7.3. Droit au séjour pour raison médicale
Droit au séjour pour raison médicale
Article mis à jour le 02/05/23
Évaluation préalable de la demande
Pour une personne étrangère vivant en France et atteinte de maladie grave, toute demande de carte de séjour pour raison médicale implique une évaluation préalable de sa situation médicale et administrative. Obtenir le soutien d’une association et/ou d’un travailleur social compétents pour procéder à cette évaluation en lien avec les médecins est essentiel avant que la personne n’engage sa demande.
Recueil d'informations et évaluation préalable
Après avoir recueilli les informations essentielles (voir 10.2. Bilan social et juridique), il est important de faire une évaluation préalable de la situation au regard du risque médical, des autres possibilités d’admission au séjour, ainsi que des démarches préfectorales déjà engagées et des éventuelles mesures antérieures d’éloignement. Cette évaluation médico-administrative permet de conseiller sur l’opportunité d’une demande d’admission au séjour afin de garantir la continuité des soins et la préservation du secret médical.
La consultation individuelle d’une association et/ou d’un travailleur social spécialisés, voire dans certains cas complexes d’un avocat (souvent payant), peut être nécessaire pour obtenir une réponse juridiquement fiable et envisager les modalités appropriées pour faire valoir des droits éventuels.
Aide-mémoire sur l’information à recueillir
- Identité / nationalité / état civil de la personne
– nationalité et âge (date et lieu de naissance)
– pièces d’identité ou d’état civil (dont passeport en cours de validité ou non)
- Adresse, domiciliation, hébergement, logement
vérifier si adresse stable/fiable et si pluralité d’adresses utilisées auprès des administrations
- Tél. portable, adresse email, accès à l’internet
- Entrées, séjours et périodes de résidence en France
– date d’installation en France, dernière date d’entrée en France et motif du séjour
– transit, séjour ou demande d’asile dans un autre Etat membre UE/EEE/Suisse avant l’entrée en France
– statut administratif au moment de l’évaluation (sous visa C ou D, titre ou document de séjour, séjour irrégulier…)
- Démarches préfectorales d’admission au séjour effectuées, titres de séjour obtenus et refus (y compris mesures d’éloignement dont interdiction de retour), recours auprès des juridictions
- Passé judiciaire et enfermement (dont incarcération et rétention administrative)
- Attaches familiales en France et à l’étranger, et aide/soutien régulier éventuel d’un membre de famille
– ces attaches familiales en France ou à l’étranger ont-elles été déclarées aux administrations françaises
– membres de famille en France, au pays d’origine, dans d’autres pays
- Ressources personnelles ou provenant de tiers
- Impôts, les déclarations fiscales des revenus en France ont-elles été faites ?
- Travail déclaré (ou non) en France et type de contrats
- Situation médicale : quel suivi médical en France, et quel suivi avant l’arrivée en France ?
- Prise en charge en France des frais de santé (protection maladie), vérifier l’existence de droits ouverts et la période d’ouverture des droits
- Droits éventuels au pays d’origine ou hors de France dont autres pays UE
– titres de séjour obtenus/en cours de validité dans un autre pays UE
– droits à une protection maladie ouverts dans un autre pays (dont carte européenne d’assurance maladie)
– prestations/allocations sociales versées par un autre pays
- Démarches d’accès aux droits sociaux précédemment engagées en France
- Ouverture ou démarches d’ouverture d’un compte bancaire
- Participation à la vie sociale : activités culturelles, sportives, et/ou socio-professionnelles, bénévolat associatif…
Conditions du droit au séjour pour raison médicale
L’évaluation médicale porte sur 3 conditions :
- la nécessité « d’une prise en charge médicale », qui comprend l’ensemble des moyens mis en œuvre pour la prise en charge globale de la personne malade (les médicaments, les soins, les examens de suivi et de bilan, etc.) ;
- le risque « d’exceptionnelle gravité du défaut de prise en charge médicale appropriée », qui relève de l’appréciation de chaque médecin et repose en particulier sur le pronostic de l’affection en cause en l’absence de traitement. Attention, même si l’arrêté du ministère des Affaires sociales et de la santé du 5 janvier 2017 recense les pathologies les plus fréquemment concernées, cette condition ne fait référence à aucune liste précise (réglementaire ou autre) d’affection ;
- le risque d’absence des soins appropriés au pays d’origine, qui doit également être évalué individuellement en fonction de la situation clinique de la personne (stade d’évolution de la maladie, risque de complications éventuelles, etc.), des spécificités et discriminations éventuelles liées à sa situation personnelle et de la réalité des ressources sanitaires du pays d’origine (structures, équipements, dispositifs médicaux et appareils de surveillance, personnels compétents, stock de médicaments, etc. devant être suffisants en qualité, quantité, disponibilité et continuité effectives et appropriées).
