12.4. Venir se soigner en France
Accès aux soins, accès aux droits
Article mis à jour le 20/12/2024
Pour les personnes résidant déjà en France, voir 12.1. Conditions de l’accès aux soins
Quel qu’en soit le motif, l’entrée sur le territoire français est soumise à une obligation de visa (sauf nationalités dispensées). Le « visa pour raison médicale » est un visa spécialement prévu pour se soigner en France, pour des soins et un séjour à durée limitée. L’obtention d’un tel visa nécessite un paiement à l’avance des soins (donc un devis et la preuve du paiement d’avance). Avec ou sans obligation de visa, le paiement des soins ne peut généralement pas être pris en charge par un système français de protection maladie. Il est théoriquement possible de demander une prise en charge financière « humanitaire » auprès du ministre français chargé de l’action sociale.
Principes généraux
Attention, cet article ne concerne pas les personnes étrangères vivant hors de France et autorisées à entrer légalement en France dont :
- les personnes d’une nationalité de l’UE, de l’Espace économique européen (EEE), ni les Suisses. Les autres nationalités également dispensées de visa court séjour (voir infra) restent soumises aux règles générales restrictives en matière de protection maladie de droit français ;
- les personnes titulaires d’un visa de long séjour en cours de validité.
Le droit en matière de visa pour soins est encadré par :
- d’une part, la législation européenne et interne sur les visas de « court-séjour » permettant l’entrée dans l’espace Schengen, et les visas de « court-séjour » permettant l’entrée en France ultramarine ;
- d’autre part, la législation sur les systèmes français de protection maladie.
Pour en savoir + : Étude « Visas Schengen – Visas de court séjour nationaux » au Dictionnaire permanent du droit des étrangers, Éditions législatives.
La combinaison de ces dispositions législatives et réglementaires empêche de fait :
- la venue en France des étrangers dont l’état de santé nécessite des soins de longue durée : le visa est limité dans le temps, vise des soins ponctuels, et ne permet pas une installation définitive en France (laquelle suppose l’obtention préalable d’un visa d’immigration dit de « long séjour ») ;
- la venue des étrangers dont les capacités de paiement sont insuffisantes du fait de l’obligation de paiement d’avance par la personne concernée ou par un tiers. L’arrivée sur le territoire français pour y recevoir des soins ne permet pas en principe d’être éligible à une protection sociale française (voir infra : Rappel sur l’organisation dispositif de protection maladie).
Le système français du « visa pour soins médicaux » concerne donc une personne étrangère nécessitant une intervention technique ponctuelle généralement à l’hôpital, éventuellement de très haut niveau (avec des spécificités pour les receveurs et donneurs dans le cadre d’une greffe), dès lors que la personne peut payer les soins d’avance ou justifier d’une prise en charge. La question principale réside donc dans le mode de financement des soins, lequel conditionne la délivrance du visa.
Condition pour venir en France : l’obligation d’obtenir un visa d’entrée. Tout étranger qui souhaite venir en France, quel que soit le motif (médical ou non), doit demander une autorisation préalable d’entrée appelée « visa consulaire ». Ce visa doit être sollicité avant le départ auprès des services consulaires français. Hormis les citoyens UE/EEE/suisses, seules quelques nationalités sont dispensées d’une telle formalité par un règlement européen (voir www.immigration.interieur.gouv.fr/Immigration/Les-visas/Les-dispenses-de-visa).
Un visa de court séjour n’est pas un titre de séjour et n’ouvre pas de droit à la protection sociale française. Un visa de court séjour n’est qu’une autorisation d’entrée en France, assortie du droit d’y séjourner pour une courte durée (durée maximum de 90 jours consécutifs). Il ne confère donc pas un droit à s’installer définitivement en France, ni un droit à obtenir un titre de séjour.
