20.4. Infection chronique par le VHB
Maladies infectieuses et parasitaires
Article mis à jour le 23 décembre 2024
L’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) pose un problème majeur de santé publique en raison de sa prévalence (1,1 million de décès en 2022 dans le monde) alors qu’il existe un vaccin efficace. Il s’agit de la maladie infectieuse grave la plus fréquente parmi les exilé.e.s. Dix pour cent des adultes atteints développent une infection chronique, et 20% d’entre eux une cirrhose et parfois un cancer. Pour prévenir ces complications, une infection chronique par le virus de l’hépatite B justifie une prise en charge médicale continue et régulière, selon les recommandations de la HAS et du rapport Delobel.
Épidémiologie et transmission
Dans le monde, on estime à plus de 316 millions le nombre de personnes porteuses chroniques du virus de l’hépatite B (taux de prévalence du VHB estimé entre 7 et 62 cas pour 1000 personnes selon la région). L’OMS distingue 3 situations épidémiologiques évaluées par le taux de portage chronique de l’AgHBs. La grande majorité des personnes souffrant d’une infection chronique par le VHB viennent d’une zone de moyenne (2 à 8%) ou de forte endémie (> 8%). Dans ce dernier cas, la contamination est précoce, le plus souvent à la naissance et dans les premières années de la vie.
En France, le nombre de personnes porteuses chroniques du virus est estimé à 135 700 (0,3% en 2016 selon l’étude Baro Test) dont plus de 80% l’ignorent (17,5%), et le VHB est responsable d’environ 1300 décès par an. Dans la population afro-caribéenne d’Ile-de-France, l’enquête AfroBaromètre, menée en 2016 dans des lieux communautaires, a montré que la prévalence du portage de l’Ag HBs était de 5,1%. Elle atteignait 7% chez les personnes nées en Afrique subsaharienne. Parmi l’ensemble des personnes porteuses de l’Ag HBs, seules 23% connaissaient leur statut. Dans l’observation du Comede, le taux de prévalence du VHB est de 65 pour 1000 parmi l’ensemble des exilé.e.s, et de 128 pour 1000 parmi les personnes originaires d’Afrique de l’Ouest.
Le VHB est particulièrement transmissible : 10 fois plus que le virus de l’hépatite C, 100 fois plus que le VIH. La contamination est périnatale, au sein de la famille ou de certaines collectivités (enfants), sanguine (matériel médical mal stérilisé, partage de brosse à dents ou de rasoir, tatouages, piercing, transfusions, hémodialyse) et sexuelle (augmentée par les partenaires multiples, les autres IST).
Clinique, biologie et morphologie
L’infection chronique par le VHB est définie par la persistance de l’antigène HBs plus de 6 mois après l’infection initiale, généralement asymptomatique dans 90% des cas. Dans 10 % des cas, ces signes sont suivis d’un ictère avec augmentation des transaminases (ALAT). Guérison complète dans 9 cas sur 10. On distingue cinq phases d’évolution, non obligatoirement consécutives et de durées très variables (de quelques mois à plusieurs années), dont la distinction repose principalement sur 3 paramètres : l’AgHBe, l’ADN viral et le degré de fibrose :
- la phase d’infection chronique AgHBe+ (anciennement « d’immunotolérance ») : Ac anti-HBe -, titrage AgHBs élevé et ADN viral >1 000 000 UI/mL, mais il n’existe pas ou peu de signes de souffrance hépatique significative (fibrose absente ou minime). Les transaminases (ALAT) et l’échographie sont normales. Aucun traitement n’est indiqué avant l’âge de 30 ans (après 30 ans, voir infra « traitement »). Dans tous les cas, le risque de transmission est majeur et l’information des patient.e.s, le dépistage et la vaccination de l’entourage doivent être proposés ;
