11.4. Étrangers malades

Protection sociale selon le statut

Article mis à jour le 13/12/2024

Une personne remplissant les conditions de l’admission au séjour pour raison de santé bascule d’un statut à l’autre au cours de son parcours administratif. Les droits sociaux auxquels l’étranger.e malade ou accompagnant d’une personne malade peut prétendre diffèrent selon le statut administratif dans lequel il/elle se trouve. Résultant souvent de pratiques préfectorales non conformes à la réglementation, ces transitions entre différents statuts administratifs complexifient l’accès à la protection sociale et peuvent provoquer des ruptures dans la continuité du bénéfice des droits.

Hébergement

Voir aussi 10.5. Hébergement et logement

 

L’accès et le maintien dans un lieu d’hébergement adapté est un enjeu d’autant plus important que la personne est atteinte d’une maladie grave et/ou chronique, les situations et périodes de survie en l’absence d’hébergement étant incompatible avec un état de santé dégradé et les besoins de soins qui en découlent. Comment prendre soin de soi et s’adapter à sa maladie quand il est impossible de dormir en sécurité, de cuisiner, de conserver ses médicaments ?

 

Droit et pratiques. La loi Dalo (Droit au logement opposable) garantit théoriquement le principe d’inconditionnalité d’accès à l’hébergement (loi Dalo n°2007-290 du 5 mars 2007), mais les pratiques de tri et de priorisation qui découlent de la pénurie d’offre d’hébergement et de logements abordables ont pour effet de rendre quasiment impossible tout recours pour des personnes qui ne présenteraient pas des critères spécifiques de « vulnérabilité ». Voir notamment le Guide pratique du Secours Catholique. En pratique, il est souvent nécessaire de mettre en avant des « critères de vulnérabilité liés à la santé » pour faciliter l’accès et des aménagements favorables au sein des dispositifs d’hébergement. De même, ces critères se révèlent d’une importance cruciale en cas de procédure contentieuse.

 

Place du certificat médical. Bien que non prévu par la réglementation, et posant des questions éthiques dans la mesure où le droit à l’hébergement ne saurait être réservé aux personnes malades, la délivrance de documents médicaux peut parfois soutenir les démarches d’accompagnement social et juridique en matière d’accès à l’hébergement. Dans la situation d’un personne atteinte d’une maladie ou présentant un risque grave pour la santé, les médecins soignant.e.s peuvent notamment délivrer, selon le cadre déontologique requis (voir chapitre 15. Protection de la santé et certification médicale) :

  • Ÿun certificat médical « non descriptif », destiné aux instances non soignantes responsable du circuit d’accès à l’hébergement, indiquant que l’état de santé de la personne n’est pas compatible avec la vie à la rue, et la nécessité de disposer d’un hébergement adapté ;
  • Ÿet/ou un rapport médical destiné au/à la médecin en charge d’intervenir dans le circuit d’accès à l’hébergement (par exemple médecins de l’Ofii), explicitant la situation et les besoins médico-psychologiques sous couvert du secret professionnel.

Allocation aux adultes handicapés

Les personnes souffrant d’une incapacité de travail et disposant de faibles ressources peuvent bénéficier de l’allocation adulte handicapé (AAH) sous condition de régularité de séjour. La demande se fait auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui détermine le taux d’incapacité de la personne. La Caisse d’allocations familiales (CAF) est ensuite chargée du versement de cette allocation. Contrairement à la CAF, la MDPH n’est pas compétente pour vérifier si la personne remplit ou non les conditions relatives à la régularité de séjour. Les refus d’instruction par la MDPH basées sur l’absence de titre de séjour sont fréquents mais abusifs et justifient un signalement au Défenseur des droits.

 

Sur la condition de régularité de séjour :

  • l’article L821-1 du Code de la sécurité sociale (CSS) impose une condition de séjour régulier pour le versement de l’AAH. Cet article renvoie à une liste restrictive de documents de séjour qui a été supprimée des textes en vigueur depuis 2017, mais qui continue d’être appliquée par les caisses. Cette pratique entraine de nombreux refus abusifs et appelle à des recours contentieux. Jurisprudence TJ Melun 03/06/2022,
  • en outre, pour les Algériens, au regard du principe de l’égalité de traitement avec les nationaux issu de l’article 7 de la déclaration de principe du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l’Algérie, aucune restriction liée au type de titre de séjour ne doit s’appliquer. En pratique, les CAF ne respectent pas ces dispositions.

