3.2. Médiation santé

INTERPRETARIAT ET MEDIATION

Article mis à jour le 16 février 2022

La médiation santé est une approche pertinente en réponse à des objectifs de santé publique tels que la réduction des inégalités de santé et l’amélioration de l’accès aux droits, aux soins et à la prévention des personnes éloignées du système de santé. Elle s’adresse autant aux personnes qu’aux acteurs de la santé et se positionne dans une fonction d’interface temporaire afin de favoriser une meilleure inter-compréhension. Créatrice de lien, elle œuvre à l’évolution des représentations et des pratiques entre le public et les institutions de santé. Dotée d’un statut par le législateur depuis 2016, elle s’inscrit dans un cadre de référence qui structure l’activité des médiateurs et médiatrices. La mise en place de la médiation santé doit être une phase transitoire, une passerelle vers des changements de représentations des acteurs de la santé envers les personnes en situation de précarité ou de vulnérabilité et permettre ainsi une adaptation du système de santé à leur accueil et prise en charge ; cet objectif étant constitutif de toute action du médiateur / de la médiatrice.

Cadre législatif, public visé et démarche

Une reconnaissance récente par la loi. Introduite dans le Code de santé publique par la loi de modernisation de notre système de santé (LMSS) du 26 janvier 2016, puis précisée par le décret n°2017-816 du 5 mai 2017, la médiation sanitaire, ou médiation en santé, désigne la fonction d’interface assurée entre les personnes vulnérables éloignées du système de santé et les professionnels intervenant dans leur parcours de santé, dans le but de faciliter l’accès de ces personnes aux droits, à la prévention et aux soins. Elle vise à favoriser leur autonomie dans le parcours de santé en prenant en compte leurs spécificités (article D1110-5 CSP). A ce titre, la Haute Autorité de santé (HAS) a été chargée d’élaborer un référentiel de compétences, de formation et de bonnes pratiques sur la médiation en santé en direction des personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins.

Le public visé est constitué des personnes en situation de grande précarité, qui ne sont pas exclusivement exilées, très éloignées du système de santé de droit commun. Sans nier la présence d’un contexte explicatif lié à la culture et au fait migratoire, les inégalités en matière de santé rencontrées par les exilé.e.s sont plutôt à mettre en lien avec la précarité des conditions de vie en France et divers obstacles à l’accès aux soins : complexités administratives liées au droit au séjour entraînant des difficultés à faire valoir les droits à la protection maladie, obstacles représentés par la non maîtrise de la langue, méconnaissance de l’organisation des structures de santé et de leurs codes, et de l’autre côté, représentations erronées des conditions de vie et des statuts des personnes exilées, pratiques discriminatoires qui peuvent entraîner des renoncements aux soins etc.

Une démarche « d’aller–vers » et de « faire avec ». La médiation santé représente un processus de transformation de la relation sociale dans le but de promouvoir l’accès à la santé des publics les plus précaires. Elle emprunte aux principes de l’aller-vers et inverse la démarche de la rencontre entre l’intervenant et le « public cible ». Ce n’est pas la personne qui se déplace vers une consultation, mais l’intervenant qui se rend sur les lieux de vie : lieux d’habitat (bidonvilles, à la rue, centres d’hébergement…), lieu d’activité (par exemple, situation de prostitution). S’il s’agit, dans la plupart des cas, de déplacements physiques effectués par un médiateur ou une médiatrice intervenant seul.e ou en équipe, l’aller-vers peut aussi se concevoir sous forme d’une plus grande hospitalité ou accessibilité des structures de santé, tel qu’un dispositif d’accueil plus adapté ou facilitant en direction d’un public dont les barrières auraient été préalablement identifiées (ex. intégration d’un médiateur santé dans un service de médecine interne en soutien de l’éducation thérapeutique des patients exilés, recours systématique à l’interprétariat professionnel). La médiation santé intègre l’idée de ne pas substituer l’action du médiateur ou de la médiatrice à celles des personnes, mais bien de « faire avec » elles, en remobilisant celles-ci autour de leur santé le cas échéant, mais aussi dans le but de renforcer progressivement leur capacité d’agir et leur autonomie dans la prise en charge de leur santé.

Missions du médiateur / de la médiatrice

Le médiateur travaille avant tout en proximité avec les publics et les structures de santé. Il s’emploie à lever les obstacles qui se présentent dans le parcours de soins individuel et en favorise une meilleure coordination, le cas échéant.

En direction du public ciblé, il tente de développer les connaissances des personnes pour un accès autonome aux soins et à la prévention dans les services de santé de droit commun, en tenant compte des déterminants sociaux. En pratique, le médiateur :

      • présente et explicite le rôle, les conditions d’accès et le fonctionnement des acteurs de santé présents sur le territoire : la sécurité sociale, hôpitaux (en particulier les services Pass, urgences et maternité), PMI, plannings familiaux, centres de dépistage, centres municipaux de santé, médecine de ville, etc. ;
      • informe sur les droits à la sécurité sociale, aide à constituer la demande de protection maladie ;
      • assure au besoin, pour les personnes les moins autonomes, les prises de rendez-vous avec un médecin généraliste, un spécialiste, ou un dispositif de prévention, et effectue le cas échéant des accompagnements physiques aux rendez-vous ;
      • crée, voire co-construit avec les personnes des outils de prévention adaptés, notamment à la langue ou aux capacités en matière de lecture, afin d’améliorer l’information sur la santé, la relation avec les professionnels de santé et plus généralement pour développer l’autonomie ;
      • mobilise le public par des actions autour de la prévention santé (ateliers collectifs, groupes de paroles) avec d’autres professionnel.le.s de santé, notamment dans une approche de santé communautaire ;
      • co-anime avec les autres professionnel.le.s de santé des ateliers d’éducation à la santé et d’éducation thérapeutique sur diverses pathologies chroniques.

