En application de l’article L550-2 du Ceseda, pour déposer une demande d’asile en France il est indispensable de passer par une structure de premier accueil des demandeurs d’asile (Spada). Cette structure associative qui agit pour le compte de l’Etat, accueille, oriente et accompagne toute personne demandeuse d’asile et la domicilie. Toute personne en demande d’asile orientée par l’Ofii doit obligatoirement être domiciliée par la Spada de la préfecture et de l’Ofii compétentes et bénéficier d’un accompagnement tout au long de la procédure d’asile. Les personnes concernées sont :

  • les demandeurs d’asile adultes accompagnés des membres de leur famille (conjoint.e et enfants à charge) orientés par l’Ofii, en première demande ou en réexamen ;
  • les demandeurs d’asile mineurs accompagnés de leurs parents non-demandeurs d’asile orientés par l’Ofii, en première demande ou en réexamen.

Accompagnement par les Spada. L’accompagnement social, juridique et administratif des demandeurs d’asile non hébergés (voir infra) est réalisé en Spada ou en antenne de Spada. La prestation d’accompagnement de la Spada est définie par un cahier des charges qui établit les prérogatives de cette structure d’accueil. Celle-ci a pour mission :

  • de domicilier en remettant une attestation ou une déclaration de domiciliation à la personne afin qu’elle justifie d’une adresse ;
  • d’informer et d’aider la personne dans ses démarches d’accès aux droits sociaux, en l’accompagnant dans la constitution et la finalisation des dossiers lors d’entretiens individuels (Puma et C2S, hébergement d’urgence de droit commun, aide alimentaire, vestiaire, scolarisation des enfants) ;
  • de délivrer les documents nécessaires à l’accès aux droits sociaux des domiciliés de la Spada ;
  • d’informer et d’aider la personne dans ses démarches relatives à la procédure d’asile par la mise en place d’entretiens individuels d’aide à la compréhension et à la complétude du dossier Ofpra (partie administrative et aide au récit).

Les hébergements du DNA : Cada ou Huda. Lorsque la personne en demande d’asile est orientée vers un lieu d’hébergement au sens de l’article L552-8 du Ceseda, le centre d’hébergement devient responsable de sa domiciliation, de l’accompagnement et du suivi social de la personne. Les hébergements du DNA tels que les Cada ou les Huda doivent, sur le même principe que les Spada, proposer un accompagnement social et juridique dans les démarches relatives à la double demande.

En principe, l’accompagnement pour une double demande asile et maladie doit être donc réalisé par la Spada qui est en charge du suivi de la personne en demande d’asile ou par le centre d’hébergement (Cada, Huda) si celle-ci est hébergée. Mais la saturation des structures et le manque de moyens fait parfois reposer la charge de l’accompagnement sur d’autres acteurs hors du dispositif national d’accueil.

L’accompagnement hors du Dispositif national d’accueil

Les services sociaux de droit commun. L’accompagnement social et juridique des étrangers en situation précaire requiert d’abord les compétences et les techniques de la relation d’aide mais également une certaine connaissance en droit des étrangers. Au-delà de la barrière de la langue qui nécessite le recours à l’interprétariat professionnel, les services sociaux de droit commun sont habilités et aptes à accompagner les exilé.e.s quels que soient leurs statuts juridiques, y compris si elles et ils sont en séjour précaire ou irrégulier. Aucun texte de loi n’interdit donc à des services sociaux de droit commun d’accompagner les demandeurs d’asile dans leurs démarches. Cependant, la mise en place d’un dispositif spécifique asile rend très difficile l’accès à ces services de droit commun tant que la personne n’a pas de titre de séjour et est en cours de demande d’asile.

Les associations spécialisées dans la santé et la défense des droits des étrangers. Certaines associations d’aide aux étrangers peuvent être des relais et un soutien pour ces démarches d’accompagnement. Se renseigner s’il existe ce type d’association dans le département, notamment en utilisant les permanences téléphoniques des associations de portée nationale ou régionale (voir https://guide.comede.org/ressources/partenaires-en-region/).

Les services sociaux hospitaliers : les Permanences d’accès aux soins de santé (Pass) qui bénéficient d’un service social et les assistantes sociales des services hospitaliers peuvent être des soutiens privilégiés dans l’accompagnement d’une double demande notamment pour les Pass quand les personnes majeures en demande d’asile ne peuvent pas encore prétendre à une protection maladie (délai de carence de 3 mois pour ouvrir des droits à la prise en charge des frais de santé assortie de la complémentaire santé solidaire).

Conduite à tenir dans l’évaluation et l’accompagnement

Identifier le type de procédure du dispositif de l’asile et à quelle étape se trouve la personne. Il est nécessaire d’identifier depuis quelle date la personne est en demande d’asile et/ou en France et quelle est la procédure inscrite sur son attestation de demande d’asile :

  • si elle est en procédure accélérée, en procédure normale ou en procédure Dublin : dans ce dernier cas, il est considéré que la personne n’a pas encore déposé sa demande d’asile en France, et le délai de 3 mois ne commence pas à courir (une demande de titre de séjour pour soins est toutefois possible en droit malgré des pratiques préfectorales souvent contraires, voir 8.1 Repères fondamentaux) ;
  • si elle est en France depuis plus de trois mois avant l’enregistrement en Guda, et notamment si elle a des droits ouverts à l’assurance maladie, il se peut qu’elle ait eu déjà eu recours à des soins et un bilan de santé permettant le repérage de maladies justifiant la demande de droit au séjour pour raison médicale. Si cela n’est pas fait dans cette situation, il sera plus difficile d’évoquer des « circonstances nouvelles » justifiant une demande ultérieure y compris après le rejet de la demande d’asile.