AAH et âge de la retraite (après 62 ans). Voir aussi 11.6. Migrantes âgées et retraitées :

  • Ÿsi le taux d’incapacité est inférieur à 80%, le versement par la CAF de l’AAH s’arrête à 62 ans (art. L821-2 CSS) ;
  • Ÿsi le taux d’incapacité est supérieur ou égal à 80%, le droit en cours à l’AAH peut se prolonger au-delà de 62 ans en complément des droits à la retraite (art. L821-1 CSS – voir Décret n° 2020-809 du 29 juin 2020 sur la liquidation automatique des droits à la retraite à 62 ans).

A noter qu’aucun texte ne s’oppose au dépôt d’une demande et au versement de l’AAH après 62 (si le taux d’invalidité est suffisant) mais l’examen des dossiers par les MDPH et les pratiques des caisses sont variables à cet égard.

Minimas sociaux, RSA, prime d’activité et autres allocations

Outre les conditions de ressources imposées à l’ensemble des bénéficiaires, les ressortissants étrangers sont soumis pour ces prestations à des conditions spécifiques de séjour (qui ne s’appliquent pas pour l’ASF).

Voir aussi 11.6. Migrantes âgées et retraitées

Pour le versement du Revenu de solidarité active (RSA) et la prime d’activité, l’étranger doit justifier, sauf s’il est en possession d’une carte de résident, être titulaire depuis au moins 5 ans d’un titre de séjour l’autorisant à travailler (art. L262-4 2° CASF). Cette période de séjour préalable peut être accomplie sous couvert d’une succession ininterrompue de titres de séjour avec autorisation de travail, quelle qu’en soit la nature : carte de résident, cartes de séjour temporaire toutes mentions confondues dès lors qu’elle autorisait à travailler, APS ou récépissés avec autorisation de travail, etc. (Circulaire CNAF n°2012-014 du 27 juin 2012 « suivi législatif du RSA »).

 

Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et Allocation supplémentaire d’invalidité (ASI). Pour le versement de Aspa et de l’ASI, la condition d’antériorité de titres de séjour autorisant à travailler est de 10 ans (circulaire Cnav n°2019/13 du 14 mars 2019, point 2.3. 2, page 11) :

Ces conditions d’ancienneté de séjour régulier ne sont pas opposables aux ressortissants algériens, ni à leur conjoint, concubin ou pacsé, au regard du principe de l’égalité de traitement avec les nationaux, issu de l’article 7 de la déclaration de principe du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l’Algérie.

 

Le montant du RSA dépend de la composition du foyer. Sont seulement prises en considération (art. L262-5 CASF et Circulaire Cnaf n°2012-014 du 27 juin 2012, suivi législatif du RSA) :

  • Ÿles personnes majeures à la charge du demandeur. Il s’agit du conjoint, du concubin ou du partenaire pacsé, des enfants majeurs de moins de 25 ans, ou de tout autre personne de moins de 25 ans vivant au foyer du demandeur (un lien familial est exigé pour les personnes arrivées après leur 17ème anniversaire). Tous les majeurs doivent être en situation régulière. Le conjoint, concubin ou partenaire pacsé, sauf s’il est algérien, doit justifier remplir la condition d’ancienneté de 5 ans de séjour régulier ;
  • Ÿles mineurs nés en France ou entrés dans le cadre du regroupement familial (le certificat médical remis à cette occasion est exigé). Cette dernière exigence peut être contestée comme en matière de prestations familiales (voir infra, prestations familiales).

 

La prime d’activité est un complément de ressource versé par la CAF en fonction du montant de revenus perçu au cours des 3 derniers mois. La condition d’ancienneté de 5 ans de séjour régulier s’applique.

 

Allocation de soutien familial (ASF). La condition d’ancienneté de séjour ne s’applique pas aux personnes isolées qui remplissent les conditions pour bénéficier de l’ASF. Cette allocation est accessible dès que la personne est en situation régulière si elle assume la charge d’un ou plusieurs enfants ou est enceinte (art. L262-9 CASF). En revanche, l’ASF cesse lorsque le plus jeune enfant a atteint l’âge de 3 ans. Au-delà, les conditions de séjour et d’ancienneté de séjour imposées pour le bénéfice du RSA retrouvent à s’appliquer.