- les phases d’hépatite chronique active (anciennement de « clairance immune ») correspondant à l’apparition de lésions hépatiques nécrotiques et inflammatoires et nécessitant des examens morphologiques. Deux profils se dégagent : l’hépatite chronique AgHBe+ (AcAnti Hbe-, titrage AgHBs élevé, ADN viral élevé, ALAT augmentées et fibrose à progression rapide), et l’hépatite chronique AgHBe- (ex virus mutant pré-C : Ac AntiHBe+, titrage AgHBs > 1000 UI/ml, ADN viral faible > 2 000 UI/ml et fluctuant, voire négatif, ALAT normales, augmentées ou fluctuantes. La fibrose est variable). Dans la population migrante, notamment originaire d’Afrique subsaharienne, l’existence de la sélection du virus mutant pré C signe l’ancienneté de l’infection ;
- la phase d’infection chronique AgHBe– (anciennement « portage inactif ») : AgHBe-, Ac anti-HBe+, titrage AgHbs < 1000 UI/ml, ADN viral négatif ou < 2000 UI/ml, ALAT normales et absence de lésions hépatiques. Seule une surveillance régulière clinique, sérologique, virologique, biologique et morphologique va permettre de le différencier du portage chronique de l’infection à virus mutant ;
- la disparition du virus est rare (1%/an), mais la réplication virale s’interrompt spontanément chaque année chez 10% des porteurs (AgHBs négatif, ADN viral négatif, AcHBs positif). Cependant, à tout moment et quelle que soit la phase, une réactivation virale peut survenir, principalement en cas de prise de certains médicaments (corticoïdes, immunosuppresseurs), de surinfection par le VHD et/ou co-infection par le VIH, de cancers/lymphomes et de toute situation susceptible de favoriser l’immunodépression, dont la grossesse.
Le virus delta (VHD) est un virus défectif qui ne peut se multiplier qu’en présence du VHB. Il est recherché uniquement chez les porteurs de l’AgHBs. La co-infection simultanée VHB/VHD aggrave le risque d’hépatite fulminante et la surinfection par le VHD chez un porteur chronique du VHB aggrave celui de maladie hépatique chronique sévère.
Cirrhose et cancer (carcinome hépatocellulaire). La cirrhose, dont le diagnostic repose sur des éléments cliniques, biologiques et échographiques, est rarement réversible et évolue même en l’absence de réplication virale. Le taux de survie dépend de la gravité de la cirrhose (55% à 5 ans). Le risque de survenue d’un carcinome est de 2 à 5% par an chez les personnes souffrant d’une cirrhose mais de moins de 0,3% pour les personnes en phase d’infection chronique AgHBe-. Ce risque peut être évalué par le Score PAGE-B et justifie une surveillance biologique avec échographie tous les 6 mois.
Dépistage et vaccination
La proposition du dépistage d’emblée est justifiée pour toutes les personnes migrantes, compte tenu de la fréquence et de la gravité potentielle du VHB. L’objectif est triple : prise en soins précoce de l’infection chronique, vaccination des sujets à risque qui n’ont jamais eu de contact avec le virus et dépistage et vaccination de l’entourage. La HAS recommande la recherche d’emblée des 3 marqueurs AgHBs, Ac anti HBc, et Ac anti HBs. L’analyse et l’explication des résultats réclament de la part du médecin une bonne maîtrise de l’histoire naturelle du VHB et des modes de contamination. Les informations doivent être bien comprises par le/la patient.e, si besoin à l’aide d’un.e interprète professionnel.le. Le risque évolutif individuel est très difficile à prévoir. Des tests de diagnostic rapide (Trod) immunologiques (AgHbs) et virologiques sur papier buvard (ADN) peuvent être très utiles pour les personnes éloignées du système de santé du droit commun, mais en cas de test positif, un contrôle sur sang veineux en laboratoire doit être effectué.
