11.1. Repères et panorama

Protection sociale selon le statut

Voir aussi Accompagnement social et juridique et Protection maladie selon le statut.

Article mis à jour le 02/09/2022

La protection sociale désigne un ensemble complexe de dispositifs et prestations portés par de nombreux organismes en charge de couvrir, soit des risques sociaux déterminés, soit certaines catégories de population. Elle recouvre outre la sécurité sociale (maladie, vieillesse, famille), les régimes complémentaires de retraite, l’indemnisation du chômage, les revenus minimum et l’aide sociale. La protection sociale est une composante essentielle des droits humains garantie par les textes internationaux et le droit interne. Si les ressortissant.e.s étranger.ères.s ne sont jamais exclu.e.s de la protection sociale de par leur nationalité, ils et elles se voient appliquer des conditions légales spécifiques, notamment un contrôle de leur titre de séjour et de travail. Comme toutes les personnes précaires, ils sont confrontés aux difficultés d’accès aux informations, aux guichets, et de traçabilité de leur demande. Ils sont de surcroît confrontés à un durcissement des pratiques administratives dans un contexte de renforcement de la « lutte contre la fraude ». La connaissance des trois principales conditions de base pour accéder aux prestations servies par les organismes de protection sociale permet d’accompagner utilement les personnes dans leurs démarches d’accès aux droits quel que soit leur statut administratif.

Schéma simplifié de la protection sociale en France

(par type de prestations, et non par organisme gestionnaire)

Schéma simplifié de la protection sociale en FranceAAH Allocation aux adultes handicapés – AEEH Allocation d’éducation de l’enfant handicapé – ALF Allocation logement à caractère familial – ALS Allocation logement à caractère social – APA Aide personnalisée autonomie – APL Aide personnalisée au logement – ASI Allocation supplémentaire invalidité – ASPA Allocation de solidarité aux personnes âgées (minimum vieillesse) – CADA / CPH Centre d’accueil demandeurs d’asile / centre provisoire d’hébergement (réfugiés statutaires) – CCH Code de la construction et de l’habitat – Ceseda Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CHRS Centre d’hébergement et de réinsertion sociale – CSS Complémentaire-santé solidaire (ex CMU-C et ACS) – DSUV Dispositif soins urgents et vitaux – IJ Indemnité journalière – MP Maladie professionnelle – RSA Revenu de solidarité active

Pour toute la population, l’accès à la protection sociale est soumis à sept conditions générales (avec parfois des exceptions). Il s’agit pour chacun.e de justifier :

  1. de sa « résidence habituelle » en France (soit résidence fiscale, soit présence effective et stabilisée et vocation à vivre durablement sur le territoire) ;
  2. de son ancienneté de présence en France (au moins trois mois ininterrompus / avec ou sans titre de séjour au cours de cette période), avec de nombreuses exceptions ;
  3. de la validité d’un titre ou document de séjour (uniquement pour les ressortissants étrangers) ;
  4. de l’ancienneté du séjour légal en France (uniquement pour les ressortissants étrangers, et pour certaines prestations dont les minima sociaux), et depuis 2020 d’une ancienneté du séjour irrégulier de trois mois pour l’AME (voir en ligne AME) ;
  5. de son identité ;
  6. d’une adresse ou à défaut d’une domiciliation ;
  7. de faibles ressources (uniquement pour les prestations destinées aux personnes démunies financièrement) ;

Les trois premières conditions pèsent fortement sur les ressortissants étrangers (notamment pour les nouveaux arrivants) et nécessitent les développements suivants.

Condition n° 1 : la « Résidence Habituelle en France (RHF) »

Cette condition désigne la résidence « de fait », la présence physique sur le territoire français assortie d’une condition de stabilité de cette présence. Sont exclues les personnes en simple « passage » en France. Elle s’impose aussi bien aux ressortissants français qu’étrangers, aux assurés et aux ayants droit. Ce principe de territorialité des prestations concerne tant les prestations de Sécurité sociale (L111‑1, L311-7 CSS, dont l’Assurance maladie, la Complémentaire-santé-solidaire) que les prestations d’aide sociale (L111‑1 CASF dont l’AME de droit commun). L’avis du Conseil d’Etat, rendu en Assemblée générale le 8 janvier 1981 au sujet du dispositif d’aide médicale donne un éclairage structurant sur la définition pour l’ensemble de la protection sociale : « La condition de résidence […] doit être regardée comme satisfaite en règle générale, dès lors que l’étranger se trouve en France et y demeure dans des conditions qui ne sont pas purement occasionnelles et qui présentent un minimum de stabilité. Cette situation doit être appréciée, dans chaque cas en fonction de critères de fait et, notamment, des motifs pour lesquels l’intéressé est venu en France, des conditions de son installation, des liens d’ordre personnel ou professionnel qu’il peut avoir dans notre pays, des intentions qu’il manifeste quant à la durée de son séjour. […] » C.E. n° 328143, 08/01/1981. Version intégrale sur le site de l’association Gisti.

