10.6. Scolarisation et université
Accompagnement social et juridique
Le droit à l’éducation pour tou.te.s est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 : « 13. La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. ». Pour les personnes exilées et en particulier les enfants, l’accès à l’éducation constitue un enjeu fondamental pour pouvoir faire ou refaire sa vie dans la nouvelle société d’accueil.
Accès à l’éducation dans le pays d’origine : dans l’observation du Comede, parmi 623 nouvelles personnes accueillies dans les centres de soins en 2022, 59% d’entre elles avaient pu compléter un cycle d’études initiales dans leur pays d’origine, dont 45% secondaires/professionnelles et 14% universitaires), un quart avaient effectué des études primaires (24%), alors que 16% n’avaient pas eu de scolarisation. Plus d’une femme sur cinq n’avait pas bénéficié de scolarisation (22%), et de même près d’une personne sur quatre parmi les exilé.e.s d’Afrique de l’Ouest (24%).
Scolarisation en primaire et secondaire
L’enseignement primaire est obligatoire et gratuit en France pour tous les enfants présents sur le territoire national. Le droit à l’éducation pour tou.te.s est garanti par plusieurs conventions internationales ratifiées par la France, ainsi que la Constitution. Depuis la rentrée scolaire 2020, l’instruction est obligatoire de 3 ans (6 ans auparavant) à 16 ans. Les enfants entre 2 et 3 ans peuvent être scolarisés dans certaines circonstances et « dans la limite des places disponibles ». Les mineur.e.s au-delà de 16 ans peuvent poursuivre leur scolarité, même au-delà de leur majorité.
Droit inconditionnel à la scolarisation. L’article L. 111-1 du Code de l’éducation (CE) prévoit « une scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction ». C’est donc un droit pour tous les enfants, quelle que soit leur nationalité, leur parcours antérieur ou le statut administratif de leurs parents ou de leurs responsables légaux. De plus « l’inscription, dans un établissement scolaire, d’un élève de nationalité étrangère, quel que soit son âge, ne peut être subordonnée à la présentation d’un titre de séjour » (circulaire du 20 mars 2002 sur les modalités d’inscription et de scolarisation des élèves de nationalité étrangère des premier et second degrés, repris par la circulaire du 09 juillet 2014 sur les écoles maternelles et élémentaires publiques).
En pratique, pour l’inscription dans l’enseignement primaire ou secondaire, seuls les documents précisés dans l’art D 131-3-1 du Code de l’éducation sont exigibles, à savoir :
- un document justifiant de l’identité de l’enfant ;
- un document justifiant de l’identité des personnes responsables de l’enfant ;
- un document justifiant de leur domicile.
Ce même article précise que lorsque les parents ou tuteurs ou « ceux qui ont la charge de l’enfant, soit qu’ils en assument la charge à la demande des parents, du tuteur ou d’une autorité compétente, soit qu’ils exercent sur lui, de façon continue une autorité de fait » (art. L131-4 CE) ne peuvent pas fournir un justificatif d’identité de l’enfant, alors une attestation sur l’honneur précisant les nom, prénom, date et lieu de naissance de l’enfant devront être acceptés. Idem pour l’identité de la personne responsable de l’enfant. Le justificatif de domicile se prouve par tous moyens, y compris une attestation sur l’honneur.
Attention : l’obligation d’inscription à l’école s’applique également pour les enfants/familles occupant un terrain/habitat précaire, avec ou sans titre de séjour (« Le statut ou le mode d’habitat des familles installées sur le territoire de la commune ne peut être une cause de refus d’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire », art. L131-5 CE).
Les vaccinations obligatoires. La preuve que les vaccinations obligatoires (voir 16.9. Vaccination) ont été réalisées doit être fournie lors de l’inscription (art. L 3111-2 et R 3111-8 Code de la santé publique). A défaut de pouvoir fournir cette preuve lors de l’admission dans l’établissement scolaire, l’enfant doit être admis à titre provisoire. La personne responsable dispose d’un délai de 3 mois pour fournir la preuve des vaccinations (art. R3111-8 et D3111-6 CSP).
