12.2. Permanences d'accès aux soins de santé
Accès aux soins, accès aux droits
Article mis à jour le 19/12/2024
Voir aussi 13.1 Dispositifs de protection maladie / Organisation générale du système français
Les permanences d’accès aux soins de santé hospitalières (Pass) sont mises en place dans les établissements de santé (hôpitaux) pour faciliter l’accès au système de santé des personnes en difficulté d’accès aux soins et pour les accompagner dans les démarches nécessaires à la mise en œuvre de leurs droits. A la fois lieu de soins géré par les hôpitaux et dispositif financier national délégué à chaque Agence régionale de santé, le dispositif Pass peut prendre des formes variées dans la pratique. Des Pass gérées en dehors des hôpitaux, dites « Pass-de-ville », se développent avec les mêmes objectifs, mais pour des soins de ville. Les Pass hospitalières constituent le seul dispositif de santé permettant en théorie l’accès intégral aux soins pour les personnes démunies et sans droits ouverts ou sans droits ouvrables à une protection maladie.
Cadre juridique et principes
L’accès aux soins des personnes démunies et la lutte contre l’exclusion sociale font partie des missions des hôpitaux de service public (dont les établissements privés participant au service public hospitalier) depuis la loi relative à la lutte contre l’exclusion de juillet 1998. L’article L6111-1-1 du code de la santé publique (CSP) qui en est issu prévoit la mise en place d’une Pass dans chaque établissement.
Attention : ne pas confondre avec la « permanence des soins » (art. L6314-1 du code de la santé publique), c’est-à-dire l’organisation du service public assurant la continuité de l’accès aux soins en tout lieu et à toute heure (dont le service d’aide médicale d’urgence, SMUR, centre 15, etc.).
L’article L6111-1-1 du code de la santé publique (anciennement, article L6112-6) donne la définition et les principes : « Dans le cadre de la mise en œuvre du projet régional de santé, les établissements de santé mettent en place des permanences d’accès aux soins de santé, qui comprennent notamment des permanences d’orthogénie, adaptées aux personnes en situation de précarité, visant à faciliter leur accès au système de santé et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la mise en œuvre de leurs droits. A cet effet, ils concluent avec l’Etat des conventions prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques ainsi que des traitements qui sont délivrés gratuitement à ces personnes. »
Guide Pass : Qu’est-ce qu’une Permanence d’Accès aux Soins de Santé hospitalière (Pass)
Fiche d’information ministérielle en ligne (2023)
Définition :
Une Permanence d’accès aux soins de santé hospitalières (Pass) est une unité de soins destinée à toute personne malade en situation de précarité. Elle assure une prise en charge coordonnée : médicale, sociale, infirmière et l’accompagnement dans un parcours de santé.
Une Pass accueille tout patient :
- sans assurance maladie ou sans complémentaire santé ;
- et/ou dont la situation sociale bloque une prise en charge médicale (incapacité de payer les soins, absence de logement stable ou hébergement précaire, difficulté à s’orienter, en grande vulnérabilité ou exclusion sociale).
Une Pass permet :
- un accès au plateau technique de l’hôpital (biologie, radiologie, pharmacie…) et aux spécialités médicales ;
- un accès aux médicaments ;
- un retour vers la médecine de ville et vers les structures de santé de proximité.
Un patient peut être adressé à la Pass par l’accueil administratif de l’hôpital, après son Passage aux urgences, par un partenaire extérieur ou se présenter spontanément.
L’équipe de la Pass adapte sa prise en charge à la situation du patient et à son environnement. Elle peut recourir à l’interprétariat professionnel en santé. Elle travaille avec les partenaires associatifs et institutionnels de son territoire.
Certaines Pass ont des activités spécifiques : psychiatriques, mère-enfants, dentaires ou des actions « d’aller-vers ».
L’ensemble des Pass bénéficie d’une coordination régionale et nationale dont la mission est d’accompagner les équipes et d’harmoniser les pratiques en lien avec les ARS et la DGOS.
Les principes posés par la Circulaire ministérielle DH/AF1/DGS/SP2/DAS/RV3 du 17 décembre 1998 demeurent au fondement du dispositif : « Les Pass sont des cellules de prise en charge médico-sociales qui doivent faciliter l’accès des personnes démunies au système hospitalier […] Elles ont aussi pour fonction de les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits, notamment en matière de couverture sociale (…) ». La même circulaire met en garde contre la création d’un dispositif discriminatoire : « Les Pass pourront être situées à proximité ou dans les services d’urgence pour lesquelles elles serviront de relais. Il ne s’agit, en aucun cas, de créer au sein de l’hôpital des filières spécifiques pour les plus démunis. Au contraire, ceux-ci doivent avoir accès aux soins dans les mêmes conditions que l’ensemble de la population, notamment dans le cadre de consultations de médecine générale à horaires élargis. ».
