11.5. Mineurs non accompagnés
Protection sociale selon le statut
Article mis à jour le 19/12/2024
Les droits fondamentaux des mineurs sont définis par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Le système français de protection de l’enfance est porté par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), service public placé sous la responsabilité de chaque département, permettant l’assistance et la prise en charge des jeunes et des familles en difficultés sociales ou « en danger ». Tout mineur doit se voir garanti l’accès à ce dispositif quelle que soit sa nationalité (art. L111-1 du Code de l’action sociale et des familles, CASF). L’ASE n’est soumise à aucune condition de séjour légal des étrangers en France (1° de l’art. L111-2 CASF). Ainsi, tout mineur isolé a droit à une protection dès son arrivée sur le territoire, celle-ci étant censée être mise en place dès le signalement du/de la jeune aux services du département. Mais en pratique, l’évaluation préalable par l’Administration de la minorité du/de la jeune va largement conditionner l’exercice effectif des mesures de protection de l’enfance.
Détermination de la minorité et procédure de protection
Le statut juridique des mineurs. Français ou étrangers, les mineurs présentent les mêmes spécificités juridiques et sociales. Un mineur est considéré comme incapable juridique, ce qui signifie qu’il/elle ne peut pas agir sans le consentement d’un représentant légal. Seul son représentant légal ou un administrateur ad hoc est titulaire de l’autorité parentale et peut autoriser les actes de la vie civile. Le défaut de parent (absence, décès) pose donc le problème de la représentation du/de la jeune pour l’exercice de ses droits et pour sa protection.
Même s’il est étranger, le mineur n’est pas tenu de détenir un titre de séjour (art. L411-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, Ceseda) et ne peut être éloigné du territoire (voir 9.1. Protection contre les mesures d’éloignement). C’est pourquoi la notion de « mineur en séjour irrégulier » est un contre sens juridique, quand bien même le mineur serait arrivé en dehors de toute procédure légale en France.
Quelle que soit sa nationalité, un mineur à la rue est en danger et doit faire l’objet d’un signalement par toute personne auprès d’un service social ou de la Crip (Cellule de recueil d’informations préoccupantes) ou être orienté vers une structure départementale de primo-accueil. Le protocole du 31 mai 2013 signé entre l’Etat et les départements prévoit que la mise à l’abri est assurée pour une durée de cinq jours par les services sociaux du département où se présente le/la jeune.
Cet Accueil provisoire d’urgence (APU), prévu à l’article R221-11 du CASF, peut également être confié par les conseils départementaux à des associations. C’est lors de cet APU que va être évalué la minorité et son isolement. Selon les cas de figure, les jeunes peuvent donc se rendre directement à l’Aide sociale à l’enfance ou aux structures spécifiquement dédiées à l’évaluation de la situation des primo-arrivants et être signalé au procureur de la République.
L’évaluation pour la détermination de la minorité est prévue à l’article R221-11 du CASF : celle-ci est donc destinée à vérifier l’âge et à savoir si la/le jeune relève effectivement des dispositions protectrices liées à sa minorité. Si le/la jeune détient des documents d’état civil de son pays, ces documents font foi (art. 47 du Code civil), sauf si l’administration prouve qu’ils ne sont pas authentiques. Le principe est qu’en l’absence de documents d’état civil, l’âge sera déterminé par un faisceau d’indices. Cette évaluation s’effectue sous différentes formes dans un délai de 5 jours comprenant :
- une mise à l’abri temporaire par la DACD (Dispositif d’accueil du Conseil départemental), un hébergement le plus souvent à l’hôtel ;
- un entretien d’évaluation de la minorité et de l’isolement lors de plusieurs entretiens par différents professionnel.le.s ;
- une vérification des documents d’état civil par les services de la Police aux frontières (PAF) qui ont accès à une base de données et à des fichiers comme visabio (fichier européen qui liste l’ensemble des personnes ayant obtenu un visa par un pays membre de l’Union Européenne).
Si un doute persiste, un examen médico-légal de l’âge, incluant des « tests osseux », sera proposé sur réquisition du Parquet.
En pratique, la détermination médico-légale de l’âge est très largement demandée, même si le/la jeune présente des documents d’état civil, et en dépit des nombreuses limites et critiques qui sous-tendent cette expertise (voir notamment l’avis du 23 juin 2005 du Comité consultatif national d’éthique sur www.ccne-ethique.fr).
Protection administrative et Judiciaire. A l’issue de cette d’évaluation, Le Conseil Départemental rend sa décision sur la reconnaissance de la minorité du/de la jeune isolé.e. Si l’Aide sociale à l’enfance estime que l’adolescent est bien mineur et isolé, le procureur de la République prononce une ordonnance de placement provisoire (OPP) et saisit le juge des enfants pour entériner le placement (art. du 375 5 2° du Code civil). Si une des conditions n’est pas remplie, il est mis fin à la prise en charge. Le/la jeune peut saisir le juge des enfants pour contester la décision de refus de reconnaissance de sa minorité et de son isolement. Il est primordial pour lui de faire ce recours devant le juge pour enfants. Dans ce cas, il est souhaitable de faire un appel à un avocat spécialisé ou une association.
