11.6. Migrant·e·s âgé·e·s et retraité·e·s
Protection sociale selon le statut
Article mis à jour le 19/12/2024
Les migrant.e.s âgé.e.s constituent une population particulièrement vulnérable en matière de santé et d’accès aux droits sociaux. Il est important de connaître les droits sociaux qui leur sont théoriquement accessibles, ainsi que les recours à effectuer le cas échéant pour les obtenir. Pour certaines allocations et prestations, ces personnes font notamment l’objet de contrôles ciblés sur la condition de résidence en France, alors même que cette condition s’applique théoriquement à tou.te.s, français.e.s et étranger.e.s.
Pension de retraite
La pension de retraite est composée de la pension de base de la Sécurité sociale, ou assurance vieillesse, et des pensions des régimes complémentaires. Elle est financée et versée en fonction des cotisations sociales prélevées sur le salaire. On parle de pensions de retraite « contributives » (par opposition à des prestations non contributives, telle l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou minimum vieillesse).
La retraite de base de la sécurité sociale ou Assurance vieillesse. Pour bénéficier d’une pension de retraite au titre du ou des régimes obligatoires de Sécurité sociale auprès desquels elle a cotisé, la personne doit avoir validé au moins un trimestre et doit avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite (art. L161-17-2 CSS, L351-1 et s. CSS). La pension servie dépend d’abord des salaires (revenu moyen des 25 meilleures années) puis de la durée (le nombre de trimestres validés). Pour obtenir une pension, il faut obligatoirement et préalablement la demander. La retraite est alors « liquidée », c’est-à-dire que la caisse détermine l’éligibilité de la personne et le montant de la prestation Cette opération, la liquidation ou attribution de la pension de retraite est conditionnée en outre pour les personnes étrangères résidant en France à la régularité de leur séjour (art. L161-18-1 CSS, R111-3 CSS, arrêté du 10 mai 2017 fixant la liste des titres de séjour prévu au I de l’article R111-3 du Code de la sécurité sociale). En revanche, il n’existe pas de condition de résidence sur le territoire français, ni au moment de la liquidation, ni ensuite pour le versement de la pension (voir infra).
La retraite complémentaire. Elle s’ajoute à la retraite de base. Il n’y a pas de condition de résidence ni de régularité de séjour sur le territoire français pour liquider et percevoir la retraite complémentaire. Seule la justification de l’identité est nécessaire.
Retraite anticipée à taux plein pour les personnes reconnues handicapées. Sous certaines conditions (art. L351-1-3 et s. CSS) les assurée.e.s reconnu.e.s handicapé.e.s peuvent partir à la retraite à un âge anticipé. Pour cela il faut justifier d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 50%.
Retraite anticipée à taux plein pour les personnes percevant une pension d’invalidité. Il est également possible de liquider une pension de retraite, dite à taux plein (c’est-à-dire sans que la personne ne soit pénalisée par une « décote »), dès l’âge minimum et quelle que soit la durée d’assurance accomplie pour les personnes qui se sont vu reconnaître un taux d’incapacité permanente (IP) à la suite d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail « ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle », pour celles bénéficiant d’une prestation liée au handicap ou l’invalidité (AAH, pension d’invalidité) et pour celles et ceux reconnus inaptes au travail.
Absence de condition de résidence en France pour le versement des retraites de base et complémentaire. Le versement des retraites de base et complémentaire ne dépend pas de la résidence en France des personnes concernées. Les retraites sont « exportables », cela signifie qu’elles seront versées dans les mêmes conditions si la personne réside à l’étranger. Pour les retraité.e.s qui vivent à l’étranger, il est exigé chaque année de prouver la poursuite de son existence, notamment au moyen d’un « certificat de vie ».
Pour les personnes qui perçoivent leur retraite hors de France, site internet de l’Assurance retraite : voir ici.
Pensions de réversion des régimes de base et complémentaire. La pension de réversion correspond à une partie des pensions de retraite, pension de base et pensions complémentaires, dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré.e décédé.e. Elle est versée au/à la conjoint.e ou ex-conjoint.e (les personnes en concubinage ou liées par un Pacs ne sont pas considérées comme ayants-droit dans ce cadre), sous certaines conditions (âge et ressources). Aucune condition de nationalité n’est requise pour les ayants-droit étrangers. Si le conjoint survivant ou ex-conjoint réside en France, il doit justifier, pour percevoir une pension de réversion du régime de base, de la régularité de son séjour par la production de l’un des titres de séjour ou documents requis pour la liquidation de la pension de retraite de base, il y a donc dans ce cas une condition de régularité de séjour concernant la pension de réversion du régime complémentaire). Par contre si le/la conjoint.e réside à l’étranger, les pensions de réversion des régimes général et complémentaire sont exportables indépendamment de la condition de séjour en France.
Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa)
L’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) ou « minimum vieillesse » est une prestation versée sous condition d’âge (à partir de 65 ans, ou à partir de 62 ans en cas de handicap, invalidité ou inaptitude au travail) et de résidence en France aux personnes dont les ressources, incluant les pensions de base et complémentaire, sont inférieures à un plafond déterminé chaque année (11 533,02 euros par an pour une personne seule et 17 905,06 € pour un couple – montants au 1er avril 2023).
La condition de résidence en France est fixée à 9 mois par année civile depuis le 1er septembre 2023 (art. R111-2 3°al CSS). L’Aspa est versée par le régime (ou caisse) de retraite qui verse la pension de retraite ou de réversion ou, lorsque la personne ne relève d’aucun régime d’assurance vieillesse en France, par un service spécifique (dit « Saspa ») géré depuis 2020 par la MSA (Mutualité sociale agricole).
L’Aspa est subsidiaire par rapport aux pensions de retraite contributives. Ainsi, avant de demander l’Aspa, il faut d’abord faire valoir ses droits à la retraite. L’Aspa viendra alors compléter la pension de retraite (ou autre revenus). Les revenus du couple sont pris en compte.
Toute personne souhaitant bénéficier de l’Aspa doit être en situation régulière de séjour et justifier d’une résidence stable sur le territoire français (art. L815-1 et R816-3 du CSS). Elle doit aussi justifier être titulaire depuis au moins dix ans d’un titre de séjour autorisant à travailler (art. L816-1 CSS). Ces conditions s’appliquent également au conjoint, concubin et partenaire pacsé.
Cette condition de détenir depuis 10 ans un titre de séjour autorisant à travailler n’est toutefois pas opposable à certains ressortissant.e.s étranger.e.s :
- elle n’est pas opposable, selon la loi, aux réfugié.e.s, bénéficiaires de la protection subsidiaire et apatrides (art. L865-1 CSS), aux anciens combattants (art. L426-2 ou L426-3 Ceseda), aux ressortissant.e.s de l’UE et aux membres de famille en situation régulière en France (art. L816-1 CSS) et aux ressortissants britanniques ayant acquis un droit au séjour avant le 1er janvier 2021 (art. 30 décret 2020-1417) ;
- elle n’est pas opposable non plus en raison de textes internationaux garantissant l’égalité de traitement aux ressortissant.e.s de certains pays tiers (notamment pour les ressortissant.e.s d’Algérie, du Bénin, du Cap Vert, du Congo Brazzaville, du Gabon, de Madagascar, du Mali, du Maroc, de Mauritanie, du Niger, du Togo, de Tunisie, de Turquie et du Sénégal). Les précisions sont disponibles sur le site internet du Gisti et des recours peuvent être engagés en cas de rejet de la demande. Dans ce cas, il est également intéressant de saisir le Défenseur des droits.
A noter, si la personne perçoit l’AAH et a un taux supérieur à 80%, elle peut continuer à percevoir l’AAH même après l’âge légal de la retraite (62 ans actuellement, bientôt 64 ans). Elle est obligée de faire valoir ses droits à une retraite contributive mais pas à l’Aspa. Les conditions de régularité pour le versement de l’AAH ne sont pas les mêmes que pour l’Aspa (art. L821-1 CSS).
Allocation personnalisée d'autonomie (APA)
L’APA est une prestation d’aide sociale, il s’agit d’une aide financière permettant une prise en charge adaptée aux besoins de la personne pour accomplir les actes essentiels de la vie ou si son état nécessite une surveillance régulière (art. L232-1 et CASF). Elle sert à financer une partie du salaire des personne effectuant l’aide ou encore des appareils ou travaux d’investissement nécessaires. Le montant dépend des ressources et du degré de perte d’autonomie (du niveau de ses besoins), c’est-à-dire que les dépenses restant à la charge de la personne vont dépendre de ses ressources et de son degré de perte d’autonomie. L’instruction de la demande d’APA puis son versement sont effectués par le conseil départemental auprès duquel il faudra justifier de son utilisation.
Toute personne souhaitant bénéficier de l’APA doit justifier de la régularité de son séjour en France (art. L232-2 et R232-2 CASF).
