6.4. En préfecture, procédure accélérée
Droit d’asile
Article mis à jour le 10 juin 2025
La personne qui souhaite demander une protection internationale en France ne peut pas saisir directement l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et des apatrides). Elle doit préalablement se signaler à l’autorité préfectorale compétente. La procédure est commune à toutes les formes de protection demandées (statut de réfugié.e et protection subsidiaire), sans que la personne ait besoin de plus de précision dans sa demande. Mais dans certaines situations, la demande d’asile sera qualifiée et traitée selon une « procédure accélérée », aux garanties juridiques réduites.
Motifs et conditions du placement en procédure accélérée
Préalable : pré-enregistrement et enregistrement de la demande. Avant d’arriver à la détermination de la procédure, la personne devra au préalable passer par une étape de pré-enregistrement : la Structure de premier accueil des demandeurs d’asile (Spada), puis d’enregistrement en se présentant au Guichet uniquement des demandeurs d’asile (Guda). Pour plus d’informations sur ces étapes, voir 6.3. En préfecture, procédure normale.
Attention : le décret du 16 juillet 2024 confirme la modification de la procédure et la mise en place progressive de pôles territoriaux appelés « France asile », après celle de trois sites pilotes. Ces pôles comprennent les agents de la préfecture, de l’Ofii et de l’Ofpra. La nouveauté tient à la présence des agents de l’Ofpra qui auront comme mission de fixer l’état-civil, le choix de la langue pour l’entretien, recueillir via un formulaire dématérialisé quelques éléments pour cibler la demande, et donner les codes d’accès au coffre-fort électronique où sera envoyé la lettre d’introduction et la convocation pour un entretien.
L’application de la procédure accélérée (PA) se fait principalement à la préfecture, au moment du passage au Guda. Plusieurs motifs peuvent donner lieu à cette décision :
- impossibilité de prise d’empreintes (pour vérifier si la personne est connue dans les fichiers Eurodac et Visabio) ;
- la personne est ressortissante d’un pays d’origine sûrs (Pos). Le Conseil d’administration de l’Ofpra établit et met à jour, depuis 2003, une liste des « pays d’origine sûrs », considérant qu’il n’y aurait aucune persécution au sens de la Convention de Genève. Pour plus d’information sur ce concept, voir l’avis émis par la CNCDH ;
- la personne dépose un réexamen de sa demande d’asile (il s’agit d’une demande présentée après un premier rejet définitif d’une demande d’asile antérieure, depuis lequel la personne dispose d’éléments nouveaux pour étayer les faits énoncés dans la demande antérieure. Dans de telles circonstances, ce réexamen de la demande d’asile est prévu par le droit pour les personnes « déboutées » ;
- enregistrement tardif de la demande (dépassement du délai de 90 jours dans l’hexagone, 60 jours en Guyane) ;
- présentation de faux documents d’identité et/ou fausses déclarations ;
- dépôt d’une demande « dans l’objectif de faire échec à une mesure d’éloignement » ;
- menace grave à l’ordre public.
L’Ofpra peut également, de sa propre initiative, placer une demande d’asile en procédure accélérée et indépendamment de la préfecture. Cela peut arriver dans les situations où la personne :
- présenterait de faux documents ;
- poserait des « questions sans pertinence » à l’appui de sa demande ;
- ferait des déclarations sans cohérence avec les éléments du pays d’origine dont disposerait l’Ofpra.
Le recours contre le placement en PA ne peut se faire qu’à l’étape du recours déposé auprès de la CNDA suite au rejet de la demande d’asile (art. L531-31 du Ceseda). Toutefois, le droit prévoit qu’il est possible de demander à l’Ofpra de requalifier la procédure et d’admettre la personne en procédure normale. Pour se faire, la personne devra envoyer un courrier avec accusé réception dans lequel elle détaillera les raisons selon lesquelles cette requalification est fondée, notamment des éléments de vulnérabilité.
Limitation des garanties juridiques dans la procédure accélérée
La procédure accélérée prévoit une réponse beaucoup plus rapide de l’Ofpra (15 jours, voir infra) et des garanties de recours réduites par rapport à la procédure normale. Dans un premier temps, la personne doit, comme en procédure normale, remplir et transmettre son dossier (le « récit ») à l’Ofpra dans un délai de 21 jours. Il lui faut indiquer, outre les éléments d’état civil, son histoire personnelle, les raisons qui l’ont conduit à quitter son pays d’origine, son parcours d’exil et ce qu’elle risquerait en cas de retour dans celui-ci, en étant le plus précis possible ; et l’écrire en français. Dans un tel délai, cette démarche peut être particulièrement difficile pour les personnes allophones et/ou de maîtrisant pas l’écrit, et le recours aux associations d’aide ou à un avocat est souvent requis. La personne n’est pas tenue de présenter des preuves à l’appui de son récit, mais peut cependant fournir tout document qu’elle juge nécessaire (article de presse, témoignages écrits, mandats d’arrêt, etc.). Suite à la transmission du dossier Ofpra, la personne se voit remettre une attestation de demandeur d’asile (ATDA) de 6 mois, renouvelable par période de 6 mois, qui l’autorise à se maintenir sur le territoire jusqu’à l’accord ou au rejet définitif de la demande.