En direction des structures de santé (administrations, lieux de soins et prévention) : il mobilise les acteurs de santé et favorise une meilleure connaissance des populations en situation de vulnérabilité pour améliorer l’accueil, la prise en charge et le suivi de ce public au sein des structures. Il effectue un important travail de sensibilisation, d’adaptation de l’accueil, d’information sur les conditions de vie des patients et de déconstruction des représentations, notamment à caractère culturaliste. Lorsqu’il est intégré dans une équipe hospitalière, il participe à l’organisation du parcours de soins du patient en partenariat avec les soignants.

Cadre de référence et principes déontologiques

Dans son référentiel de compétences, formation et bonnes pratiques, la Haute autorité de santé retient pour la médiation santé les grands principes déontologiques suivants :

      • la confidentialité et le secret professionnel : le médiateur en santé est soumis au secret professionnel de la même manière que les autres professionnels de santé ;
      • le non-jugement sur les idées, croyances ou choix exprimés par les personnes ;
      • le respect de la volonté des personnes et de leurs choix, impliquant de s’assurer à l’instar des autres professionnel.le.s, de la réalité du consentement aux soins ;
      • la tenue d’une posture médiane est centrale dans l’activité du médiateur. Tout en oeuvrant à la construction d’un lien de confiance, il ne représente pas l’une ou l’autre partie et doit obtenir la reconnaissance des deux. Toutefois, par sa présence et son action, il interroge et tente de rééquilibrer la relation nécessairement asymétrique entre patient ou soignant, ou bien usager et institution, laquelle est fortement accentuée dans la situation des personnes exilées.

A noter : à la différence de la médiation interculturelle, la médiation en santé ne focalise pas son intervention sur la relation entre des personnes aux cultures diverses.

Champ délimité d’intervention : le médiateur en santé est un agent de proximité, au croisement de différents métiers. Il se situe bien en complément des fonctions du travailleur social et du professionnel de santé et ne s’y substitue pas. Les missions du médiateur en santé et ses compétences se distinguent également de celles d’un interprète professionnel, bien que le médiateur ait parfois besoin de connaître la langue de son public pour assurer l’interface avec les acteurs de santé. Il n’a toutefois pas à être sollicité pour réaliser une traduction. L’interprétariat professionnel (en présentiel ou par téléphone) trouve en revanche toute sa place dans un dispositif global de médiation à mettre en place par une structure de santé. Le référentiel de la HAS « Interprétariat dans le domaine de la santé », paru en 2017, en fournit un état des lieux et les orientations principales.

A savoir : sous le nom de médiation santé par les pairs, certains projets privilégient le recrutement de médiateurs dans la population cible de leur action, en référence à l’appartenance, à une communauté, à une classe d’âge, au vécu commun d’une maladie, à la prostitution, ou à l’usage de drogue etc.

Un métier à conforter. En dépit de sa reconnaissance légale, la médiation reste définie comme une fonction. Le métier de médiateur est peu ou pas pris en compte au sein des conventions collectives et il n’est pas intégré dans les professions de santé récapitulées par le Code de santé publique. Adossé le plus souvent à des dispositifs d’emplois aidés, les contrats des médiateurs et leurs rémunérations demeurent précaires à ce jour.

Référentiel HAS sur la médiation en santé

Figure 1. Objectifs de la médiation en santé

Tableau 1. Caractéristiques communes des projets de médiation en santé

Public-cible Publics vulnérables, éloignés des dispositifs socio-sanitaires de droit commun et qui échappent aux professionnels de la santé et du social.
Objectif général Lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé en favorisant le retour vers le droit commun : accompagner les populations vulnérables vers le système de prévention et de soins et faciliter leur intégration dans le parcours de santé.
Moyens Développer des actions s’inscrivant dans l’« aller-vers » et le « faire avec » : tous les projets de médiation en santé proposent des solutions sur mesure, certains professionnels se déplacent au domicile, réalisent des accompagnements physiques vers les acteurs du parcours pour faciliter la relation de confiance et pour permettre à terme, une autonomisation de chacun dans son parcours de soins.
Activités communes aux projets de médiation

(Re)créer la rencontre avec les populations concernées (populations vulnérables et professionnels de santé / institutions), et instaurer une relation de confiance ;

Faciliter la coordination du parcours de santé ;

Favoriser des actions collectives de promotion de la santé en partenariat avec les professionnels de santé compétents et éventuellement des associations ;

Participer aux actions structurantes au projet (veille, partenariat, travail d’équipe, remontée des dysfonctionnements du système, etc.).

 

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Références bibliographiques

Haute autorité de santé, Référentiel HAS. La médiation en santé pour les personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins, octobre 2017, www.has-sante.fr

Haute Autorité de santé, Référentiel HAS. Interprétariat linguistique dans le domaine de la santé, octobre 2017, www.has-sante.fr

Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, article 90. 2016-41, janvier 2016 & Décret n° 2017-816 du 5 mai 2017 relatif à la médiation sanitaire et à l’interprétariat linguistique dans le domaine de la santé, legifrance.gouv.fr

Programme national de médiation en santé en direction des populations en situation de vulnérabilité, www.mediation-sanitaire.org

Délégation interministérielle à la ville, groupe de travail interministériel et interpartenarial sur les emplois dits « de médiation sociale », Charte de référence de la médiation sociale, octobre 2001, francemediation.fr