Bourses pour les collégiens et lycéens (CE, art. L531-1, R531-1 et s.). Pour bénéficier de la bourse des collèges, l’enfant doit être inscrit dans un collège – public ou privé – ou au Centre national d’enseignement à distance (Cned). Les règles diffèrent selon la situation. La bourse est versée à la personne qui a la charge de l’enfant et dont les ressources ne dépassent pas un certain montant. Le versement n’est pas soumis à une condition de régularité de séjour pour la personne responsable. Au moment de l’inscription ou de la réinscription de l’enfant, il est possible de donner son accord pour une demande d’étude automatique. Si la personne responsable de l’enfant ne souhaite pas faire une demande automatique alors il faut remplir un formulaire Cerfa en ligne en début d’année scolaire (vérifier les dates dès la rentrée scolaire car les délais sont courts) :
- bourse des collèges, Cerfa 12539*14. Selon la situation de la personne responsable, le montant annuel pour l’année scolaire 2024-2025 est compris entre 114 € et 495€ (3 échelons) par enfant, versé en 3 fois ;
- bourse des lycées, Cerfa 11319*20. Selon la situation de la personne responsable, le montant annuel pour l’année scolaire 2024-2025 est compris entre 474€ et 1008€ (6 échelons) par enfant, versé en 3 fois.
Les frais de cantine scolaire. La cantine scolaire permet aux enfants d’avoir un repas équilibré au moins une fois par jour, 5 jours par semaine. Des aides financières sont possibles pour assurer ces repas. Pour les enfants scolarisés en école primaire il faut se renseigner auprès de la mairie de la commune ou de l’assistante sociale scolaire. Pour les enfants scolarisés au collège ou au lycée, il faut s’adresser à l’assistante sociale ou au secrétariat de l’établissement scolaire.
Les familles disposant de revenus modestes peuvent également prétendre à d’autres aides pour la scolarité comme l’allocation de rentrée scolaire (ARS) ou le fonds social collégien ou lycéen
En cas de voyage scolaire à l’étranger, se renseigner auprès du/de la chef.fe d’établissement qui peut faire une démarche auprès de la préfecture pour obtenir un « document de voyage collectif » en fonction du pays de destination et de la nationalité de l’élève (Circulaire éducation nationale du 21 septembre 1999 consolidée par celle du 16 juillet 2013).
Interdiction de l’intervention des forces de police ou de gendarmerie dans le cadre scolaire en cas d’exécution d’une mesure d’éloignement à l’encontre du/des parent/s en séjour irrégulier. La circulaire ministérielle du 19 octobre 2013 est très claire sur le sujet. Les interventions ne sont possibles ni dans les établissements scolaires, ni dans temps périscolaires, ni dans les activités extérieures organisées par l’institution.
Pour aller plus loin :
- Education nationale, https://www.education.gouv.fr/les-bourses-de-college-et-de-lycee-326728
- FCPE, Plus un gosse à la rue
- Gisti, Sans papier mais pas sans droits, note pratique 8ème édition
- Gisti, Romeurope : La scolarisation et la formation des jeunes étrangers, Cahier juridique, Coédition, janvier 2020 + addendum d’actualisation 27 juillet 2020
- Romeurope, https://www.romeurope.org/enfance/education/
Université et enseignement supérieur
Parmi les personnes exilées arrivant en France, certaines ont dû interrompre leurs études de façon brutale, ou n’ont pas pu les commencer pour des raisons liées à leur expérience d’exil. Or il est non seulement souhaitable mais aussi possible de reprendre ou de commencer des études supérieures en France, de suivre un parcours universitaire et d’être diplômé.e.
La situation la plus fréquente pour les étudiant.e.s est d’arriver en France avec un visa long séjour « étudiant ». Les demandes de visa se font auprès des autorités consulaires du pays de provenance (art. L211-2-1 Ceseda). Elles sont étudiées en fonction de critères généraux (notamment l’intérêt des candidat.e.s ou l’intérêt pour le pays d’origine) et de critères spécifiques (comme la filière demandée ou le cursus antérieur). Le niveau de maîtrise du français est également évalué. L’ensemble de ces critères est détaillé dans la circulaire interministérielle du 27 janvier 2006.
Les premières démarches pour faire une demande de visa long séjour « étudiant » se font en ligne sur le site www.campus-france.org qui contrôle les pièces fournies et s’assure que la demande est recevable. Puis ce sont les autorités consulaires françaises du pays de résidence qui prennent la décision de délivrance du visa long séjour « étudiant ». Des indications plus précises et complètes sur ce sujet sont disponibles sur les sites des ambassades et sur le site de campus France. Les informations qui suivent concernent toutes et tous les étudiant.e présent.es sur le territoire national.
Inscription à l’université. Il est tout à fait possible de faire des études en France, quel que soit son statut administratif. Les seules conditions pour entrer à l’université sont de pouvoir présenter un justificatif d’identité (passeport, carte d’identité même périmée, extrait d’acte de naissance…), d’avoir un niveau B2 en français et d’avoir l’équivalent du baccalauréat français (diplôme de fin d’enseignement secondaire) pour entrer en licence, BTS (Brevet de technicien supérieur) ou BUT (Bachelor universitaire de technologie), d’une licence pour entrer en master, et d’un master pour entrer en doctorat.
