13.2. Bilan des droits et méthodologie

Dispositifs de protection maladie

Article mis à jour le 02/09/2022

Les ressortissant·e·s étranger·e·s peuvent accéder au système de protection maladie via l’une des quatre portes d’entrée, selon le croisement de trois variables : nature de leur « résidence » en France, ancienneté de leur présence en France, et statut administratif du séjour. Pour aider à l’accès aux droits, il importe de maîtriser la hiérarchisation des différents dispositifs. Cet article détaille certaines catégories de personnes dont les conditions d’accès aux soins posent des difficultés particulières. La situation de la personne étrangère souhaitant venir en France pour recevoir des soins sous « visa pour raison médicale » est abordée dans la page “Questions fréquentes” du site.

Hiérarchisation des dispositifs et conditions d’entrée dans le droit

Pour le classement des dispositifs par ordre décroissant de niveau de couverture, voir article ici

 

Il existe deux systèmes de protection maladie :

  • l’assurance maladie obligatoire (augmentée éventuellement d’une protection complémentaire dont la Complémentaire santé solidaire/C2S) visant à couvrir les résident·e·s français·e·s et les résident·e·s étranger·e·s en séjour légal ;
  • l’Aide médicale d’État (AME) de droit commun, visant à couvrir les résident·e·s étranger·e·s démuni·e·s en séjour irrégulier ;

Ainsi que trois systèmes subsidiaires et ponctuels de prise en charge qui permettent de couvrir certaines situations exceptionnelles (généralement du fait de l’urgence des soins et de l’absence de droits ouvrables à une protection maladie) :

  • l’assurance privée de l’étranger sous visa (limitée par contrat en général aux seuls soins inopinés) ;
  • le Dispositif des soins urgents et vitaux (DSUV) ;
  • l’Aide médicale État sur décision du ministre (dite « AME humanitaire »).

Présentation sommaire des conditions d’entrée dans le droit (hors ayant droit, hors prolongation des droits, et hors application d’un mécanisme de coordination internationale entre États).

Pour toute la population, l’accès à la protection sociale en général est conditionné par six conditions communes. (Voir Protection sociale selon le statut). Il s’agit pour chacun de justifier :

  1. de sa présence effective et stable en France (résidence fiscale, ou présence de fait stabilisée avec vocation à vivre durablement sur le territoire) ;
  2. de son ancienneté de présence en France (au moins trois mois ininterrompus/avec ou sans titre de séjour au cours de cette période). Pour l’AME, il est imposé que les trois mois ininterrompus se déroulent en séjour irrégulier ;
  3. de la validité d’un titre ou document de séjour ou d’un droit au séjour au moment de la demande (uniquement pour les personnes étrangères). En matière de protection maladie, ne s’ajoute aucune condition supplémentaire d’antériorité de titre de séjour et de travail ;
  4. de faibles ressources (uniquement pour les prestations destinées aux personnes démunies financièrement) ;
  5. de son identité;
  6. d’une adresse ou à défaut d’une domiciliation.

Rappel des conditions d’entrée dans le droit par dispositif

  RHF APF SR Ressources Subsid.
plafond Cotis.
1 Assurance maladie sur critère professionnel non non oui 3 non oui non 4
2 Assurance maladie sur critère de résidence oui 3 mois 1 oui 3 non oui oui
Complémentaire santé solidaire oui 3 mois 1 oui 1 oui non  
3 AME de droit commun oui 3 mois 2 non oui non oui
4 Dispositif des Soins Urgents et Vitaux (DSUV) oui non non non non oui
Les chiffres 1, 2, 3, et 4 renvoient aux repères du schéma de l’architecture du système
  1. Voir exceptions (article à venir en ligne) ;
  2. Sauf mineurs (et membres de famille rejoignant), ou dérogation accordée au titre de l’AME sur décision du ministre ;
  3. Voir exceptions (article à venir en ligne) ;
  4. La subsidiarité avec un éventuel système de coordination internationale est toujours écartée au profit du critère du lieu (de l’État) de travail.