 

Pour en savoir +, voir le site du Comede, outils et notes 2020

  • Ÿ citoyens non UE : condition d’accès au RSA
  • Ÿ citoyens non UE : condition d’accès à l’AAH

Prestations familiales et droits des enfants

Condition de séjour pour l’accès aux prestations familiales. Les étrangers titulaires d’une carte de résident, d’une carte de séjour d’un an ou d’un certificat de résidence algérien, d’un récépissé de renouvellement de l’un de ses titres ou d’une autorisation provisoire de séjour d’une validité supérieure à trois mois (voir liste complète à l’art. D512-1 du CSS) peuvent obtenir les prestations familiales (comprenant notamment l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et les allocations logement à caractère familial).

 

L’enfant pour lequel les prestations familiales sont demandées doit répondre à des conditions énumérées à l’article L512-2 du CSS, qui dresse la liste des justificatifs à fournir. Les conditions les plus fréquemment problématiques sont les suivantes :

  • Ÿl’enfant doit être entré en France au plus tard en même temps qu’un de ses parents titulaires d’une CST mentionnée dans l’article L423-23 ou 6 5° de l’accord franco-algérien. La preuve est rapportée par une attestation délivrée par l’autorité préfectorale. C’est à la CAF de demander aux préfectures cette attestation (instruction NOR IMIM1000108C du 12 mai 2010). Dans la pratique, il peut être difficile d’obtenir cette attestation des services préfectoraux ;
  • l’enfant doit être entré en France dans le cadre du regroupement familial, Pour justifier d’une entrée au titre du regroupement familial, la CAF demande le certificat médical délivré par l’Ofii. Or, très souvent, les enfants ont rejoint leurs parents en France hors de la procédure du regroupement familial et les prestations familiales sont donc refusées sur ce motif.

 

La condition d’entrée dans le cadre du regroupement familial peut être contestée dans le cadre d’un recours contre le refus de la CAF, les articles du CSS posant cette condition n’étant pas conformes à des engagements internationaux. De nombreux recours devant la commission de recours amiable (CRA) des CAF ont permis d’ouvrir des droits (en cas de refus de la CRA, il faut saisir le Tribunal des affaires de sécurité sociale).

 

Les prestations familiales peuvent être obtenues rétroactivement pour une période de 2 ans avant la date de la demande selon l’article L553-1 du CSS.

Pour en savoir +, voir le site du Comede, notes de 2020 :

Ÿ citoyens non UE : condition d’accès aux prestations familiales

L’aide sociale à l’enfance (ASE) est une compétence obligatoire des départements (art. L121-5 et L228-4 CASF). Le service de l’ASE fournit deux types d’aides :

  • Ÿles aides à domicile : intervention d’un aidant à domicile, intervention éducative, versement d’aides financières sous forme de secours exceptionnels ou d’allocations mensuelles, etc. ;
  • Ÿla prise en charge sous forme d’accueil et d’hébergement : pour les femmes enceintes et parent isolé avec leurs enfants de moins de trois ans ayant besoin d’un soutien matériel et psychologique, pour les mineurs qui ne peuvent rester provisoirement au sein de leur milieu familial, etc.

 

ŸL’ensemble des prestations d’aide sociale à l’enfance sont accessibles aux étrangers quelle que soit leur situation administrative (art. L111-2 CASF).

 

Instruction obligatoire des enfants. Tous les enfants ayant entre 3 et 16 ans présents en France doivent pouvoir être scolarisés quelle que soit la situation administrative de leurs parents ou responsables légaux. Il n’y a de condition ni de titre de séjour ni d’entrée dans le cadre du regroupement familial pour l’enfant. Seuls doivent être prouvés l’identité de l’enfant et des parents, le domicile (justificatif de domicile personnel, hébergement chez un tiers ou domiciliation administrative) et la mise à jour des vaccins de l’enfant (art. L311-4 Code de l’éducation).

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Références bibliographiques

Pour en savoir plus :

Gisti, Sans-papiers mais pas sans droits, 6ème édition, Note pratique, juillet 2013

Gisti, Le droit / réglementation / protection sociale,

Secours Catholique Que faire lorsque l’on est face à une personne qui n’a plus d’hébergement ou risque de ne bientôt plus en avoir ?, Guide pratique, 2021, ici