19.2. Asthme

Maladies non transmissibles

Article mis à jour le 23/12/2024

L’asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies aériennes, caractérisée par une obstruction bronchique très variable dans le temps et selon les patient·e·s. Sous-diagnostiqué et insuffisamment pris en charge dans la population générale, l’asthme peut engager le pronostic vital. Il peut représenter une lourde charge pour les individus et leurs familles et limite souvent l’activité des malades tout au long de leur vie. Destiné à améliorer la qualité de vie et le pronostic vital des patient·e·s, le traitement de fond de l’asthme persistant relève d’une prise en charge médicale au long cours, associée à un accompagnement socio-juridique pour les migrant·e·s en situation précaire.

Épidémiologie et clinique

Dans le monde, environ 260 millions de personnes souffrent d’asthme (taux de prévalence estimé de 1 à 18% selon les pays) et, en 2019, on enregistrait 455 000 décès dus à cette affection, plus de 80% d’entre eux survenant dans les pays à revenu faible ou intermédiaire selon l’OMS. En France, l’enquête nationale de l’Irdes en 2006 évaluait à 6,7% la prévalence de l’asthme soit 4,15 millions de personnes asthmatiques. Les inégalités sociales restent marquées pour cette maladie, avec un net gradient social concernant à la fois la prévalence, la sévérité et le niveau de contrôle de la maladie. Dix à 15% des cas d’asthme seraient attribuables à une origine professionnelle. Plus récemment, la prévalence de l’asthme était estimée à plus de 10% chez les enfants d’âge scolaire], et entre 6 et 9 % chez les adultes. Dans l’observation du Comede parmi les 11 091 personnes ayant effectué un bilan de santé entre 2010 et 2020, le taux de prévalence de l’asthme persistant était de 14 pour 1000, significativement plus élevé parmi les exilé.e.s d’Afrique du Nord, des Caraïbes et d’Europe de l’Est.

L’asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies respiratoires. L’inflammation est associée à une hyper-réactivité des muscles lisses respiratoires qui conduit à des épisodes récurrents de sifflements (wheezing), d’oppression thoracique, de difficultés à respirer (dyspnée) et de toux, particulièrement la nuit ou lors de l’exposition à des stimuli, tels que poussières, allergènes, fumée de tabac, pollution aérienne, froid, lors d’un effort ou de rire. Devant ces symptômes, il faut rechercher une obstruction des voies aériennes en réalisant une spirométrie avec un test de réversibilité en cas de trouble ventilatoire obstructif (TVO) ou un test de bronchoconstriction en absence de TVO. En l’absence de possibilité de réaliser une spirométrie, une variabilité du débit expiratoire de pointe sera recherchée.

Les troubles respiratoires sont très variables d’un·e patient·e à l’autre et selon les périodes de la vie. Même non traité, l’asthme ne s’aggrave pas avec le temps de manière linéaire. On distingue classiquement les crises d’asthme rapidement résolutives spontanément ou avec un traitement de secours (bronchodilatateur de courte durée d’action /BDCA +/- associé à un corticostéroïde inhalé /CSI ou association CSI-formotérol) des exacerbations qui sont des symptômes d’asthme d’augmentation progressive durant au moins 2 jours nécessitant une modification du traitement de fond.

L’asthme aigu grave (AAG) définit une crise avec mise en jeu du pronostic vital. Signes de gravité immédiate : difficulté à parler, à tousser, agitation, sueurs, pâleur/cyanose, utilisation des muscles respiratoires accessoires ; fréquence respiratoire > 30/min, fréquence cardiaque > 120/min ; saturation à l’oxymètre de pouls < 90% ; inefficacité des BDCA. Toute crise se prolongeant anormalement et résistante au traitement habituel doit alerter.

Facteurs de risque de décès par asthme : En raison de la précarité de leur situation socio-économique, les migrant·e·s concerné·e·s sont des patient·e·s à risque. Autres facteurs de risque : antécédent d’exacerbation sévère ayant nécessité un passage en réanimation, hospitalisation ou visite aux urgences pour asthme dans l’année précédente, prise actuelle ou arrêt récent d’une corticothérapie orale, mauvaise observance thérapeutique, arrêt ou absence de CSI, utilisation inadéquate des BDCA, absence de suivi codifié pour l’asthme, maladie psychiatrique ou problèmes psycho-sociaux, allergie alimentaire, hypersensibilité à l’aspirine et aux AINS, tabagisme actif et consommation de cannabis.