Le droit prévoit que l’Ofpra dispose de 15 jours pour statuer sur la demande. En cas de rejet, le recours auprès de la CNDA est examiné dans un délai de 5 semaines, et par un juge unique. Le juge peut toutefois décider de renvoyer la demande en formation collégiale. La personne peut également en demander le renvoi. Dans certains cas (pays d’origine sûr, réexamen…), le recours auprès de la CNDA est non suspensif, c’est-à-dire qu’il ne suspend pas la décision de rejet émise par l’Ofpra. Dans ce cas, la préfecture peut, sans attendre, assortir la décision de rejet de la demande d’asile d’une mesure d’éloignement, sous forme d’Obligation de quitter le territoire français, OQTF). Il est possible de contester cette OQTF devant le juge du tribunal administratif avec l’aide d’un.e avocat.e.
Attention : les délais pour contester cette OQTF sont très courts (15 jours) pour toutes les décisions de refus d’asile, et une demande d’aide juridictionnelle ne suspend pas la décision, l’avocat.e devant ainsi faire le recours sans tarder.
En pratique, les délais d’examen de la demande d’asile en procédure accélérée restent assez similaires de ceux de la procédure normale, malgré l’augmentation de moyens à l’Ofpra et à la CNDA et dans l’attente de la territorialisation de cinq chambres de la CNDA (loi du 26 janvier 2024 et art. R131-6-1 du Ceseda). NB : la demande peut toutefois faire l’objet par l’Ofpra d’une décision d’irrecevabilité (en cas de réexamen), ou de clôture (non-respect du délai de 8 jours pour soumettre le formulaire), voir 6.3. En préfecture, procédure normale.
Droits sociaux et accompagnement
Les Conditions matérielles d’accueil (CMA) désignent les prestations spécifiques (allocation et hébergement) allouées dans le cadre d’une demande d’asile. Le droit prévoit que les CMA sont proposées à toute personne en demande d’asile. Pour en bénéficier, la personne devra accepter l’offre de prise en charge qui lui est proposée lors du passage en Guda (art. L551-9 du Ceseda). Dans certaines conditions prévues par le droit, l’Ofii, autorité compétente pour la gestion des CMA, peut en restreindre l’accès.
Le versement de l’Allocation de demandeur d’asile (ADA) n’est dès lors pas systématique, la personne peut se voir refuser ou retirer partiellement ou totalement l’accès à cette allocation. Soumise à des conditions générales (avoir 18 ans révolus, des ressources mensuelles sur les 12 mois précédents inférieurs au montant du RSA, avoir envoyé son dossier Ofpra dans le délai de 21 jours), cette allocation comprend un montant forfaitaire de 6,80 € par jour pour une personne seule, auquel s’ajoute un montant supplémentaire en cas de défaut d’hébergement, quel qu’il soit (chez un tiers, au 115, etc) et prend en considération la composition du foyer. La personne se voit alors remettre une carte de retrait et un code confidentiel (seuls trois retraits sont possibles par mois dans tous les distributeurs ou peut être utilisée dans certains commerces équipés).
L’ADA peut être refusée totalement ou partiellement en cas de :
- réexamen (dépôt d’une nouvelle demande d’asile après le rejet d’une précédente demande) ;
- refus de la proposition d’hébergement ou de se conformer à l’orientation en région ;
- présente une demande d’asile hors délai (90 jours dans l’Hexagone, 60 jours en Outre-mer), sans motif recevable.
Cette allocation peut également être retirée totalement ou partiellement en cas de :
- fraude ou de dissimulation de tout ou une partie des ressources ;
- fausses informations sur sa situation familiale ;
- départ de son lieu d’hébergement sans autorisation préalable ;
- dépôt de demandes d’asile sous différentes identités ;
- non-respect des exigences fixées par les autorités de l’asile (non présentation aux entretiens, dissimulation d’informations).