Les définitions et appréciations de cette condition peuvent varier selon les prestations. Ainsi, la question des absences du territoire pour les personnes déjà bénéficiaires d’une prestation est régie en matière de Sécurité sociale par l’article R111-2 du Code de la Sécurité sociale (CSS) qui précise (pour les seuls non‑travailleurs majeurs) que la condition demeure remplie si la personne a en France son foyer permanent (elle y a le centre de ses intérêts) ou, à défaut, le lieu de son séjour principal (cette dernière condition étant remplie en tout état de cause si la personne réside en France pendant plus de six mois au cours de l’année civile). Les modalités d’application de cet article ont été précisées par la circulaire ministérielle DSS/2A/2B/3A n° 2008 245 du 22 juillet 2008 relative aux modalités de contrôle de la condition de résidence pour le bénéfice de certaines prestations sociales. En matière d’AME, ce sont les mêmes règles que pour l’assurance maladie qui s’appliquent (l’article R252-1 CASF renvoyant à l’article R111-2 CSS).

Cette condition ne doit pas être confondue avec le domicile ou la domiciliation, ni avec la condition de régularité du séjour (un étranger en séjour irrégulier peut être « résident habituel”), ni avec la condition d’ancienneté de présence (une personne peut être résidente habituelle dès son entrée en France dès lors qu’elle a vocation à y vivre durablement).

Cette condition empêche l’exportation des droits sociaux (sauf retraite contributive, rente accident du travail ou maladie professionnelle, ou convention internationale).

Parmi les exceptions notables concernant les ressortissants français comme étrangers se trouvent :

  • les situations d’exportation hors de France des droits acquis en France : la pension de retraite contributive de droit français (exportable à l’étranger) ; les prestations en nature et en espèces de l’assurance accident du travail et maladie professionnelle ; les cas spécifiques de portabilité des droits sociaux (comme certaines prestations familiales ou l’assurance maladie de base) lorsqu’ils sont prévus par des accords internationaux (par exemple, au sein des pays UE/EEE/Suisse, ou pour les pays ayant passé des conventions bilatérales de sécurité sociale avec la France) ; la prise en compte des membres de famille résidant à l’étranger pour le calcul du montant de certaines prestations (pension d’invalidité).
  • les situations de passage temporaire en France avec dispense de condition de résidence habituelle pour des personnes vivant hors de France : en matière de protection maladie, se trouve le cas de pensionnés de retraite de droits français qui sont retournés vivre au pays (perte de la qualité de résidant en France) et qui conservent, par dérogation, le droit à l’assurance maladie lors de leur visite temporaire en France (voir en pratique les conditions et limitations : voir Protection maladie selon le statut, Migrants âgés et retraités à paraitre).

Attention : L’absence de logement stable et/ou de domicile n’a pas de lien avec la notion de « résidence habituelle en France ». La résidence fiscale à l’étranger fait perdre, sauf exception, la qualité de résidant habituel en France.

Condition N° 2 : L’« Ancienneté de Présence en France (APF) »

En matière d’assurance maladie et d’AME, la condition d’ancienneté de présence est fixée à au moins 3 mois de présence ininterrompue (D.160-2 CSS) sur le territoire métropolitain et/ou n’importe quel DOM (Mayotte y compris, voir encadré). Cette condition empêche en principe l’accès à une protection maladie à toute personne nouvellement arrivée, quand bien même elle aurait vocation à vivre durablement en France. Les ressortissants français n’en sont pas dispensés. Pour la demande d’assurance maladie, peu importe si ces trois mois ont été effectués en séjour régulier ou pas, dès lors que la personne dispose du document de séjour adéquat au moment de sa demande (voir infra Condition n°3). Pour l’AME, il est exigé trois mois ininterrompus de séjour irrégulier. Voir les développements dans les chapitres consacrés à chacune de ces prestations.