Aider les personnes à accéder aux soins :

Evaluer la possibilité et la pertinence d’introduire une double demande. En cas de notion de problèmes de santé, prendre contact avec les professionnelles de santé impliquées dans le suivi pour l’évaluation des critères médicaux fondant la demande de droit au séjour « étranger malade » (selon la pathologie, la nationalité et l’accès aux soins dans le pays d’origine) et le moment pertinent pour cette demande (y a-t-il suffisamment d’éléments pour introduire cette demande ou doit-on attendre des informations complémentaires sur la gravité et l’évolution de la pathologie, au titre des « circonstances nouvelles » après le délai initial de 3 mois, notamment en cas de rejet de la demande d’asile).

Dans le cadre des permanences téléphoniques du Comede, des médecins, assistantes sociales et juristes peuvent renseigner et accompagner sur cette évaluation.

Si la personne a été déboutée de sa demande d’asile et a reçu une OQTF dite « asile » ou « double demande », les délais de recours contentieux devant le TA sont de 30 jours à compter de sa notification depuis la loi Darmanin 2024. La personne peut solliciter une demande d’Aide juridictionnelle (AJ) pour ce recours en annulation de l’OQTF qui sera suspensif.

Accompagnement pour l’enregistrement et le traitement de la double demande

Deux principes doivent être mis en avant dans l’accompagnement d’une double demande :

  • la nécessité de connaître la procédure et les délais impartis dans les démarches ;
  • la nécessité de sensibiliser les personnes concernées sur l’importance des méls : il faut vérifier régulièrement les notifications sur son compte Anef et de garder les preuves des échanges avec l’Anef.

Les démarches d’enregistrement de la double demande. La demande de titre de séjour pour raison médicale concomitante à la demande d’asile se fait sur le site de l’Anef et l’enregistrement de la double demande s’effectue après le dépôt de la demande d’asile en Guda sur le site de l’Anef par la création d’un compte personnel Anef. La création d’un compte Anef nécessite d’avoir au préalable une adresse mél. Toute la procédure et les échanges avec la préfecture se font via la plateforme de l’Anef par le biais de notifications par mél et sur le compte personnel Anef de la personne.

Documents à fournir. Lorsqu’un étranger sollicite une demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour, il doit présenter à l’appui de sa demande un document justifiant de son état civil et un document justifiant de sa nationalité. Or lorsque la demande de titre de séjour est introduite sur le fondement de la double demande en application de l’article L431-2 du Ceseda, le demandeur peut être autorisé à déposer son dossier sans présentation des documents d’état-civil et de nationalité comme prévus à l’article R431-1.

 

La personne en demande d’asile bénéficie d’un droit dérogatoire qui doit a priori faciliter l’enregistrement d’une autre demande d’autorisation de séjour. Elle devra donc fournir :

  • son attestation de demandeur d’asile en cours de validité ;
  • son attestation ou déclaration de domiciliation en cours de validité ;
  • un timbre fiscal de 50 € de frais de dépôt ;
  • une e-photo.

 

Les délais dans les démarches d’enregistrement de la double demande. Le délai pour solliciter la délivrance d’un titre de séjour étranger malade concomitante à la demande d’asile mentionné à l’article L.425-9 est porté à trois mois (2+1) à compter de l’enregistrement de la demande d’asile. Puis le demandeur doit remettre à l’Ofii le certificat médical dans un délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la demande de titre validée par la préfecture via l’Anef conformément à l’article D425-12 du Ceseda. Il faut faire bien attention aux délais car il arrive que, si les démarches d’enregistrement sur l’Anef et de remise du certificat médical ne sont pas réalisées dans les trois mois impartis, la préfecture se réserve le droit de ne pas instruire la double demande et de la clôturer. Il ne sera donc plus possible d’enregistrer cette demande passés les délais sauf en invoquant des circonstances médicales nouvelles si cela est toutefois possible.

 

La notion de circonstances nouvelles. Si le délai des trois mois est dépassé, il est toujours temps tout au long de la procédure d’asile d’évaluer s’il y a la possibilité d’invoquer des « circonstances nouvelles », par exemple lorsqu’un dépistage ou un diagnostic médical n’a pas pu être réalisé avant ou qu’une nouvelle pathologie soit survenue au-delà des délais d’enregistrement de la double demande. Cette notion de droit reste toutefois imprécise, et il est probable que le contentieux en dessinera au fur et à mesure les contours.

 

Que faire en cas d’impossibilité d’enregistrement ou de blocage Anef :

  1. faire une saisine du Centre de contact citoyen (CCC) sur le site de l’Anef ;
  2. tenter de prendre un RDV préfecture « blocage Anef » sur le site de la préfecture de rattachement de la personne en demande d’asile ;
  3. s’il n’y a pas de déblocage à la suite des deux premières solutions, envoyer une lettre recommandée A/R à la préfecture en indiquant le blocage ou l’impossibilité d’enregistrement et en précisant le motif de la circonstance médicale nouvelle passé le délai de trois mois d’enregistrement de la demande d’asile.
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Références bibliographiques

Pour en savoir plus :

Le Livre noir du collectif asile IDF