RHF Condition de résidence habituelle en France,

APF Condition d’ancienneté de présence en France de 3 mois,

SR Condition de séjour régulier,

Plafond existence d’un plafond de ressources maximum à ne pas dépasser,

Cotis. Cotisation obligatoire (non = gratuité),

Subsid. Subsidiarité avec un autre dispositif de rang supérieur dans le tableau.

Méthodologie pour établir un bilan des droits

Le principe de subsidiarité impose un examen des différentes portes d’entrée par élimination, dans l’ordre 1 puis 2 puis 3 puis 4. En effet, les dispositifs AME et DSUV relèvent de l’aide sociale laquelle n’intervient qu’une fois que les personnes ont fait valoir leurs droits aux prestations de sécurité sociale. Le rattachement à l’Assurance maladie au titre de la résidence n’est mis en œuvre que si la personne n’est pas rattachée au titre d’une activité professionnelle.

Exemple pour une personne étrangère résidant en France depuis 5 ans, dont deux ans avec une autorisation de séjour et actuellement sans aucun document préfectoral de séjour : avant d’étudier la possibilité d’obtenir l’AME (personne étrangère en séjour irrégulier 3), il convient de vérifier si aucune prolongation des droits de six mois (minimum) au titre de 1 ou 2 nest possible (la personne navait-elle pas eu des droits ouverts l’année dernière au moment où elle résidait légalement ?).

La subsidiarité avec les systèmes internationaux de coordination de sécurité sociale pose de nouveaux problèmes pour les personnes en provenance des pays ayant signé de tels accords avec la France (notamment UE-EEE-Suisse). En effet, si la personne installée en France (ce qui exclut la situation des personnes de passage notamment couvertes par leur CEAM) y bénéficie de la portabilité de ses droits acquis au pays d’origine, cette protection maladie prévaut sur un rattachement au titre de 1 2 3 4.

Il est nécessaire de recueillir de nombreux renseignements afin de déterminer l’éligibilité à l’une des protections maladie. (voir Accompagnement social et juridique)

  1. Identité/nationalité/état civil de la personne
  2. Adresse, domiciliation, hébergement, logement
  3. Téléphone portable, adresse mail, accès à l’internet
  4. Entrées, séjours et périodes de résidence en France
  5. Démarches préfectorales d’admission au séjour effectuées, titres de séjour obtenus et refus
  6. Passé judiciaire et enfermement (dont incarcération et rétention administrative)
  7. Attaches familiales en France et à l’étranger, et aide/soutien régulier éventuel d’un·e membre de famille
  8. Ressources personnelles ou provenant de tiers
  9. Impôts
  10. Travail déclaré (ou non) en France
  11. Situation médicale
  12. Prise en charge en France des frais de santé (protection maladie) : Vérifier l’existence de droits ouverts et la période d’ouverture des droits
  13. Droits éventuels au pays d’origine ou hors de France, dont autres pays UE
  14. Démarches d’accès aux droits sociaux précédemment engagées en France
  15. Ouverture ou démarches d’ouverture d’un compte bancaire

Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation du 21 juin 2018 n°17-13.468, une ouverture de droit à l’assurance maladie ne peut pas être refusée au motif que la personne ne peut produire un relevé d’identité bancaire. Les remboursements peuvent être effectués par virement, et théoriquement aussi par mandat postal ou en numéraire.

Protection maladie selon le statut du séjour

Pendant les trois premiers mois de présence en France, les personnes considérées comme « de passage » sont en principe exclues des systèmes de protection maladie (sauf exceptions) et relèvent de leur assurance « visa ». Le bilan des droits des personnes résidentes en France depuis moins de trois mois est particulièrement complexe. Il demande de croiser avec méthode cinq critères : nationalité (voir les spécificités des citoyens UE/EEE/Suisse), portabilité en France d’une protection maladie acquise au pays de provenance, résidence habituelle en France, cas de dispense de la condition d’ancienneté de présence en France, et nature du visa/titre (voir Personnes nouvellement arrivées en France) de séjour. Sous certaines conditions, le recours aux soins hospitaliers peut faire l’objet d’une prise en charge au titre du Dispositif soins urgents et vitaux (DSUV).