Prise en charge thérapeutique

Protection maladie indispensable, demande de complémentaire santé solidaire (CSS) en admission immédiate (voir 13.4. Complémentaire santé solidaire) ou AME en instruction prioritaire (voir 13.5. Aide médicale Etat). Soutien socio-juridique et aide à la vie quotidienne (l’adaptation de l’hébergement est parfois nécessaire). Une reconnaissance en affection longue durée (ALD) est possible pour l’asthme persistant sévère associant une symptomatologie sévère avant traitement et la nécessité un traitement fond tel que décrit dans le guide HAS ALD 14 – Asthme persistant sévère. Insuffisance respiratoire chronique grave de juillet 2023.

La prise en charge médicale de l’asthme doit associer un traitement médicamenteux et des séances d’éducation thérapeutique. Les principaux médicaments de l’asthme sont de deux types : des broncho-dilatateurs (d’action rapide, BDCA ou d’action lente, BDLA) par voie inhalée agissant directement sur les muscles qui entourent les bronches en les relaxant, et des anti-inflammatoires (CSI en premier lieu) agissant sur l’inflammation bronchique sous-jacente. Sont également recommandées une vaccination (voir 16.9. Vaccination) contre la grippe, et en cas d’asthme sévère, contre le pneumocoque. L’éviction si possible des expositions professionnelles et le traitement de la rhinite allergique sont préconisés.

L’introduction ou non d’un traitement de fond et sa posologie initiale sont décidées en fonction de critères de sévérité. Classée par paliers, elle est déterminée par la fréquence des crises initialement puis en fonction du traitement de fond nécessaire pour obtenir un contrôle de la maladie.

Tableau 1 : Décision d’introduction d’un traitement en fonction du degré de sévérité de l’asthme (âge ≥ 6 ans)

 

Palier 1 Palier 2
Palier 3
Palier 4

Symptômes < 2/mois

Pas d’exacerbation dans les 12 derniers mois

Symptômes > 2/mois

 

Symptômes > 4/semaine

Symptômes nocturnes > 1/semaine

Symptômes continus

Exacerbations

Traitement des symptômes

L’introduction d’un traitement de fond est recommandée

BDCA (salbutamol ou terbutaline) seul, à la demande.

Ou associé à un CSI si pas de résolution rapide des crises avec BDCA seul

Ou CSI + formotérol à la demande

CSI, à débuter à dose faible

ex : Béclométhasone dipropionate forme standard 200-500 µg (100-200 µg pour les 6-11 ans) ou Budésonide 200-400 µg (100-200 µg pour les 6-11 ans)

Ou CSI + formotérol

+ BDCA seul à la demande

Ou CSI + formotérol à la demande uniquement si c’est le traitement de fond

CSI, à débuter à dose faible

ex : Béclométhasone dipropionate forme standard 200-500 µg (100-200 µg pour les 6-11 ans) ou Budésonide 200-400 µg (100-200 µg pour les 6-11 ans)

Associé à un BDLA

+ BDCA seul, à la demande

Ou CSI + formotérol à la demande uniquement si c’est le traitement de fond

CSI, à débuter à dose moyenne

ex : Béclométhasone dipropionate forme standard >500-1000 µg (200-400 µg pour les 6-11 ans) ou Budésonide 400-800 µg (100-200 µg pour les 6-11 ans)

Associé à un BDLA

+ BDCA seul, à la demande

Ou CSI + formotérol à la demande uniquement si c’est le traitement de fond

 

Le traitement des crises et exacerbations consiste en des inhalations, répétées si besoin, d’un BDCA, agissant en quelques minutes : par exemple : Salbutamol, 2 bouffées de 100μg +/- CSI (la prise de CSI lors des crises a prouvé son efficacité sur la prévention de survenue d’exacerbations) ou l’association CSI-formotérol inhalée (le formotérol est un BDLA avec un délai d’action court). A renouveler après quelques minutes en cas de persistance + corticoïde oral en cas d’exacerbation : Prednisolone 0,5 à 1 mg/kg/j (max 60mg/j) pendant 5 à 7 jours.