La vaccination, obligatoire pour les nouveau-nés depuis 2018, est recommandée lorsque les anticorps anti-HBs et l’antigène HBs sont négatifs (ENGERIX B®, HBVAXPRO®) : injection IM à 0, 1 et 6 mois ; et particulièrement pour les personnes vivant avec des porteurs du VHB, dont le ou la conjointe, les nouveau nés de mère AgHBs+, les personnes susceptibles de retourner dans les régions de forte ou moyenne prévalence (Asie, Afrique, certains pays d’Amérique latine), les personnes présentant des risques de contamination sexuelle (partenaires multiples, IST), les personnes porteuses du VIH et/ou du VHC, les personnes ayant des antécédents d’usage de drogues par voie veineuse ou nasale, les personnes ayant eu un tatouage, un piercing, de l’acupuncture sans utilisation de matériel à usage unique, les personnes susceptibles de recevoir des produits dérivés du sang, candidats à la greffe, les soignant.e.s et personnes potentiellement en contact avec des produits biologiques, les enfants et adolescents accueillis dans des institutions collectives. L’effectivité de la vaccination doit être contrôlée par le dosage des Ac anti HBs. Le taux protecteur d’Ac anti HBs doit être supérieur à 10 UI/ml.
Suivi médical, traitement et soins
Bilan initial. Il nécessite l’obtention d’une protection maladie optimale (voir 13. Dispositifs de protection maladie) et inclut la recherche des facteurs de risque d’évolution défavorable que sont les antécédents familiaux d’hépatopathie ou de carcinome liés au VHB, la consommation d’alcool, l’existence d’un syndrome métabolique et les coinfections virales. Il repose sur les examens suivants : NFS–plaquettes, AgHbs avec titrage, ADN viral, Ag HBe, Ac anti-HBe, Ac anti–Delta, sérologies VHA-VHC-VIH, ALAT, ASAT, γ GT, PAL, bilirubine, TP, électrophorèse des protéines, α fœtoprotéine, créatinine, bandelette urinaire + échographie–doppler hépatique. Ce bilan doit être complété par des explorations morphologiques complémentaires d’évaluation de la fibrose : systématiquement en 1ère intention (si ALAT < 5 N) les méthodes non invasives : marqueurs sériques de fibrose (fibrotest®, fibrometre®, hepascore®), l’élastographie impulsionnelle ultrasonore (fibroscan®) et en dernière intention la ponction biopsie hépatique (PBH) en cas de discordance ou en cas de co-infection par le VHD. Les méthodes non invasives de mesure de la fibrose/cirrhose hépatique ne sont toujours pas prises en charge par l’assurance maladie pour les personnes souffrant d’une infection chronique par le VHB. Leur accès reste difficile et cantonné aux hôpitaux publics pour les personnes précaires.
Si ADN viral < 2 000 UI/ml, AgHBe-, ALAT normales, absence de fibrose et échographie normale :
–> surveillance en médecine générale avec dosage trimestriel des transaminases et de l’ADN viral et échographie pendant la première année de suivi puis surveillance semestrielle
Si ADN viral > 2 000 UI/ml et/ou ALAT augmentées à 2 reprises ou fibrose significative :
–> avis spécialisé
Qui faut-il traiter ? Les critères d’indication à l’instauration d’un traitement médicamenteux sont avant tout morphologiques, dès la mise en évidence d’une fibrose modérée (>F1) quel que soit le type d’infection. Cependant, les dernières recommandations ont élargi ces critères, quel que soit le degré de fibrose, aux personnes de plus de 30 ans en phase d’infection chronique AgHBe+, aux personnes ayant des antécédents familiaux de cirrhose et/ou de cancer du foie et aux personnes présentant une charge virale élevée (> 20 000 UI/ml) et des transaminases élevées (persistance ALAT > 2 normale).
L’objectif principal de ces traitements qui diminuent ou en interrompent la réplication virale de manière prolongée est l’amélioration de la qualité de vie des personnes infectées par le VHB en prévenant l’évolution vers la cirrhose sans toutefois éliminer complétement le risque de carcinome. En termes de santé publique, le traitement permet de réduire le nombre de personnes porteuses et le risque de transmission.