Cette évaluation médicale doit précéder la rédaction de tout rapport médical destiné à l’autorité médicale (« certificat » médical remis par la préfecture et adressé au service médical de l’Ofii). Les chances de succès de la demande peuvent parfois s’évaluer à la lecture de la synthèse des avis rendus par le service médical de l’Ofii, classés par groupes de maladies, dans son rapport annuel aux parlementaires (voir 7.1 Repères et panorama). Ces informations, si elles ne doivent en aucun cas interférer avec l’évaluation médicale préalable, peuvent être utiles au/à la patient.e dans sa décision de déposer une demande de titre de séjour au regard de l’ensemble des motifs invocables et/ou de son projet de vie. En toute hypothèse, s’il/elle estime que les fondements médicaux de la demande ne sont pas remplis, le/la médecin qui suit habituellement la personne (ou le praticien hospitalier), doit l’en informer afin d’éviter la poursuite d’une démarche vouée à l’échec.
Les deux autres conditions du droit à la délivrance d’une carte de séjour (avec droit au travail) pour raison médicale sont de nature « administrative » :
- « l’absence de menace à l’ordre public » est une réserve concernant la délivrance de tous les titres de séjour par les préfectures. La notion d’ordre public est complexe à appréhender. Alors qu’elle ne devrait concerner que les étrangers condamnés pour des délits très graves, les préfectures tendent à l’utiliser plus largement pour des délits moins graves (application à de nombreux sortants de prison), voire en l’absence de toute condamnation pénale ;
- « la résidence habituelle en France », qui est interprétée par les préfectures comme une ancienneté de présence en France de plus d’un an (information interministérielle du 29 janvier 2017 relative à l’application de la loi du 7 mars 2016).
Ces deux conditions administratives ne peuvent constituer des motifs permettant de refuser l’enregistrement d’une demande d’admission au séjour. Ainsi, même en cas de défaut de résidence habituelle en France, le préfet doit solliciter l’avis du service médical de l’Ofii. Au vu cet avis, il doit ensuite décider de délivrer ou non une Autorisation provisoire de séjour (APS) pendant la durée du traitement. Après la délivrance d’une APS éventuellement renouvelée, et dès acquise l’ancienneté de résidence en France de plus d’un an, la personne malade pourra, dans le cadre d’une procédure de renouvellement, accéder à une carte de séjour (avec droit au travail) si son état de santé le justifie toujours ou pour d’autres motifs prévus par la loi.
Rappel pour les citoyens UE/EEE/Suisse : la jurisprudence considère que les dispositions du Ceseda sur la délivrance d’un titre de séjour pour soins ne leur sont pas applicables (voir 7.2. Principe de protection et textes applicables). Plus généralement, les conditions dans lesquelles ils sont bénéficiaires d’un droit au séjour en France sont spécifiques.
Autres possibilités d'admission au séjour
Au moment de la demande, mais aussi tout au long de la procédure d’instruction, il est indispensable d’examiner les autres possibilités d’admission au séjour (voir tableau infra) pouvant conduire, soit à les privilégier, soit à les faire valoir en même temps que la demande d’admission au séjour pour raison médicale. Ces possibilités sont présentées succinctement dans le tableau ci-dessous. En pratique : une fois identifiée une autre catégorie possible d’admission au séjour en France, il est indispensable d’en vérifier au cas par cas avec une personne spécialisée les conditions précises, notamment l’exigence ou non d’entrée régulière en France ainsi que les conditions spécifiques applicables aux personnes algériennes.
Pour l’ensemble des personnes étrangères notamment non européennes, les titres de séjour (y compris « permanents ») délivrés par un autre État membre de l’UE/EEE/Suisse ne permettent pas, au-delà de 3 mois, de justifier de la régularité du séjour en France.
Quel que soit le motif d’admission au séjour, il est primordial de retracer le passé administratif (démarches préfectorales, mesures d’éloignement antérieures, etc.), voire pénal, de la personne avant de lui conseiller de se déplacer en préfecture pour y solliciter son admission au séjour, au risque qu’elle se fasse interpeller au guichet et placer en rétention administrative (voir 9. Eloignement et enfermement des étrangers). En particulier, lorsque la personne a déjà fait l’objet d’un précédent refus de séjour, il faut en consulter une copie (le cas échéant en demandant par voie postale ou électronique la copie du dossier préfectoral, art. L 311-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration), puis évaluer avec un.e professionnel.le compétent.e les démarches possibles.