Au-delà des trois premiers mois de présence en France, la personne étrangère en règle au regard du séjour, et ayant vocation à vivre durablement en France (ce qui exclut les personnes étrangères de passage), peut accéder à l’assurance maladie, qu’elle travaille ou non (les cotisations sont, dans tous les cas, proportionnelles aux salaires ou calculées en fonction du revenu imposable.) Elle peut également bénéficier d’une protection complémentaire (C2S). À défaut de séjour régulier, la personne étrangère démunie relève de l’Aide médicale État (sous condition de faibles ressources). La personne étrangère résidant en séjour irrégulier dont les ressources dépassent le plafond AME n’est éligible qu’au seul DSUV.

Protection maladie au-delà des trois premiers mois de présence en France

Certaines prestations sont réservées aux seules personnes démunies financièrement
(hors application d’un éventuel mécanisme de coordination internationale)

  Protection maladie  
Situation administrative au jour de la demande
(au-delà des trois premiers mois de présence en France)
Assurance maladie
+ CS-Solidaire
AME DSUV
Visa long séjour (hors VLS-TS) 1 Ξ 3 DSUV
VLS-TS sans enregistrement Ofii 2 Ξ 3 DSUV
VLS-TS après enregistrement à l’Ofii OUI Ξ Ξ
Demandeur·se d’asile avant enregistrement au GUDA (non-titulaire d’une Attestation de demandeur d’asile) 3 Ξ AME 3 DSUV
Demandeur·se d’asile enregistré·e au GUDA, toute procédure (normale, accélérée, Dublin) et titulaire d’une Attestation de demandeur d’asile OUI Ξ Ξ
Titulaire d’un document de séjour ou d’un droit au séjour (y compris réfugié.e.s et protégé.e.s subsidiaires) OUI Ξ Ξ
Séjour irrégulier – toute situation (hors mineurs) – Toute nationalité y compris UE Ξ AME 4
Mineur·e rejoignant un.e assuré.e et à la charge de ce.tte dernier.e OUI
Mineur·e isolé·e avec prise en charge ASE-PJJ OUI
Mineur·e isolé·e sans prise en charge ASE-PJJ Ξ AME

– Possible mais pas nécessaire
Ξ – Non avenu ou impossible en droit
1 – Après 3 mois de présence en France, le VLS ne vaut plus droit au séjour en lui-même, et son/sa titulaire est supposé·e avoir été mis en possession par le préfet d’une carte de séjour ou d’un récépissé valant autorisation de séjour
2 – Après 3 mois de présence en France, le VLS-TS ne vaut droit au séjour que si son/sa titulaire a engagé la (télé)procédure d’enregistrement à l’Ofii
3 – AME possible après 3 mois (de séjour irrégulier) suivant la fin de la période de séjour régulier (6 mois de présence en France si visa 90 jours)
4 – DSUV possible si ressources supérieures au plafond AME
AME – Aide médicale État
ASE-PJJ – Aide sociale à l’enfance ou Protection judiciaire de la jeunesse
CS-Solidaire – Complémentaire santé solidaire
DSUV – Dispositif pour les soins urgents et vitaux
GUDA – Guichet unique des demandeurs d’asile
UE – Nationalité de l’Union européenne, de l’Espace économique européen, et Suisse
VLS-TS – Visa long séjour valant titre de séjour

CODES « REGIMES » pouvant concerner les personnes étrangères

801 Critère de résidence avec cotisation
802 Critère de résidence avec cotisation
803 Critère de résidence sans cotisation, et ouverture provisoire de droits pendant 3 mois, avant examen au fond
804 Critère de résidence avec cotisation + risque AT
806 Critère de résidence au titre du RSA
833 Critère de résidence ex–yougoslave majeur
090 Bénéficiaire d‘une allocation de chômage
095 AME