11.2. Demandeurs d’asile

Protection sociale selon le statut

La protection sociale des personnes demandeuses d’asile ne relève pas du système de droit commun. Cette protection spécifique les exclut de certains droits, minima sociaux et prestations familiales, mais n’empêche théoriquement pas l’accès aux droits « fondamentaux », notamment en matière de santé ou d’hébergement. L’Office français d’immigration et d’intégration (Ofii) est responsable de l’offre de prise en charge que constituent les conditions matérielles d’accueil (CMA), lors du passage au Guichet unique des demandeurs d’asile (Guda), et de rendre effectif la mise en place des CMA à chaque demandeur d’asile. Voir aussi 6 Droit d’asile et 14 Protection maladie selon le statut.

Conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile (CMA)

Les conditions matérielles d’accueil comprennent plusieurs prestations : allocation de demandeur d’asile, (Ada), hébergement, accompagnement social et juridique par un service dédié (Spada) et une domiciliation postale.

 

Pour se voir attribuer les Conditions matérielles d’accueil. Il faut :

  • Ÿ être âgé.e d’au moins 18 ans ;

Situation des enfants titulaires d’une attestation de demande d’asile : le juge des référés du Conseil d’État (CE, 20 décembre 2019, n° 436700) a rejeté l’appel de l’Ofii concernant le bénéfice des CMA pour les mineur·es : « Lorsque l’enfant est titulaire d’une attestation de demande d’asile et que ses parents ont accepté les conditions matérielles d’accueil, l’Office français de l’immigration et de l’intégration est tenu, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette demande, d’héberger l’enfant avec ses parents ainsi que ses éventuels frères et sœurs mineurs, et de lui verser, par l’intermédiaire des parents, l’allocation pour demandeur.se d’asile. » Depuis, plusieurs tribunaux administratifs ont validé ce principe (TA Strasbourg, 27 décembre 2019, n° 1909532).

  • Ÿ disposer de ressources financières : inférieures au revenu de solidarité actif (RSA) pour une personne sans enfant ;
  • Ÿ être en possession d’une attestation de demande d’asile en cours de validité (art. D744-17 du Ceseda) ;
  • Ÿ avoir accepté et signé « l’offre de prise en charge » lors de son passage au Guda ;
  • Ÿ avoir déposé son formulaire Ofpra dans les 21 jours suivant son passage au Guda (sauf pour les personnes en procédure Dublin).

 

Les personnes visées par les différentes procédures ont donc les mêmes droits, à l’exception des demandeurs en procédure Dublin qui n’ont pas droit à une place en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) mais peuvent être hébergées en Huda (dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile).

 

Certaines personnes n’auront pas d’offre de prise en charge car elles font l’objet d’un refus immédiat des CMA de la part de l’Ofii. Il s’agit de la personne qui :

  • Ÿ refuse la proposition d’hébergement qui lui est faite en application de l’article L552-8 du Ceseda ;
  • Ÿ refuse la région d’orientation déterminée en application de l’article L551-3 du Ceseda. Quand l’Ofii ne dispose pas d’un hébergement dans une région donnée, il peut imposer de se rendre dans une région désignée (Ceseda, art. L744-7 et art. R744-13-3 ; CE, 31 juillet 2019, n° 428530). La personne doit accepter de s’y rendre, sinon l’offre de prise en charge sera considérée comme refusée ;
  • Ÿ n’a pas sollicité l’asile, sans motif légitime, dans le délai prévu (90 jours en métropole et 60 jours en Guyane, art. L744-8 2e du Ceseda) ;
  • Ÿ est en demande de réexamen de sa demande d’asile (art. L744-8, 2°du Ceseda ) ;

 

La décision de refus des conditions matérielles d’accueil doit être écrite et motivée. Elle prend théoriquement en compte la vulnérabilité du demandeur. Il existe d’autres motifs et situations pouvant justifier d’une cessation des CMA, notamment si la personne ne s’est pas rendue aux entretiens avec les autorités et/ou n’a pas fourni les informations utiles à l’instruction des demandes. Dans ces situations, il est possible d’effectuer des recours à l’encontre de ces décisions de refus ou de retrait des CMA émises par l’Ofii. Voir à ce sujet les outils sur le site du Comede.

 

L’allocation de demandeur d’asile (Ada) est une allocation de subsistance qui est versée par l’Ofii sur une carte de paiement remise par l’Office. L’Ada est délivrée à condition que les ressources du demandeur d’asile ne dépassent pas le montant du RSA. Les ressources prises en considération comprennent les ressources du demandeur d’asile mais aussi celles de son conjoint. Elle est calculée à partir d’un montant forfaitaire journalier et du nombre de personnes formant le foyer. Un montant forfaitaire complémentaire peut être versé si la personne demandeuse d’asile ou le foyer a accepté l’offre de prise en charge, a manifesté un besoin d’hébergement et n’a pas bénéficié gratuitement d’un hébergement par l’Ofii. Ce montant supplémentaire est de 7,40 euros par mois et par personne sauf pour la Guyane et St Martin dont le montant est de 4,70 euros par mois et par personne.