Bien que Mayotte soit passée du statut de Collectivité à celui de Département d’outremer, le droit applicable n’y inclut ni la réforme PUMa de 2015, ni l’Aide médicale État. Pour autant, à l’arrivée en métropole ou dans un autre DOM, les Français ou étrangers en provenance de Mayotte ne doivent pas être considérés comme nouveaux entrants sur le territoire français.

En matière de protection maladie, cette condition comporte de nombreuses exceptions, notamment une exception générale pour :

  • les personnes exerçant une activité professionnelle légale et autorisée (droit sans délai à l’assurance maladie ; L160-1 CSS) ;
  • les mineurs (Assurance maladie ou AME) ;
  • les membres de famille rejoignant un assuré social (rattachement à l’assurance maladie sous réserve du titre de séjour ou visa adéquat ; art. D160-2 CSS) ;

De plus, le Dispositif pour les soins urgents et vitaux (DSUV) vise précisément à couvrir, sous conditions, le paiement de certains soins aux résidant.e.s nouvellement arrivé.e.s en France.

La distinction entre les conditions de « résidence habituelle » et « d’ancienneté de présence » est indispensable au moment de l’étude du renouvellement des droits. Les titulaires de droits sociaux (y compris fondés sur la résidence, y compris l’AME) sont autorisés à quitter temporairement le territoire sans perdre la qualité de résident habituel. Un retour en France (après un séjour temporaire à l’étranger) ne soumet pas la personne au délai d’ancienneté de présence en France (de 3 mois), la personne n’étant pas un nouvel entrant (voir par ex. pour le minimum invalidité Cour de cassation 2e civ. n° 03 12899 ; 2 nov. 2004). Le contrôle de l’intégralité des pages du passeport (des seuls ressortissants étrangers, en pratique) par les caisses s’opère souvent en méconnaissance de la réglementation et conduit à considérer à tort les « résidents habituels » comme des perpétuels « nouveaux entrants en France ». Ainsi un retour en France dans les 3 mois précédant un renouvellement de droits ne saurait conduire à différer ce renouvellement. De même, aucun délai de six mois d’ « ancienneté » de présence en France n’est applicable (ni en matière de Sécurité sociale, ni en matière d’aide sociale dont l’AME), ni en première demande, ni en renouvellement. En revanche, une absence de six mois cumulés par an peut conduire à remettre en cause la qualité de résident habituel en France, et partant, remettre en cause tous les droits sociaux de la personne.

Condition N° 3 : La « régularité du séjour » des étrangers

La condition de séjour « légal » des étrangers a été généralisée à quasiment toute la protection sociale (prestations de Sécurité sociale, d’aide sociale, du risque chômage, etc.) par la réforme du 24 août 1993 sur l’immigration. Elle impose aux organismes sociaux d’identifier la nationalité des usagers et de contrôler le droit au séjour des usagers étrangers. En matière de protection sociale, elle soulève des difficultés pour déterminer la frontière entre séjour régulier et irrégulier :

  • pour les ressortissants non-UE/EEE/Suisse, il ne suffit pas d’être titulaire d’un « document de séjour », il faut que ce document figure dans la liste règlementaire de documents de séjour exigés pour accéder à la prestation sociale en question. Or la réglementation prévoit des listes (de documents de séjour) variables selon les prestations. Ainsi, une « autorisation provisoire de séjour » permet à l’étranger d’être considéré comme en séjour régulier pour accéder à l’Assurance maladie, mais pas au RSA. Pour l’accès aux minima sociaux, s’ajoute une condition d’antériorité de titre de séjour avec droit au travail ;
  • les ressortissants UE/EEE/Suisse doivent justifier d’un « droit au séjour » qui ne se matérialise pas obligatoirement par un titre de séjour (voir en ligne Protection sociale selon le statut, Citoyens de l’UE et membres de leur famille). Les ressortissants UE/EEE/Suisse peuvent se trouver en séjour irrégulier et se voir interdire l’accès aux prestations sociales soumises à une condition de régularité du séjour.

La frontière entre Assurance maladie et AME/DSUV est précisée (liste des documents de séjour pour être éligible à la « prise en charge des frais de santé » (assurance maladie) et à la Complémentaire-Santé-Solidaire).

Le séjour irrégulier en France ne prive pas les personnes de toute prestation sociale, (voir Aide médicale État et DSUV ; voir également Sans papiers mais pas sans droits, « Notes pratiques », Gisti, octobre 2019, 7ème édition).

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Références bibliographiques

Pour en savoir plus

Repères généraux : site web de l’administration, Comment la protection sociale est-elle organisée en France ?

Ressources juridique en droit des étrangers : Site internet de l’association Gisti