Avec une carte de séjour ou un certificat de résidence algérien mention « retraité »
La carte de séjour mention « retraité » est délivrée aux personnes étrangères qui déclarent établir leur résidence hors de France (c’est donc une adresse à l’étranger qui figure sur la carte), après avoir été en possession d’une carte de résident en France, et qui sont titulaires d’une pension contributive de vieillesse liquidée au titre d’un régime de base français de sécurité sociale (art. L317-1 Ceseda).
La carte de séjour mention « retraité » permet d’entrer en France à tout moment pour y effectuer des séjours n’excédant pas un an. Elle est valable dix ans et est renouvelée de plein droit. Elle n’ouvre pas droit au travail.
Droits à l’Aspa, aux prestations familiales et aux aides au logement. Suite à de nombreux recours auprès des tribunaux, le ressortissant étranger, titulaire d’un titre de séjour mention « retraité » peut désormais prétendre à ces prestations s’il apporte la preuve qu’il réside effectivement en France (Cour de cassation, 2e ch. Civ., 14/01/10 n° 08-20782, circulaire Cnav n° 2010/49 du 6 mai 2010 et circulaire Cnaf n°2010-014 du 15 décembre 2010, voir aussi 14.5. Migrants âgés et retraités. En pratique, les titulaires d’une carte de séjour mention « retraité » font l’objet d’un contrôle systématique des Caisses sur la condition de résidence.
Condition de la résidence en France pour les autres prestations sociales (sauf les rentes accident du travail ou maladie professionnelle)
En fonction de leur situation, les personnes âgées peuvent bénéficier de prestations sociales soumises à la condition de résidence. Il s’agit d’une condition en droit de la protection sociale qui ne concerne pas les seul.e.s étranger.e.s (art. L.111-1 et L.311-7 CSS).
Pour les prestations familiales ou la prise en charge des frais de santé par l’assurance maladie (« puma »), sont considérées comme résidantes en France les personnes qui y ont leur foyer permanent (notion objective qui doit être appréhendée à partir d’un faisceau d’indices) ou leur lieu de séjour principal, cette dernière condition étant remplie dès lors que l’intéressé.e séjourne plus de 180 jours en France au cours de l’année civile (art. R111-2 CSS). Le gouvernement a annoncé à l’automne 2023 son intention d’étendre cette durée de 9 mois aux prestations familiales ou à la prise en charge des frais de santé par l’assurance maladie (« puma »), comme pour l’Aspa.
Pour les aides personnelles au logement : le logement doit être effectivement occupé au moins 8 mois par an soit par l’allocataire ou son conjoint ou concubin soit par une personne à charge, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure. Cela signifie que si le logement est inoccupé pendant plus de 4 mois (122 jours selon les circulaires) au cours de l’année civile, par exemple parce que la personne s’est absentée du territoire, la condition est réputée ne pas être remplie pour l’année entière et la personne doit rembourser l’ensemble des aides perçues durant l’année en question.
Pour le RSA, la prime d’activité, l’AAH et la prestation de compensation du handicap (PCH) : la condition de résidence est remplie dès lors que les séjours hors de France sont inférieurs ou égaux au total à trois mois au cours de l’année civile ou de date à date. En cas d’absence supérieure à trois mois, ces prestations ne seront versées que pour les seuls mois civils complets de présence en France (art. R262-5 CASF pour le RSA, R842-1 CSS pour la prime d’activité, R821-1 CSS pour l’AAH et R242-1 CASF pour la PCH).
Si l’ouverture des droits s’effectue sur une base déclarative, les modalités de contrôle de la résidence que peuvent réaliser ensuite les organismes de sécurité sociale sont très étendues. Dans la pratique, cette condition complique l’entrée dans les droits (l’ouverture des droits) notamment en matière de protection maladie (voir 13. Dispositif de protection maladie). Elle pose également des problèmes pour le maintien ou le renouvellement de droits déjà ouverts pour les personnes qui s’absentent du territoire. Il peut notamment être demandé à la personne de fournir la copie de son passeport en intégralité, faute de quoi les prestations pourraient être suspendues (art. R114-17 et R114-18 CASF). Ces contrôles pendant le service des droits peuvent donner lieu à des demandes de remboursement des prestations indûment versées. Bien que s’appliquant à toute la population, cette condition fait l’objet de contrôles ciblés sur certaines catégories d’étranger.e.s et notamment les personnes inactives vivant en foyer ou en logement précaire.