 

Tableau de barème : annexe 8 mentionnée à l’article D553-1 du Ceseda

Taille de la famille

Montant journalier en métropole

Montant journalier + supplémentaire (7,40 /mois )

Montant applicable. Pour la Guyane et St Martin

Montant journalier + supplémentaire pour la Guyane et St Martin (4,70/mois)

1 personne

6,80 €

14,20 €

3,80 €

8,5 €

2 personnes

10,20 €

17,60 €

7,20 €

11,9 €

3 personnes

13,60 €

21,00 €

10,60 €

15,3 €

4 personnes

17,00 €

24,40 €

14 €

18,7 €

5 personnes

20,40 €

27,80 €

17,40 €

22,1 €

6 personnes

23,80 €

31,20 €

20,80 €

25,5 €

 

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070158/LEGISCTA000042802128/#LEGISCTA000042806130

 

Le versement de l’allocation prend fin au terme du mois au cours duquel le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français a pris fin. Pour les personnes qui se sont vues reconnaître une protection, il prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision de l’Ofpra ou de la CNDA.

 

Les demandeurs d’asile relèvent d’un dispositif d’hébergement spécifique appelé Dispositif national d’accueil (DNA) dont la coordination est assurée par l’Ofii. L’Ofii informe les demandeurs, soit en Guda soit par les Spada, qu’une place leur est réservée le jour même ou ultérieurement. L’hébergement est assuré dans des Centres d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) ou les Hébergements d’urgence de demandeur d’asile (Huda) répartis sur tout le territoire national. Le Cada est un centre d’hébergement et d’accompagnement des personnes demandant l’asile en cours de procédure normale (art. L744-3-1 du Ceseda et L348-1 du Code de l’action sociale et des familles). L’Huda est un dispositif d’urgence d’hébergement et d’accompagnement des personnes demandant l’asile, en procédure accélérée dublinées (art. L744-3 2° du Ceseda). Dans la pratique, ces distinctions ne sont parfois pas respectées, des demandeurs d’asile en procédure normale pouvant se trouver hébergés en Huda.

 

Missions des Cada et Huda. Le droit prévoit que ces dispositifs doivent fournir l’hébergement, l’accompagnement social, administratif et juridique dans la procédure de demande d’asile, organiser la scolarisation des enfants, prévoir des visites médicales et fournir une aide dans les démarches liées à la santé. Ils peuvent prévoir la restauration.

 

L’entrée dans l’hébergement. En entrant dans l’hébergement, la personne demandeuse d’asile signe un contrat d’engagement rédigé et cosigné par la structure accueillante. Le droit prévoit qu’une caution peut être demandée au moment de la remise des clés et après un état des lieux réalisé avec le demandeur. Celle-ci est encadrée et lui sera restituée à la fin de l’hébergement si aucun manque ou dégât n’est constaté, voir l’arrêté du 15 novembre 2016 portant application de l’article L744-5 du Ceseda,

 

La durée de séjour. Sauf non-respect des règles de fonctionnement, la personne demandeuse d’asile se maintient dans la structure d’hébergement tout au long de sa procédure asile et ce jusqu’à la décision définitive concernant sa demande.

 

La sortie du Cada ou de l’Huda. En cas d’accord ou de rejet définitif ou de la demande d’asile, les gestionnaires de Cada sont invités à organiser la sortie selon des délais définis par le droit. A titre exceptionnel et temporaire, la personne hébergée ayant obtenu le statut de réfugié.e ou le bénéfice de la protection subsidiaire peut, si elle le demande, être maintenue dans le centre pour une durée limitée à 3 mois à compter de la date de notification, avec l’accord du préfet, ce maintien étant renouvelable une fois. La personne déboutée peut être maintenue pour une durée maximale de 1 mois à compter de la date de notification de la décision définitive. L’information publiée par le Ministère de l’intérieur le 31 décembre 2018 « relative au parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des bénéficiaires de la protection internationale » est disponible sur le site du Gisti,

Autres droits sociaux

Les demandeurs d’asile ont droit à l’assurance maladie sous réserve d’une condition de 3 mois d’ancienneté de présence sur le territoire français à compter de leur date d’arrivée et si ils/elles sont en mesure de pouvoir en attester. Elles et ils peuvent également accéder à la complémentaire santé solidaire (C2S) sous condition de ressources (voir 13. Dispositifs de protection maladie et 14. Protection de maladie selon le statut). À défaut de protection maladie et en cas de problème de santé, l’hôpital qui délivre les soins nécessaires doit mettre en œuvre le Dispositif soins urgents et vitaux avec dispense de produire un refus d’Aide médicale Etat. À noter que la prise en charge des frais de santé n’est pas conditionnée par l’acceptation de l’offre de prise en charge faite par l’Ofii.