Droits et protection sociale des mineur.e.s
Pour en savoir + : voir www.infomie.net et www.gisti.org
En cas de prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), les droits des mineurs incluent l’hébergement, le droit à l’éducation, à la formation professionnelle et à la santé. Ces droits sont transposés aux articles L221-1 et suivants du CASF et placés sous la responsabilité des départements.
En cas de refus de prise en charge par l’ASE, les jeunes sont considérés comme majeurs par les services de protection de l’enfance, ce qui donne lieu à la levée de l’OPP, mais vont rester considérés comme mineurs par les autres interlocuteurs. L’absence de document d’état civil les privent de la capacité à agir, de même que les documents qu’ils peuvent produire les présentent toujours comme des mineurs. Ils sont également exclus des dispositifs d’hébergement pour adultes et ne sont pas autorisés à travailler. Il faut alors saisir le juge des enfants pour contester cette décision, le jeune isolé restant considéré devant être considéré comme enfant mineur jusqu’à la décision définitive d’un juge. En pratique cependant, pendant le temps de ce recours, de nombreux jeunes sont remis à la rue et rencontrent de grande difficulté à bénéficier d’une mise à l’abri en dehors de la solidarité associative et citoyenne (voir Le Comité des droits des enfants, décision CRC/C/92/D/130/2020 du 25 janvier 2023).
Faute de représentant légal, le mineur isolé ne peut exercer ses droits. Lorsqu’un jeune a été placé par le juge auprès d’un tiers ou d’un service habilité, ces derniers accomplissent tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation (art. 373-4 du Code civil). Les actes usuels sont définis comme « des actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant […] ». Les actes non usuels relèvent de l’autorité parentale. Ils ne peuvent pas être décidés par le tiers ou l’organisme en l’absence de tutelle ou de délégation d’autorité parentale décidée par un juge. À la demande de la personne ou du service à qui le mineur est confié, le juge peut accorder une délégation d’autorité parentale à une tierce personne ou à un organisme habilité tel que l’ASE (art. 373, 376 et suivants du Code civil) ou ouvrir une tutelle. Lorsqu’aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assurer la charge du jeune, la tutelle peut être déférée à l’ASE (art. 411 et suivants du Code civil) ou à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Les délais de désignation du tuteur sont souvent très longs. TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA REPRÉSENTATION LÉGALE DES MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS
Droit à une domiciliation. Toute personne, qu’elle soit majeure ou mineure, a le droit à une domiciliation pour faire valoir ou ouvrir ses droits.
Protection maladie et accès aux soins. Les jeunes pris en charge par l’ASE ont le droit de bénéficier de l’Assurance maladie et de la Complémentaire santé solidaire (CSS) sans participation financière et sans délai. Les mineurs isolés non pris en charge par l’ASE ont uniquement droit à l’Aide médicale État (AME). Ils/elles peuvent la demander en se rendant dans la CPAM/CGSS de leur lieu de domicile et sans délai, et sont autorisés à signer le formulaire (circulaire n°DSS/2A/2011/351 du 8 septembre 2011). L’obligation de dépôt physique d’une première demande d’AME auprès de la caisse ne s’applique pas aux jeunes se déclarant mineur non accompagné. Cette première demande peut donc être déposée ou envoyée à l’organisme local d’assurance maladie par toute structure de prise en charge ou d’accompagnement de ces personnes (circulaire CNAM CIR-2/2023 du 20 janvier 2023). Les mineurs ne relèvent donc pas du Dispositif soins vitaux et urgents (DSUV) dans la mesure où il peuvent accéder à une protection maladie sans remplir la condition de résidence de 3 mois. En attendant l’ouverture effective des droits à l’Assurance maladie avec la C2S ou l’AME, le/la jeune peut en cas de besoin, accéder théoriquement aux soins dans les hôpitaux via les Pass (voir 12.2. Permanences d’accès aux soins de santé), ou encore auprès de certains centres de santé qui proposent des permanences d’accès aux soins dentaires, ophtalmologiques, ou psychologiques, de contraception, de dépistage, de soins et de prévention en addictologie sans qu’il soit nécessaire d’être assuré social et de justifier d’un représentant légal. Mais dans la pratique, les jeunes mineurs sont confrontés à de nombreux obstacles en l’absence d’un représentant légal.
L’ARS IDF a publié le 31 juillet 2023 une instruction visant à rappeler des recommandations pour garantir l’accès des mineurs isolés étrangers, qui peut servir de référence sur l’ensemble du territoire.
La scolarisation doit être garantie et est obligatoire pour tout.e jeune de moins de 16 ans, qu’il/elle soit isolé ou non et quel que soit son statut administratif (art. L111-1 du Code de l’éducation). Lorsqu’il/elle ne parle pas suffisamment français, des cours de langue française doivent lui être dispensés par les établissements scolaires qui peuvent être aidés par les centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (Casnav). Les démarches en vue de la scolarisation de ces jeunes sont souvent très longues, ce qui retarde considérablement la scolarisation.