Répondre à l’exigence du niveau B2 en français. Il existe quelques cursus en anglais mais souvent payants et peu nombreux. Pour progresser en français et obtenir un niveau B2, il est possible d’orienter les étudiant.e.s vers des associations qui proposent des cours de français mais aussi vers le Diplôme universitaire (DU) Passerelle.
DU Passerelle. Ce diplôme ne constitue pas une étape obligatoire pour les études en France, mais représente une voie d’accès au système universitaire français notamment pour les étudiant.e.s qui n’ont pas le niveau B2 en français. Ce DU, encadré nationalement, permet un accès aux bourses sur critères sociaux du Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) contrairement au DU Français langue étrangère (FLE). Toutes les universités n’offrent pas cette possibilité, et les dates d’inscription diffèrent d’une université à l’autre. Des informations sont disponibles sur le site du réseau MEnS (réseau des établissements engagés pour l’accueil des étudiants en exil),
Formation en alternance. Une formation en alternance est théoriquement possible mais nécessite la signature d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Or, pour ce type de contrat, il faut être autorisé à travailler. Pour les étudiant.e.s en cours de demande d’asile, il existe une possibilité à condition de remplir plusieurs conditions (art. L554-1 du Ceseda) : avoir une attestation de demande d’asile en cours de validité, avoir sa demande d’asile en cours d’examen depuis plus de 6 mois à l’Ofpra et avoir une promesse d’embauche. Ces conditions remplies, il faut faire une demande d’autorisation de travail à la préfecture de son lieu de domiciliation. Celle-ci a deux mois pour répondre.
Reconnaissance des diplômes étrangers :
- pour les personnes étrangères disposant de leur diplôme, il est possible de demander une attestation de comparabilité via le centre Enic-Naric (European network of information centres – National academic recognition information centres). Il s’agit d’une démarche en ligne, disponible en 7 langues. Il est également possible de faire reconnaître le temps d’étude même sans diplôme. Cette procédure coûte 70€. Les personnes en demande d’asile et les BPI (Bénéficiaires d’une protection internationale) sont exonérées de ce coût. https://www.france-education-international.fr/hub/reconnaissance-de-diplomes?langue=fr ;
- pour les personnes en cours de demande d’asile et les BPI n’ayant plus leurs diplômes, ce qui arrive fréquemment compte tenu du contexte de départ souvent précipité, il est possible de faire une demande d’EQPR (European qualifications passport for refugees). Il s’agit d’un dossier à remplir pour prouver que la personne a bien obtenu le diplôme en question. La démarche est effectuée en ligne, et elle est gratuite. Il est prévu par les suite un entretien avec un jury. https://www.france-education-international.fr/article/le-passeport-europeen-des-qualifications-des-refugies-eqpr ;
- pour les personnes n’ayant pas le baccalauréat, et qui souhaitent poursuivre leurs études supérieures en France il est possible de faire un DAEU (Diplôme d’accès aux études universitaires)
Frais d’inscription (tarifs juillet 2024). Les frais de scolarités sont de 175€ en licence, 250€ en master. Les étudiant.e.s boursier.e.s sont exonéré.e.s des frais d’inscription (les demandeurs et demandeuses d’asile ne peuvent pas prétendre à une bourse sur critères sociaux, les sans-papier.e.s non plus, les BPI peuvent y prétendre). Les étudiant.e.s sans papier.e.s peuvent théoriquement bénéficier du tarif « Bienvenue en France » (2770€ en licence, 3770€ en master), mais certaines universités ont décidé de ne pas appliquer cette réduction.
Aides possibles. Tou.te.s les étudiant.e.s peuvent s’adresser au service social du Crous et faire une demande d’aide ponctuelle. Les universités proposent généralement des aides spécifiques comme par exemple des aides sur l’accès numérique, ou sur un secours d’urgence. A condition d’en remplir les conditions, les étudiant.e.s peuvent faire une demande d’aide au logement auprès de la CAF. Pour répondre à la situation de précarité alimentaire fréquente des étudiant.es, de nombreuses associations ont mis en place des distributions alimentaires, aides financières, accès aux épiceries solidaires, comme c’est le cas de linkee. Les Crous, les universités et les associations sont également mobilisées sur le sujet de la précarité menstruelle des étudiantes. Des distributions gratuites de protections menstruelles sont organisées localement.