Informations de la personne malade
Lors de cette évaluation globale, l’information de la personne doit être complète :
– sur les possibilités ou non d’admission au séjour (et leurs raisons), les pièces justificatives à réunir, les démarches à suivre auprès des services préfectoraux et de l’Ofii, leurs délais, et les taxes exigibles.
– sur les conditions de renouvellement du titre de séjour en fonction de l’affection en cause,
– sur les risques de refus d’enregistrement ou de rejet de la demande d’admission au séjour (au vu de l’affection médicale, de son évolution, ou encore de la situation familiale, etc.), sur les éventuelles autres conséquences encourues (OQTF, IRTF, voir 9. Eloignement et enfermement des étrangers), et les répercussions sur les conditions d’accès aux droits sociaux et aux soins ;
– sur la nécessité d’informer (en A/R) la préfecture des éléments nouveaux (médicaux, familiaux, changement d’adresse, etc.) pouvant survenir lors de l’instruction de la demande d’admission au séjour ;
– sur les délais et modalités de recours possibles en cas de rejet de la demande, impliquant pour les exercer une boîte aux lettres fiable pour recevoir les courriers adressés par l‘administration.
Tableau indicatif des principaux motifs/d’admission au séjour en France :
Jeune majeur (entrée en France avant 13 ou 10 ans) |
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L423-21 Ceseda 7 bis acc. fr.-alg |
Jeune majeur (confié à l’ASE avant 16 ans) | Confié à l’ASE avant l’âge de 16 ans (en cas de placement avant l’âge de 15 ans, le jeune peut réclamer la nationalité française) |
L423-22 Ceseda (21-12 Code civil) |
Jeune majeur (confié à l’ASE après 16 ans) | (A titre exceptionnel) jeune majeur de 18 ans confié à l’ASE entre 16 et 18 ans et justifiant d’une formation professionnelle > 6 mois | L435-3 Ceseda |
Jeune majeur (résidence en France d’au moins 8 ans) | Jeune majeur de 16 à 21 ans né en France, y ayant résidé au moins 8 ans de manière continue, et y ayant suivi une scolarité d’au moins 5 ans depuis l’âge 10 ans |
L423-13 Ceseda ou 6.6° acc. fr. alg |
Parent (non algérien) d’un enfant français mineur résidant en France | Le parent doit établir contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans) ; lorsque les parents n’étaient pas mariés à la naissance de l’enfant, est exigée la preuve de la contribution du parent français | L423-7 Ceseda |
Ascendant direct (parent ou grand parent) algérien d’un enfant français mineur résidant en France | Le parent doit établir exercer même partiellement l’autorité parentale sur l’enfant ou subvenir à ses besoins (si l’enfant a été reconnu après sa naissance, le parent devra toujours justifier subvenir aux besoins de l’enfant depuis sa naissance ou depuis au moins 1 an). | 6.4° acc. fr. alg. |
Parent d’enfant étranger mineur malade | L425-10 Ceseda | |
Personne mariée avec un français (ou Pacs) |
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L423-1 Ceseda (si Pacs : L423-23) ou 6.2° acc. fr. alg (si Pacs : 6.5°) |
Victime violences au sein du couple (ou ex.) | Personne bénéficiant d’une ordonnance judiciaire de protection en raison de violences commises au sein du couple ou par un ancien conjoint, partenaire (Pacs) ou concubin | L425-6 Ceseda |
Victime (ou témoin) de proxénétisme ou de traite humaine |
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L425-1 Ceseda L425-4 Ceseda |
Victime d’un accident du travail ou maladie professionnelle | Personne titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieure à 20 % |
L426-5 Ceseda ou 7 bis acc. fr. alg. |
Compagnons Emmaüs | (A titre exceptionnel) personne justifiant de trois années d’activité ininterrompue en qualité de compagnons d’Emmaüs et de perspectives d’intégration |
L435-2 Ceseda
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Personnes algériennes justifiant résider en France depuis 10 ans | Droit à la délivrance d’un titre de séjour de 1 an avec droit au travail si justification d’une résidence en France (même sans titre de séjour) depuis plus de 10 ans (ou plus de 15 ans s’ils y ont séjourné en tant qu’étudiant) |
6.1° acc. fr. alg.
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AUTRES MOTIFS Vie Privée et Familiale |
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art. 8 CEDH et 3.1 CIDE L423-23 Ceseda 6.5° accord fr. alg. L435-1 Ceseda Circ. Min. intérieur du 28 nov. 2012 |