Le visa pour recevoir des soins médicaux en France
Il s’agit d’un visa spécialement conçu pour un séjour en France en vue d’y recevoir des soins
Les conditions d’octroi sont appréciées par le Consulat de France dans le pays le départ. La réglementation européenne impose deux conditions de fond : la nécessité (médicale) de venir dans le pays suivre un traitement, et la preuve de moyens financiers suffisants pour payer ce traitement médical. Le site internet www.france-visas.gouv.fr indique la liste des pièces à présenter (en décembre 2024) en sélectionnant les options « Raisons médicales » (rubrique Votre projet) et « Soins médicaux » (rubrique Motif principal du séjour) :
Objet du voyage/séjour :
- accord écrit de l’établissement hospitalier pour l’admission du malade précisant la date et la durée de l’hospitalisation prévue ainsi qu’une estimation du coût des soins ;
- attestation sur l’honneur du demandeur de visa s’engageant à payer les frais médicaux supplémentaires imprévus ;
- certificat médical décrivant la nature des soins en France et indiquant l’impossibilité d’une prise en charge médicale dans le pays ;
- pré-réservation du billet aller-retour d’avion, d’autobus ou de bateau ;
- règlement préalable du devis ou attestation de prise en charge par un organisme crédible et fiable (entente préalable de prise en charge par la caisse locale en cas d’accord de sécurité sociale).
Une demande d’assurance médicale privée ne devrait pas être exigée, les soins ayant été déjà programmés et payés. Cependant, aucun texte réglementaire ne dispense explicitement le demandeur d’un visa médical de l’obligation d’assurance prévue pour les étrangers qui sollicitent leur entrée en France, assurance couvrant « la prise en charge par un opérateur d’assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d’aide sociale, résultant de soins qu’il pourrait engager en France, ainsi qu’aux garanties de son rapatriement » (art. L311-1 et R313-3 Ceseda).
Les demandeurs de visa médical sont dispensés de produire l’attestation d’accueil exigée pour justifier de leur hébergement chez un particulier. En effet, les articles L313-8, R313-15 et R313-17 du Ceseda prévoient de dispenser d’attestation d’accueil « les personnes dont le séjour est justifié par une cause médicale urgente ou la maladie grave d’un proche ». NB : en cas d’accord donné à une demande de visa déposée pour « raison médicale » pour la France métropolitaine, les consulats délivrent un visa C (court séjour), généralement « Schengen », multi-entrées, assorti d’un crédit en jours (maximum 90 jours). Le crédit en jours est à utiliser dans l’espace Schengen entre deux dates butoirs. Le visa ne porte souvent pas de précision sur le motif de délivrance.
Principe de paiement préalable des soins
La délivrance du visa « pour recevoir des soins » repose sur le principe que l’étranger peut justifier d’une garantie de ressources et du paiement à l’avance des soins programmés (Règlement européen n°810-2009 du 13 juillet 2009 ; art. R311-1 du Ceseda, et art. R6145-4 du Code de santé publique). En théorie, l’article R313-1 du Ceseda prévoit une exception « dans le cas de malades ou blessés graves venant recevoir des soins en urgence dans un établissement français ».
Le paiement préalable des soins peut être effectué par :
- la personne elle-même ou sa famille, ce qui s’avère souvent impossible pour la plupart des ressortissants des pays ne pouvant pas accéder aux soins appropriés dans leur pays d’origine ;
- un tiers : un mécène, un gouvernement, une assurance santé de service public (la prise en charge par une assurance privée paraît improbable, les soins étant généralement programmés) etc. Attention : pour des soins programmés, la prise en charge financière par une assurance requiert toujours un accord préalable de l’assureur appelé « entente préalable » (y compris dans le cadre des conventions bilatérales de sécurité sociale entre Etats) ;
- un régime français de protection maladie (hypothèse rare, voir infra) ou, en théorie, par le gouvernement français au titre de l’Aide médicale État sur décision du ministre.
Rappel sur l’organisation du dispositif de protection maladie
(voir articles 13.1. Organisation générale du système français. et 13.2. Bilan des droits et méthodologie)
Le système français de protection sociale prévoit l’exclusion de toutes les personnes de passage, tant de l’assurance maladie que de l’Aide médicale État ou du dispositif « soins urgents et vitaux ». Il est donc en principe impossible que la personne venant en France pour y recevoir des soins puisse être prise en charge par un dispositif français. Par exception, voir ci-dessous pour les personnes étrangères (et françaises) vivant hors de France et percevant une pension contributive de droit français (procédure dite « Cnarefe »).
Pour l’étranger n’ayant jamais vécu en France et venant y recevoir des soins, l’accès à l’assurance maladie française à titre d’assuré est exclu expressément par le 2° de l’article L160-6 du Code de la sécurité sociale. Il en va de même pour l’accès à l’Aide médicale État (AME). En effet, même si aucun texte ne vise explicitement les personnes venues se soigner en France, l’AME de droit commun est soumise à une condition d’ancienneté de présence irrégulière en France de 3 mois au minimum (pour les majeurs) et à une condition de « résidence habituelle » en France. Ainsi le motif médical du séjour en France est-il en règle générale considéré comme le signe que le séjour est temporaire (Commission centrale d’aide sociale, décembre 2006, n° 060539), même si la gravité de la pathologie contraint la personne à demander une « autorisation provisoire de séjour pour soins » (Commission centrale d’aide sociale, décembre 2006, n° 060543). Si la personne venait à résider en France, l’AME n’aurait pas d’effet rétroactif et ne couvrirait pas les frais avancés comme provision (art. L253-2 CASF).