Toute décision de l’Ofii de retrait ou de refus de l’ADA doit être motivée en droit et comporte les voies et délais de recours. Avant de finaliser sa décision, l’Ofii peut demander, par écrit, à la personne de faire part de ses observations. En outre, la décision de l’Ofii peut faire l’objet d’un recours gracieux auprès du directeur de l’Ofii. Pour plus de détails sur les modalités de recours, voir la note pratique de 2023 « Conditions matérielles d’accueil (CMA) des personnes en demande d’asile – Recours contre les décisions de refus ou retrait – en ligne sur le site du Comede »
Hébergement et schéma national d’accueil. Il existe différents types d’hébergement pour les personnes en demande d’asile. En pratique, les personnes en PA seront, sauf exception, plutôt hébergées en Huda (Hébergement d’urgence des demandeurs d’asile), ou dans d’autres structures où l’encadrement social et juridique est moins présent. A défaut de proposition d’hébergement, la personne sera réorientée vers la Spada pour une domiciliation postale. Devant l’insuffisance du nombre de places d’hébergement, un certain nombre de personnes ont recours au Samu social « 115 » et certaines se retrouvent sans solution, à la rue ou dans des squats. À noter que la loi du 10 septembre 2018 donne la possibilité à l’Ofii d’orienter la personne dans une autre région (que celle où elle a enregistré sa demande). L’Ofii doit prendre en compte les éléments de vulnérabilité recueillis lors de l’entretien (art L522-1 du Ceseda et suivants). La personne est contrainte de se soumettre à cette orientation au risque de perdre les CMA.
Appréciation de la vulnérabilité et certificats médicaux. La situation de vulnérabilité est théoriquement prise en considération pour la personne et sa famille afin d’adapter les CMA au regard des éléments recueillis. Il n’existe pas de définition de la vulnérabilité, la directive européenne de 2013 sur le sujet ne donnant que deux listes de situations à titre d’exemple. En pratique, cette appréciation donne lieu à une demande importante de certificats médicaux, notamment par le biais d’un certificat médical type remis à la personne par l’Ofii. Or seules certaines situations « de vulnérabilité » peuvent être attestées par des professionnel.le.s de santé, en raison d’une compétence particulière (diagnostic de maladies graves et de troubles mentaux) ou d’une relation thérapeutique propice à aborder les questions de violences. Les médecins et psychologues concerné.es peuvent être conduit.es à délivrer des certificats à la demande de leur patient.e et dans le respect des règles déontologiques (voir 15. Protection de la santé et certification médicale). Dans les autres situations, la délivrance d’un certificat médical est déconseillée, et présente notamment le risque de se substituer à la parole de l’intéressé.e, qui reste primordiale pour expliciter sa situation.
La personne peut ouvrir droit à l’assurance maladie et à la complémentaire santé solidaire (C2S) sous réserve d’une condition de 3 mois d’ancienneté de présence sur le territoire français à compter de sa date d’arrivée (et non pas à la date du passage au Guda) et si elle est en mesure de pouvoir en attester (voir 13.3 Assurance maladie). À défaut de protection maladie et en cas de problème de santé, la personne peut s’adresser à un hôpital qui doit lui délivrer les soins nécessaires et mettre en œuvre le Dispositif soins urgents et vitaux sans produire un refus d’Aide médicale Etat (voir 12.3 DSUV). Le délai d’ancienneté de 3 mois n’est pas opposable à l’enfant qui accompagne ses parents ou qui fait lui-même une demande d’asile, l’enfant pouvant se voir ouvrir des droits sans délais. À noter que l’accès à l’assurance maladie et à la C2S n’est pas conditionnée à l’acceptation de l’offre de prise en charge proposée par l’Ofii au moment du passage au Guda.
Le droit au travail peut être autorisé à la personne sous réserve de l’opposabilité du marché du travail dans la région où la personne demeure et si l’Ofpra, à la date d’introduction du dossier, n’a pas statué dans les 6 mois sans que ce retard ne soit imputable à la personne. Cette demande se fait sur le site de l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef, service dématérialisé pour les démarches des personnes étrangères). Si l’administration se doit de vérifier le respect des règles de droits communs d’accès au marché du travail, à la date de réception de la demande, l’administration dispose d’un délai de deux mois pour y répondre. En cas de non réponse dans ce délai, la demande est réputée favorable. (art. L554-3 du Ceseda).
Compte tenu de la situation de vulnérabilité des Mineurs non accompagnées, le droit stipule que la procédure accélérée ne peut être « mise en œuvre » à leur égard. Cependant il y est fait une exception en cas de « menace à l’ordre public » (art 531-30 du Ceseda) ou si le/la jeune :
- est originaire d’un pays d’origine sûr ;
- a déposé une demande de réexamen qui fait l’objet d’une décision d’irrecevabilité ;
- est placé en Centre de rétention administratif.
A noter que l’enfermement administratif des mineurs, en Zone d’attente ou en Centre de rétention, qu’ils/elles soient accompagné.es ou non par un parent, est une pratique contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) et régulièrement dénoncée par le Contrôleur général des lieux de privations de libertés et les associations de soutien des étrangers. Pour en savoir plus, voir notamment les publications de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE)