16.10. Voyage au pays et conseils médicaux

Prévention et promotion de la santé

Article mis à jour le 13 décembre 2024

Pour préparer de façon efficace un séjour transitoire dans le pays d’origine de façon à limiter au maximum les risques de santé des migrants-voyageurs, il faut prendre en compte certaines spécificités liées davantage à des contraintes financières qu’à des facteurs culturels. Comme dans toute consultation de conseil, il s’agit de cibler et de sélectionner les messages de prévention, de sorte que ceux-ci soient retenus et effectivement utiles au voyageur en fonction de sa situation.

Le contexte du retour au pays

Le retour au pays est un événement important auquel aspirent de nombreuses personnes migrantes. Selon le contexte de la migration, cet événement peut être à la fois autant désiré que craint dans les situations où les retombées de ce projet, notamment lorsqu’il a été porté au niveau communautaire, ne sont pas à la hauteur des espérances. « Vu de là-bas », la réalité du quotidien en France n’est bien souvent pas perçue. Ainsi, pour les migrants en situation précaire, le motif du retour au pays est souvent lié à un événement contraignant : deuil, événement familial, conflit à résoudre, démarches rituelles à effectuer… Ce contexte doit être pris en considération, notamment pour des migrants parfois contraints de s’endetter lourdement pour mener à bien cette « obligation de retour », ce d’autant qu’il est difficilement concevable d’arriver au pays sans apporter des cadeaux à son entourage.

 

Sur le plan administratif, il faudra bien sûr vérifier que le statut du voyageur l’autorise à quitter le territoire, et à revenir au terme du voyage. Si le départ ne pose pas de difficulté en pratique, pour les étrangers en séjour précaire le retour pourra se révéler difficile voire impossible, y compris chez des personnes suivies pour des problèmes de santé sévères ayant un traitement d’importance vitale. Les réfugiés, ayant perdu la protection des autorités de leur pays d’origine, n’ont pas le droit de s’y rendre mais il arrive que certains retrouvent des proches à l’occasion d’un voyage dans un pays limitrophe.

Conseils aux voyageurs n’ayant pas de problème de santé connu

Comme pour tout voyageur, il faut prendre un certain nombre de précautions pour limiter les risques sanitaires. Les conditions de vie en zone rurale, pour celles et ceux qui passent la majorité de leur séjour au village d’origine, exposent davantage à un certain nombre de maladies transmissibles. Ainsi, si le nombre de cas de paludisme d’importation est en diminution ces dernières années, les migrants représentent toujours près des trois quarts des cas diagnostiqués en France, alors que ces derniers sont très loin de représenter cette même proportion parmi l’ensemble des voyageurs. D’autres risques sont également à prendre en considération, même si les moyens préventifs sont souvent limités, la traumatologie et les accidents de la circulation arrivant en tête des risques potentiellement sévères, bien avant les pathologies infectieuses.

 

Chez l’adulte migrant, la consultation est une opportunité pour mettre à jour le calendrier vaccinal. Pour être immunisé, il est nécessaire que le schéma vaccinal soit terminé 10 à 15 jours avant le départ, sauf dans le cadre d’une injection de rappel où le délai peut être plus court.