Une personne vivant à l’étranger, ayant un membre de famille résidant en France et assuré social, ne pourrait pas bénéficier de l’Assurance maladie, les étrangers majeurs devant disposer d’un titre de séjour (et non pas d’un visa ; pour la liste voir 14.1. Régularité du séjour pour la protection maladie), et les mineurs devant être à la « charge effective et permanente de l’assuré » (ce qui exclut généralement les personnes de passage).
Les étrangers sous visa sont exclus du financement au titre de l’Aide médicale état (voir 13.5. Aide médicale Etat), et au titre du Dispositif pour les soins urgents et vitaux (voir chapitre 12).
Financement des soins par le gouvernement français « à titre humanitaire « : Toute personne peut faire une demande de prise en charge au titre de l’Aide médicale État sur décision du ministre (2ème alinéa de l’art. L251‑1 CASF, voir 13.5. Aide médicale Etat), qui est toutefois rarement accordée.
Les conventions bilatérales de sécurité sociale ne permettent généralement aucun financement
Les personnes ayant déjà séjourné et travaillé en France dans le passé ont, en règle générale, perdu tout droit à une couverture maladie de droit français dès le moment où elles ont quitté la France pour transférer leur résidence à l’étranger (pour les retraités de droit français, voir infra). Les assurés bénéficiaires d’une Convention bilatérale de sécurité sociale entre la France et leur pays peuvent, en théorie, demander à la caisse de leur pays de nationalité (et de résidence) la prise en charge des soins programmés en France, mais sous réserve d’un accord préalable (inclut les Algériens).
Le travailleur algérien en Algérie, assuré social d’un régime algérien d’assurance maladie (et n’ayant jamais été assuré en France), ne bénéficie plus (depuis 2018) en France d’aucune couverture même pour les soins inopinés (nouveau protocole annexe à la convention bilatérale de Sécurité sociale). Il peut, en théorie, demander la prise en charge des soins programmés en France, mais sous réserve d’une « entente préalable » à obtenir de sa caisse algérienne avant de quitter l’Algérie.
Les retraités français et étrangers résidant à l’étranger et bénéficiaires d’une pension contributive servie par un régime français (retraite, réversion, invalidité, accident ou maladie professionnelle), bénéficient sous condition de l’assurance maladie de droit français (attention à la question de la complémentaire-santé) lors de leur passage en France (procédure dite « Cnarefe » ; voir Note pratique Gisti-Comede « la prise en charge des frais de santé des personnes étrangères » (2021), p.32, et 14. Protection maladie selon le statut. Pour en savoir + : Cleiss (Centre de liaisons européennes et internationales de Sécurité sociale), 01 45 26 33 41, www.cleiss.fr
Titre de séjour
Dans le cadre d’une entrée en France pour motif médical, l’autorisation de séjour est matérialisée par le visa prévu pour la durée des soins. Il n’y a donc pas de titre de séjour à demander en préfecture. Si les soins devaient être prolongés au-delà de la durée du crédit en jours du visa, il faut demander, en s’adressant à la préfecture de son lieu de domicile (ou de son lieu d’hospitalisation) :
- pour la personne détentrice d’un visa initial inférieur à 90 jours, la prolongation du visa dans la limite de 90 jours maximum cumulés (visa initial et prolongation incluse) ;
- pour un séjour au-delà de 90 jours en France, une demande d’« autorisation provisoire de séjour (APS) » sur la base de l’article R425-14 du Ceseda et, pour les Algériens sur la base du Titre III du protocole annexe à l’accord franco-algérien de 1968 modifié.
Il n’est pas prévu d’articulation avec la réglementation sur la carte de séjour temporaire pour raison médicale (art. L425-9 et L425-10 du Ceseda ou art. 6 7° de l’accord franco-algérien de 1968 modifié), laquelle concerne les étrangers « résidant habituellement en France » et non les étrangers de passage (voir 7. Droit au séjour pour raison médicale).