Traitement de l’AAG par BDCA nébulisés, oxygène et corticoïdes

  • répétition des inhalations de BDCA, si possible à l’aide d’une chambre d’inhalation ;
  • oxygénothérapie et administration de BDCA nébulisés ;
  • corticoïde systémique, en sachant qu’il n’exerce ses effets qu’après 2 à 3 heures ;
  • hospitalisation dans tous les cas, en urgence si l’état ne s’améliore pas après 30 min ou en cas de signe de détresse : impossibilité de parler, pause respiratoire, troubles de conscience.

Le traitement doit ensuite être adapté en fonction du degré de contrôle de l’asthme. Celui-ci apprécie l’activité de la maladie sur quelques semaines (1 semaine à 3 mois), en fonction des événements respiratoires cliniques et fonctionnels et de leur retentissement. Un contrôle acceptable (Tableau 2 infra) est le minimum à rechercher chez tout·e·s les patient·e·s.

  • en cas de contrôle inacceptable, c’est-à-dire la non-satisfaction d’un ou de plusieurs critères de contrôle, il est recommandé, sans hésiter à référer le ou la patiente vers un spécialiste, d’augmenter la dose de CSI par paliers progressifs (après vérification de l’observance et de la compréhension de la technique par les patient·e·s, et de l’absence de facteurs aggravants ou de pathologies associées).
  • une fois le contrôle acceptable ou optimal obtenu pendant au moins 3 mois, une réduction thérapeutique par palier recherche le traitement minimal efficace. Cette décroissance doit se faire avec prudence et doit tenir compte des facteurs environnementaux (saison, changement fréquent d’hébergement…) et du risque de rupture de protection maladie et de suivi médical.

Tableau 2 : Paramètres définissant le contrôle acceptable de l’asthme

Paramètres

Moyenne sur la période d’évaluation du contrôle

Symptômes diurnes

Symptômes nocturnes

Limitation d’activité (physique, scolaire, professionnelle…)

Utilisation de bêta-2 mimétiques d’action rapide

Moins de 2 jours par semaine

Moins d’une nuit par semaine

Aucune

Moins de 2 doses par semaine

 

Un bilan allergologique doit être réalisé chez toute personne asthmatique. L’existence d’une exposition à un allergène respiratoire doit être recherché. L’allergie respiratoire est à la fois un facteur prédisposant et un facteur de gravité de la maladie. Si l’interrogatoire ne retrouve pas une allergie respiratoire évidente, les tests cutanés aux pneumallergènes sont recommandés. Les tests cutanés aux trophallergènes sont indiqués en cas de suspicion d’allergie alimentaire.

Une évaluation des facteurs environnementaux est à réaliser au cours du suivi. Tout asthme apparaissant à l’âge adulte doit faire interroger sur ses expositions professionnelles. Les polluants chimiques intérieurs peuvent être responsables de l’apparition d’un asthme, de son mauvais contrôle et d’exacerbations. En pratique, il est conseillé d’éviter les produits ménagers en sprays, notamment ceux « parfum agrumes » (limonène), d’éviter de réchauffer des contenants alimentaires en plastic et d’aérer l’hébergement après usage de la cuisson au gaz ou l’usage de produits ménagers. L’exposition aux moisissures est également responsable d’exacerbations et de l’apparition d’un asthme. L’exposition à la pollution atmosphérique est un facteur d’apparition d’asthme, de mauvais contrôle et d’exacerbations (notamment en cas d’allergie au pollen). Les personnes exilées sont particulièrement exposées aux facteurs environnementaux qui sont souvent hors de leur maîtrise, tels que la promiscuité des lieux d’hébergement, parfois avec des personnes tabagiques, l’absence de literie adaptée (coût élevé des linges de lit anti-acariens, absence de matelas imposant de dormir à même le sol, sur un tapis ou une moquette) et l’exposition à la moisissure dans les logements insalubres. Les personnes vivant à la rue sont exposées à la pollution atmosphérique et au pollen. Les emplois précaires exposent à toutes sortes de polluants tels que les produits ménagers, la pollution atmosphérique ou la poussière de chantier, et ce, sans possibilité de recourir à la médecine du travail en cas d’emploi non déclaré.