  • Ÿ la mise à jour de la vaccination diphtérie, tétanos, poliomyélite et coqueluche est une priorité, ainsi que la rougeole ;
  • Ÿ hépatite A : la vaccination n’a pratiquement aucun intérêt chez les migrants, plus de 90 % d’entre eux étant immunisés, sauf pour les enfants de migrants vivant en France et n’ayant jamais vécu au dans le pays d’origine des parents (donc non immunisés) ;
  • Ÿ hépatite B : le schéma habituel de vaccination est souvent incompatible avec le délai disponible avant le départ. Cependant un schéma vaccinal de trois injections rapprochées sur 21 jours (J0 J7 J21) avec un rappel à 1 an est recommandé pour un déplacement dans une zone d’endémie (prévalence > 2 %) chez l’adulte (pas applicable chez l’enfant) ;
  • Ÿ typhoïde : compte tenu d’un risque globalement faible, d’une efficacité imparfaite (40-50%) et d’un traitement disponible, la vaccination n’est pas indiquée pour les séjours de durée brève, à condition d’appliquer les mesures de précaution vis-à-vis de l’eau et des aliments et au lavage des mains ;
  • Ÿ méningite (A/C/Y/W135) : les indications du vaccin sont limitées à des séjours prolongés, en période de transmission (de janvier à mars), dans les zones endémiques sahéliennes et chez les enfants et adultes jeunes (en cas de pèlerinage à La Mecque, ce vaccin est obligatoire).
  • Ÿ rage : en dehors des jeunes enfants pour lesquels un séjour prolongé est envisagé, la vaccination antirabique, dont le coût est important, est en pratique peu réalisée.
  • Ÿ fièvre jaune : la vaccination anti-amarile est exigible à partir de l’âge d’un an dans le cadre du Règlement sanitaire international (RSI). Elle est indispensable (qu’elle soit obligatoire ou non) pour un séjour dans une zone endémique (régions intertropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud) ou épidémique. La liste des pays où existent un risque de transmission de la fièvre jaune et une obligation vaccinale est présentée dans les Bulletins épidémiologiques hebdomadaires (BEH) chaque année, les recommandations vaccinales pouvant évoluer en fonction de la situation. Le vaccin est disponible dans les Centres de vaccination anti-amarile désignés par les Agences régionales de santé et, en Guyane, dans certains cabinets médicaux. Elle est attestée par la délivrance d’un certificat international de vaccination. Une seule injection est maintenant recommandée, qui permet la protection à vie ;
  • Ÿ Covid-19 : la mise à jour de la vaccination est recommandée, en se renseignant sur les modalités nécessaires pour entrer et quitter chaque pays (test PCR, pass vaccinal, etc.)

Prévention du paludisme. Justifiée d’un point de vue épidémiologique, la prévention contre le paludisme peut être mal réalisée par certains migrants si elle n’est pas adaptée aux contraintes financières que connaissent ces voyageurs. La chimioprophylaxie (prise de médicaments) ne se conçoit qu’en complément des mesures antivectorielles. Quel que soit le niveau de transmission du paludisme, certains voyageurs doivent être considérés à risque de paludisme grave : c’est le cas des femmes enceintes, des nourrissons et jeunes enfants (moins de 6 ans), des personnes âgées, des personnes infectées par le VIH et des sujets asplénique. Avant l’âge de la marche, il est préférable de conseiller aux parents de placer le nourrisson sous une moustiquaire imprégnée dès le coucher du soleil, plutôt que de prescrire des médicaments dont la forme galénique n’est pas adaptée aux très jeunes enfants. Pour les séjours de moins de 7 jours, la chimioprophylaxie n’est pas indispensable en respectant les mesures anti-vectorielles et en consultant en urgence en cas de fièvre au retour. Pour les séjours prolongés en Afrique sahélienne, on peut ne prendre une chimioprophylaxie que pendant la saison des pluies, en débutant le traitement un mois après le début et surtout en ne l’interrompant que 4 à 6 semaines après la fin des pluies. Dans certaines zones d’Asie et d’Amérique latine où le risque de transmission est faible, une abstention de chimioprophylaxie peut se discuter. Un traitement présomptif (en cas de suspicion de crise pendant le séjour) est envisageable chez les personnes ayant des séjours itératifs de courtes durées.

 

Dans le cadre de la prévention du paludisme à Plasmodium falciparum, trois médicaments dominent les indications : association atovaquone-proguanil, doxycycline et méfloquine. Ces trois antipaludiques ont une efficacité élevée et comparable. Le choix dépend en pratique de la tolérance, de la simplicité du schéma d’administration et des ressources financières des voyageurs : la Malarone (atovaquone-proguanil) a un coût moins élevé depuis que le générique est disponible mais qui n’est pas négligeable ; la doxycycline est peu onéreuse en France, mais une prise scrupuleuse quotidienne (demie vie courte) doit être respectée ; la méfloquine est souvent mal tolérée avec des effets secondaires psychiatriques, elle est utilisée en dernière intention.