L’autorisation de travail. Depuis la loi du 10 septembre 2018, l’autorisation de travail est de plein droit (c’est une obligation légale) dès lors que le/ la jeune présente un contrat d’apprentissage ou un contrat de professionnalisation et qu’il/elle est prise en charge par l’ASE ou un tiers de confiance (art. L5221-5 du Code du travail). Cette autorisation est à solliciter auprès de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets ou Deets). Il ne peut pas lui être opposé la situation de l’emploi (art. R 5221-22 du Code du travail).
Le droit à un compte. Les mineurs peuvent ouvrir des livrets A sans l’intervention de leur représentant légal. Ils peuvent retirer, sans cette intervention, les sommes figurant sur les livrets ainsi ouverts, mais seulement après l’âge de seize ans révolus et sauf opposition de la part de leur représentant légal (art. L221-3 du Code monétaire et financier). A partir de 16 ans et avec l’autorisation de son représentant légal, un mineur peut ouvrir un compte courant.
A la majorité du/de la jeune
Le contrat jeune majeur. Pour les jeunes confiés à l’ASE avant leur majorité, le département a l’obligation de garantir un accompagnement après les 18 ans et jusqu’à leurs 21 ans qui comprend notamment un hébergement, un accompagnement social et juridique et une aide financière. Les jeunes non confiées à l’ASE peuvent solliciter le bénéfice d’un contrat jeune majeur par courrier motivé auprès du département de son lieu de domicile. Décret n° 2022-1125 du 5 août 2022 relatif à l’accompagnement vers l’autonomie des jeunes majeurs et des mineurs émancipés ayant été confiés à l’aide sociale à l’enfance
La majorité et l’exigence d’une autorisation de séjour. Depuis la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, l’ASE a l’obligation d’accompagner les jeunes pris en charge dans leurs démarches pour obtenir un titre de séjour (art. L222-5-1, alinéa 2 CASF). L’accompagnement consiste :
- à l’aider à faire les démarches auprès du consulat ou de l’ambassade pour l’obtention des documents d’identité et à la légalisation des documents ;
- à l’orienter vers le titre de séjour le plus favorable et qui correspond à sa situation :
- à l’aider à prendre rendez-vous à la préfecture et à constituer son dossier complet ;
- à l’aider à déposer sa demande d’asile ;
- à financer les traductions, les légalisations, les titres de séjour.
La loi du 7 février 2022 vient élargir la possibilité d’admission au séjour prévue aux articles L423-22 et L435-3 du Ceseda. L’admission au séjour des jeunes confiés à l’ASE s’étend aux jeunes placés par le juge des enfants chez un tiers digne de confiance. Le jeune peut se trouver dans trois situations selon l’âge où il a été confié à l’ASE ou à un tiers de confiance :
- le mineur pris en charge par l’ASE ou par un tiers de confiance avant ses 15 ans peut demander la nationalité française par déclaration sur la base de l’article 21 12 du Code civil, à la condition de se manifester auprès du tribunal d’instance avant l’anniversaire de ses 18 ans ;
- le mineur pris en charge par l’ASE ou par un tiers de confiance au plus tard à ses 16 ans peut se voir délivrer, à sa majorité, une carte de séjour temporaire d’un an renouvelable portant la mention « vie privée et familiale » (art. L423-22 du Ceseda) sous réserve d’une inscription dans un parcours de formation de manière sérieuse et permanente ; d’être dépourvu d’attaches dans son pays d’origine ou justifie l’absence de maintien de liens avec sa famille restée dans son pays. La structure d’accueil ou le tiers digne de confiance devra attester de son insertion dans la société française. La demande doit être faite avant les 19 ans du jeune ;
- dans les autres cas, notamment s’il/elle n’a pas été pris.e en charge par l’ASE / par un tiers de confiance, ou s’il/elle l’a été entre 16 et 18 ans, le jeune majeur de 18 ans ne pourra pas, sur ce fondement, bénéficier de plein droit d’un titre de séjour ni accéder à la nationalité française. L’examen de sa situation s’effectue, à sa majorité, au titre de l’admission exceptionnelle au séjour (art. L435-3 du Ceseda). Il/elle doit alors justifier suivre depuis au moins 6 mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle (suivi réel et sérieux), de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine. L’avis de la structure d’accueil ou du tiers de confiance sur l’insertion dans la société française est requis. Au regard de sa situation, il/elle peut alors obtenir un titre de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire ». S’il/elle poursuit des études, la délivrance d’un titre de séjour « étudiant » peut être examinée. Ces dispositions relatives aux mineurs pris en charge par l’ASE ne sont pas applicables aux ressortissants algériens qui relèvent de l’accord franco-algérien de 1968.
Droit d’asile et droit au séjour pour raison médicale :
- si le jeune a des raisons de craindre des persécutions ou de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays d’origine, il/elle peut à tout moment déposer une demande d’asile ;
- si le/la jeune est atteint.e d’une maladie grave nécessitant prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, il/elle peut solliciter avant même ses 18 ans une admission au séjour pour raison de santé au titre de l’article L425-9 du Ceseda.