Une orientation vers un·e pneumologue est nécessaire en cas de doute diagnostic, de palier 3 et plus pour les moins de 5 ans, de palier 4 et plus pour les 5 à 11 ans et de palier 5 pour les plus de 11 ans et les adultes, de suspicion d’asthme professionnel, à la suite de plusieurs exacerbations ou après la survenue d’un AAG, avant l’introduction de médicaments pouvant aggraver l’asthme (bétabloquant). D’autres traitements peuvent être prescrits au cours d’une consultation spécialisée tels qu’un antagoniste des récepteurs aux cystéinyl-leucotriènes et la théophylline.

Éducation thérapeutique des asthmatiques

L’éducation thérapeutique, centrée sur la personne, est un processus intégré dans la démarche de soins et destiné à faire acquérir et maintenir des compétences à la personne malade (voir 16.3. Education thérapeutique du patient). Structurée, effectuée si besoin avec un interprétariat professionnel, elle est plus efficace que l’information seule. Les séances doivent être régulières, particulièrement en cas d’asthme sévère ou de risque de gravité.

Pour les personnes asthmatiques, elle comporte, après un diagnostic éducatif (recueil des informations sur le patient : personnalité, mode de vie, besoins, connaissance de la maladie et de sa thérapeutique, capacité à apprendre) un apprentissage à l’autogestion du traitement :

  • appréciation des symptômes ;
  • maîtrise des techniques d’utilisation des différentes thérapeutiques ; En cas de difficulté à coordonner l’inspiration et le déclenchement du dispositif (chez les jeunes enfants notamment), il est préférable d’utiliser une chambre d’inhalation ou des dispositifs tels que Turbuhaler® ou Diskus® ne nécessitant pas que l’inhalation et le déclenchement du dispositif soient synchronisés. Il est important de vérifier que les patient·e·s utilisent bien leurs dispositifs en leur demandant de venir avec en consultation.
  • adoption d’un plan d’action en cas de crise, pour aider le patient à utiliser les traitements d’urgence voire les corticoïdes oraux et recourir à temps aux consultations médicales et services d’urgence.
  • bonne connaissance du système de santé nécessaire afin de savoir où s’orienter en cas de rupture de droits à l’assurance maladie afin d’éviter une interruption de traitement.

Droit au séjour des étrangers malades

Une personne asthmatique en situation irrégulière et ressortissante d’un pays dont le système de santé est particulièrement précaire doit bénéficier d’un titre de séjour pour soin (voir 15.3. Certification médicale et droit au séjour). Dans le cas d’un asthme de palier 2 ou plus, l’absence traitement de fond peut conduire à la survenue d’exacerbations potentiellement mortelles. Or, si les BDCA sont d’accès relativement aisé, il en va différemment du traitement de fond en raison de la faible disponibilité et du coût des CSI et des BDLA, de l’absence fréquente de recommandations cliniques et thérapeutiques, ainsi que de la carence en médecins (prescription et surveillance clinique). Pour la rédaction des rapports médicaux destinés au médecin de l’Ofii et, en cas de recours contentieux, des certificats destinés au Tribunal administratif, il est conseillé de s’appuyer sur les indicateurs de l’OMS relatifs au système de santé du pays d’origine et sur le Global Asthma Report de 2022.

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Références bibliographiques

Comede, Rapports d’activité et d’observation

Global Asthma Report 2022, www.globalasthmareport.org

Global Initiative For Asthma (Gina), Global Strategy for Asthma Management and Prevention, 2024

Prescrire, Traitement de l’asthme léger. Bêta-2 stimulant inhalé lors des crises, éventuellement associé avec un corticoïde inhalé à la demande chez certains patients”  2020

SPLF et SP2A, Mise à jour des recommandations pour la prise en charge et le suivi des patients asthmatiques adultes. 2021