Chimioprophylaxie du paludisme :

  • Ÿ Atovaquone-proguanil : adulte 250mg/100 mg 1cp/jour, enfant 62,5/25mg nombre de comprimés selon l’âge, à prendre 48h avant zone à risque, pendant puis 7 jours après avoir quitté la zone à risque ;
  • Ÿ Doxycycline : adulte 100mg, enfant < 40 kg : 50mg. 1 cp le soir, à prendre la veille du départ, tout le séjour et poursuivre 1 mois après le retour ;
  • Ÿ Mefloquine : 250 mg (enfant 5mg/kg/semaine) 1 cp / semaine 10 jours avant le départ, pendant, puis 3 semaines après. Utilisé en dernière intention, contre-indiqué en cas de troubles neuro-psychiques et pratique de la plongée sous marine. NB : La chloroquine n’est plus recommandée.

Prophylaxie antivectorielle du paludisme et d’autres affections transmises par les moustiques et d’autres insectes : arboviroses (dengue, chikungunya, zika), filarioses, et leishmanioses. Trois mesures ont fait la preuve de leur efficacité, aucun des produits concernés n’étant remboursé par la Sécurité sociale : la protection vestimentaire, recommandée quel que soit l’âge (vêtements amples et couvrant le maximum de peau) ; les répulsifs cutanés ; et la moustiquaire imprégnée d’insecticide.

 

Autres conseils. Les migrants voyageurs n’ayant pas toujours de contrôle sur leur nourriture, les conseils habituels concernant l’alimentation peuvent donc être illusoires. Le lavage des mains avant les repas, après un passage à la selle et aussi souvent que possible (même à l’eau claire) est la plupart du temps réalisable et bien accepté. Les conseils de réhydratation orale sont particulièrement utiles chez les jeunes enfants (solution de réhydratation orale). Selon le pays de destination, on peut évoquer en consultation la prévention d’une éventuelle mutilation sexuelle féminine pour les petites filles voyageant dans certains pays (voir 17.3. Mutilations génitales féminines). Enfin, et au-delà du projet de voyage, la consultation constitue également une opportunité pour aborder la prévention des infections sexuellement transmissibles.

La maladie à Ébola présente aujourd’hui deux principaux foyers (Afrique centrale et Golfe de Guinée) qui nécessitent une surveillance clinique et particulièrement de la température pendant 21 jours après le retour d’une zone d’endémie. Les principales mesures de prévention sont la réduction des contacts entre les animaux sauvages et l’homme, une bonne hygiène des mains et la réduction du risque de transmission interhumaine provenant de contacts directs ou rapprochés avec des sujets présentant des symptômes d’Ébola, en particulier avec leurs liquides biologiques (voir www.sante.gouv.fr).

Le développement mondial des arboviroses (dengue, chikungunya) et des infections respiratoires (virus de la grippe aviaire, coronavirus) sans oublier les tuberculoses résistantes (toute tuberculose récidivante doit être considérée jusqu’à preuve du contraire comme une forme de résistance) sont également à considérer et à discuter avec les personnes, si elles se rendent dans une région touchée.

Les bactéries hautement résistantes et émergentes (« BHR e ») font l’objet de recommandations spécifiques : un dépistage systématique de tout patient ayant été hospitalisé à l’étranger dans l’année qui précède son hospitalisation en France est recommandé par la HAS.

Conseils aux voyageurs suivis pour des problèmes de santé

ŸLes personnes suivies pour des maladies chroniques peuvent voyager, sous réserve qu’elles soient stabilisées lors du départ et qu’il n’y ait pas de changement thérapeutique (initiation, modification) prévu avant le départ. Une consultation avec le/la médecin référent.e avant de partir est indispensable, et il est souhaitable qu’une consultation soit prévue à titre systématique précocement après le retour. Le patient voyageur doit être informé de la nécessité de partir avec le traitement nécessaire pour tout le séjour, auquel il est prudent d’adjoindre une marge de sécurité d’une à deux semaines en cas de retour différé par les aléas locaux. Pour les séjours de plus d’un mois, et jusqu’à concurrence de 3 mois au maximum, la délivrance par la pharmacie de l’ensemble du traitement est possible, sous réserve de l’accord préalable de la caisse de Sécurité sociale (tampon « spécial » apposé sur l’ordonnance), le plus souvent après visualisation du billet d’avion ou de la trace d’une réservation, apposé à côté de la mention « Séjour à l’étranger » écrite par le prescripteur.