Comment traiter ? Les analogues nucléos(t)idiques de 2ème génération (NUC) par voie orale (Entécavir ETV/BARACLUDE® ou Ténofovir disoproxil fumarate TDF/VIREAD®) sont les molécules de 1ère intention. En monothérapie, le ténofovir et l’entécavir ont particulièrement démontré leur efficacité sur la virosuppression avec une excellente tolérance et un moindre risque d’induction de résistance. Les traitements par injections sous cutanées d’interféron pégylé ne sont presque plus utilisés en raison de leurs nombreux effets secondaires. La réponse au traitement est jugée favorable par l’observation du maintien durable de la virosuppression (ADN viral < 10-15 UI/ml), la normalisation des transaminases et la régression de la fibrose. Si la virosuppression est obtenue de façon durable dans 60 à 80% des cas tant que le traitement est poursuivi, la guérison, confirmée par la perte de l’AgHBs et l’apparition des Ac anti HBs, reste un idéal non encore atteint (entre 0 et 7 % après un an de traitement).
La durée du traitement par les analogues nucléos(t)idiques est longue, souvent de plusieurs années, et justifie une surveillance continue et régulière par une équipe spécialisée pluridisciplinaire (suivi conjoint spécialiste et généraliste, éducation thérapeutique, accompagnement social et juridique) ayant une grande connaissance de l’histoire naturelle de la maladie et des outils virologiques. L’éducation thérapeutique est particulièrement indiquée pour les personnes vulnérables afin d’améliorer l’observance, le suivi et la gestion des comorbidités. De plus, à l’instar de ce qui s’est développé autour du VIH, le développement du partenariat avec les associations de malades est fondamental.
Prévention et éducation pour la santé (en dehors de la vaccination). Relations sexuelles : promotion des pratiques à moindre risque et utilisation du préservatif ; vie sociale : éviter le partage des objets de toilette tels que rasoirs, coupe ongles, ciseaux et brosses à dents ; éviter les tatouages, piercings ou encore l’acupuncture par des non professionnels ; grossesse et accouchement (le dépistage du VHB est obligatoire dans le bilan de grossesse) : le nouveau né de mère infectée reçoit dès la naissance une séro-vaccination par immunoglobulines anti-VHB (Immunoglobuline humaine de l’hépatite B, 100 UI en IM), et la première injection de vaccin. Plus largement, une approche globale de la sexualité et des IST doit être encouragée et développée.
Droit au séjour pour raison médicale
Une personne étrangère en séjour irrégulier ressortissante d’un pays dit en développement (ou à faibles ressources) atteinte d’une infection chronique par le VHB, traitée ou non, remplit les critères médicaux de « régularisation » dans les situations suivantes ; celles ayant une indication à un traitement antiviral, non accessible dans leur pays d’origine, ainsi que celles, non traitées mais n’ayant pas les facteurs identifiés comme de bon pronostic pour espacer de façon sécuritaire le suivi, à savoir celles ayant un Ag HBs quantitatif > 1 000 UI/mL ou un ADN VHB > 2 000 UI/mL avec ALAT > N ou un score PAGE-B > 10. En effet, les moyens nécessaires à un suivi efficace et adapté n’étant habituellement pas accessibles en l’état actuel des systèmes de santé dans les pays en développement, il convient de considérer qu’un traitement approprié pour une personne atteinte d’une infection chronique par le VHB n’existerait pas en cas de retour dans le pays d’origine.
Sources pour l’aide à la décision : OMS, Onusida et Pnud, indicateurs relatifs au système de santé, à l’accès aux soins et au développement humain ; et arrêté du Ministère de la santé et des affaires sociales du 05/01/2017, annexe 2 C.C « En ce qui concerne les hépatites virales B et C » qui indique que les moyens nécessaires à un suivi efficace et adapté de ces pathologies ne sont habituellement pas accessibles dans l’ensemble des pays en développement.