En attendant d’être couverte par l’assurance maladie (base et C2S), la personne demandeuse d’asile peut en cas de besoin, accéder aux soins de différentes façons :

  • dans certains hôpitaux dans lesquels ont été mis en place des Permanences d’accès aux soins de santé, les Pass ayant pour mission de délivrés les soins et médicaments gratuitement aux personnes sans protection ni ressources, voir chapitre 12 ;
  • auprès de certains dispositifs gratuits de santé tels que les services de Protection maternelle et infantile (PMI), chargés du suivi régulier des enfants de 0 à 6 ans et de leur vaccination sans aucune demande de sécurité sociale, les Centres médico-psychologiques etc., voir 12.1 ;

Ÿauprès de certains centres de santé qui proposent des permanences d’accès aux soins dentaires, ophtalmologiques, ou psychologiques, de dépistage, de soins et de prévention en addictologie aux personnes précaires et non assurées sociales.

La personne demandeuse d’asile n’a pas d’autorisation de travail inscrite sur son ATDA (Attestation de demande d’asile), ni le droit à une inscription à France Travail. Mais un droit au travail peut être autorisé à la personne sous réserve :

  • Ÿ d’une attestation de demandeur d’asile en cours de validité ;
  • Ÿ que l’Ofpra, à compter de l’introduction du dossier, n’ait pas statué dans les 6 mois sans que ce retard ne soit imputable à la personne ;
  • Ÿ de l’opposabilité du marché du travail dans la région où elle se trouve (art. L554-3 du Ceseda).

Elle devra donc, soit au moment du renouvellement de son ATDA (après les 6 premiers mois), soit pendant la durée de validité de sa deuxième ATDA, solliciter une autorisation de travail auprès du site de l’Anef (service dématérialisé de la Dreets ou Deets pour l’Outre-mer), en présentant une promesse d’embauche ou un contrat de travail.

 

Prestations familiales. La réglementation française exclut les demandeurs d’asile de toutes les prestations familiales et des allocations logement, l’Attestation de demandeur d’asile ne figurant pas dans la liste des titres de séjour ouvrant droit au bénéfice de ces prestations (art. D511 1 du CSS). Ces dispositions restrictives du Code de la sécurité sociale appliquées par les caisses d’allocations familiales (CAF) pourraient cependant être remises en cause sur la base du droit international.

 

Revenu de solidarité active (RSA). Même si la personne demandeuse d’asile ne peut prétendre à son droit au RSA qu’après son admission effective au bénéfice de la protection internationale, la demande de RSA peut être réalisée tout au long de son parcours de demande d’asile. La personne qui fait une demande de RSA dès le dépôt de sa demande d’asile et qui obtient le bénéfice de la protection internationale, pourra demander à la CAF par effet recognitif son droit au RSA et au versement de celui-ci à partir de sa demande initiale quand elle était demandeuse d’asile. Voir la circulaire de la Cnaf

 

Les demandeurs d’asile doivent également bénéficier de certaines prestations de protection sociale en dehors du parcours spécifique :

  • Ÿtoute personne à la rue, quelque que soit son statut administratif, a le droit à une mise à l’abri par le 115 et peut être inscrite sur la plateforme du Service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO). Il n’est en revanche pas possible de faire une demande de logement social en tant que demandeur d’asile, l’ATDA n’étant pas un titre de séjour recevable pour la constitution de cette demande ;
  • les bénéficiaires de la Complémentaire Santé solidaire (C2S), ainsi que leurs ayants-droit, ont, dans certains départements, le droit à une réduction sur le prix des abonnements et sur celui des billets à l’unité. Pour tout renseignement, il faut s’adresser à l’opérateur local de transport urbain. En Ile-de-France, une personne a le droit à une réduction transport de 75% sur le réseau RATP/SNCF par le biais de Solidarité transport si elle justifie d’une attestation de droit à la complémentaire santé solidaire sans participation ;
  • les personnes demandeuses d’asile ainsi que leurs enfants peuvent avoir accès au système de scolarité en France, la scolarité étant obligatoire de 3 à 16 ans ;
  • Ÿune personne demandeuse d’asile qui est en situation de handicap peut déposer une demande de reconnaissance auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de son lieu de résidence ;
  • Ÿla personne peut, en cas de rejet de sa demande d’asile par l’Ofpra et par la Cnda et si elle souhaite déposer un recours, avoir droit à l’aide juridictionnelle sous certaines conditions, voir 10.3. Aide juridictionelle