 

Dans le cas particulier des personnes vivant avec le VIH, il faut savoir que le ritonavir se détériore à une température supérieure à 25 °C pendant plus d’un mois. Cette limite peut justifier la prescription d’un traitement n’ayant pas ces contraintes pendant la durée du séjour, voire des vacances thérapeutiques lorsque c’est possible. Une autre option est de préférer la forme thermostable de la combinaison lopinavir/ritonavir, qui permet de s’affranchir de cette difficulté. Les médecins doivent par ailleurs être conscients des difficultés que peut représenter la prise d’un traitement dans un environnement familial ou communautaire où la confidentialité ne peut souvent pas être respectée. Ces difficultés expliquent un certain nombre d’arrêts intempestifs ou de prises inadéquates qu’il vaut mieux anticiper par une discussion avec le patient avant le départ. De même, il est utile d’aborder des questions sensibles telles que la protection des rapports pour éviter la contamination du partenaire resté au pays ou l’inutilité et le danger de partager son traitement. Une consultation d’éducation thérapeutique peut trouver ici un intérêt particulier pour développer ces aspects.

 

Pour les personnes atteintes de drépanocytose homozygote, les avions de ligne étant pressurisés à l’équivalent d’une altitude de 2 000 m environ, il faut savoir que l’air y est plus sec et plus pauvre en oxygène. Ces conditions peuvent créer des crises vaso occlusives parfois graves. Une hyperhydratation est donc recommandée, idéalement à débuter 24h avant le vol et à poursuivre pendant toute la durée du vol. Il est également nécessaire de s’habiller suffisamment chaudement dans l’avion pour ne pas avoir froid, avec des vêtements non serrés et de bouger régulièrement. Dans les pays chauds, une hydratation plus abondante qu’en pays tempéré doit être poursuivie.

 

En cas de voyage en avion, les personnes atteintes de maladie chronique ont intérêt à partager leur traitement entre le bagage de cabine (accompagné d’une ordonnance récente pour les passages des différents contrôles) et les bagages de soute, de façon qu’un aléa (perte de bagages, vols, etc.) ne les prive pas de tout leur traitement. Enfin, lorsque c’est possible, il est souhaitable de donner au patient les coordonnées d’un médecin spécialiste dans son pays en cas de survenue d’une complication médicale. La présence d’au moins un facteur de risque de thrombose justifie le port d’une contention élastique (mi-cuisse plus confortable que sous le genou) pour tous les voyages de plus de 6 heures et devrait concerner toute personne qui ne déambule pas dans l’avion, en plus d’une hydratation régulière.

De retour en France : toute fièvre dans les 2 mois suivant le retour d’une zone d’endémie doit être considérée comme un paludisme jusqu’à preuve du contraire (plus de 99% des paludismes « de retour » proviennent d’Afrique Subsaharienne). La clinique de l’accès palustre simple se traduit par une fièvre associée ou non à des signes non spécifiques (céphalée, asthénie, frissons, troubles digestifs…). Les formes graves de paludisme (défaillance des organes) peuvent survenir d’emblée ou après un accès simple. L’examen complémentaire de référence est le frottis sanguin (identification de l’espèce) associé à une goutte épaisse (sensibilité élevée). Le recours au test immunochromatographique antigénique rapide (TDR) est possible en plus du frottis goutte épaisse et permet un résultat en quelques minutes. En cas de forte suspicion, ces examens doivent être répétés s’ils sont négatifs. Pour les formes compliquées à falciparum, la prise en charge ambulatoire est envisageable chez l’adulte. Hospitalisation en cas de facteurs de risque, et chez le jeune enfant, le femmes enceinte ou la personne à risque de complications Le traitement utilise une combinaison à base de dérivés de l’artémisinine (ACT, contre-indiqué en cas de grossesse) : arténimol – pipéraquine ou artéméther – luméfantrine. L’atovaquone-proguanil est une alternative en cas d’indisponibilité, d’intolérance, de contre-indication, d’interaction avec un traitement concomitant ou en cas d’échec d’un traitement par ACT.