Le public cible est précisé par l’Instruction ministérielle n° DGOS/R4/2022/101 du 12 avril 2022 relative au cahier des charges des permanences d’accès aux soins de santé hospitalières : « Les publics cibles des Pass sont des personnes en situation de précarité, qui ont besoin de soins ambulatoires et qui ne peuvent y accéder pour diverses raisons :
- en raison de l’absence d’une couverture sociale ou de son incomplétude ;
- parce qu’ils sont dans l’impossibilité d’honorer les frais du reste à charge ;
- pour d’autres raisons : forte désocialisation, difficultés à s’orienter dans le système de santé… On pense en particulier aux personnes allophones, aux personnes souffrant de troubles psychiques ou psychiatriques, aux personnes marginalisées et devant être accompagnées dans leur parcours de soins par la Pass, le temps nécessaire à un relai pérenne par un autre dispositif de droit commun… »
Les Pass hospitalières reposent sur une unité fonctionnelle (UF) distincte au sein de l’hôpital comprenant une équipe pluridisciplinaire composée a minima, en principe, d’un médecin, d’une assistante sociale et d’un infirmier.
Les Pass de ville, en dehors de l’hôpital, sont des lieux de soins visant les mêmes objectifs d’accès aux soins, mais pour les personnes ne relevant pas du plateau technique hospitalier Elles sont organisées de telle sorte que les personnes puissent consulter gratuitement un.e professionnel.le de santé « en ville » (généralement dans un centre de santé) malgré l’absence de protection maladie pour payer les soins. Le dispositif, sous pilotage et contrôle des ARS, finance la rémunération du/de la professionnel.le de santé tant que la patiente n’a pas de droits ouverts à une protection maladie. Le dispositif doit aussi proposer un accompagnement pour mettre en œuvre les démarches d’ouverture ou de réouverture des droits pour les personnes ayants des droits ouvrables. Le dispositif n’a pas de base juridique mais repose sur la coopération des acteurs locaux : ARS, municipalités, centres de santé ou associations.
Coût des soins et protection maladie des patients
La gratuité des soins est un principe fondateur posé dès la conception du dispositif par la loi de 1998. L’Instruction ministérielle du 12 avril 2022 indique : « La Pass permet un accès aux soins au sens large, sans facturation pour le patient : à une consultation médicale généraliste et/ou spécialisée, au plateau technique, aux soins infirmiers, à la délivrance de médicaments » (Annexe 1, III. Parcours, orientations et rôle des coordonnateurs régionaux des Pass, 1. Le parcours de soins du patient de la Pass).
Pour les patients ayant des droits ouverts à une protection maladie, les soins fournis par la Pass, ou « au titre de la Pass » (en cas d’accès au plateau technique de l’hôpital dans le cadre d’une Pass dite transversale – voir infra) sont alors financés dans les conditions de droit commun par la protection maladie de chaque patient.
La constitution d’une demande de protection maladie, son dépôt et son suivi sont une activité centrale d’une Pass. Il s’agit de préparer l’accès aux dispositifs de santé de droit commun pour les patients ayant des droits ouvrables, non ouverts au moment des soins en Pass. La Pass a donc vocation à assurer un bilan des droits à la protection maladie des patients, puis à accompagner les démarches d’ouverture des droits pour l’avenir et pour la période des soins passés dans les limites des règles de rétroactivité. Le conventionnement avec la caisse d’assurance maladie locale est obligatoire pour cette raison (depuis 2016) afin de faciliter les démarches d’ouverture des droits et leurs suivis.
Le suivi des demandes au titre du Dispositif pour les soins urgents et vitaux (DSUV, voir chapitre 12) requiert une concertation étroite au sein des établissements hospitaliers entre le service social, le médecin du service des urgences et/ou le médecin prescripteur, et les services financiers. En effet, si le service social est compétent pour réaliser le bilan des droits du patient et valider la nécessité de mobiliser en dernier recours le DSUV, la facturation vers la caisse d’assurance maladie nécessite la confirmation médicale de l’urgence ou du risque d’altération de la santé (certificat médical), puis la mise en route du processus ad hoc de facturation par le service financier. Le suivi de ces demandes apparaît souvent difficile à réaliser, ou absent, dans le contexte de surcharge des services, ce qui conduit alors à des facturations automatiques et inappropriées à l’encontre de certains patients.
Le financement de ce service public obligatoire est assuré par les ARS sous la forme de dotations (depuis 2022, le financement relève du Fond d’investissement régional et non plus des Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation). Cette dotation repose sur une demande explicite de chaque établissement hospitalier auprès de l’ARS, la responsabilité du fonctionnement effectif d’une Pass étant donc partagée entre l’établissement hospitalier et l’ARS, sous le contrôle du Ministère de la santé (Direction générale de l’offre de soins).
Pratiques et limites
Il existe une grande diversité de moyens et de modes d’organisation des Pass hospitalières. Les Pass centralisées offrent un lieu de soins au sein de l’hôpital ou à proximité immédiate, dans un local spécifique et clairement délimité. Cette centralisation tend à remplacer les Pass dites « transversales » avec autorisation d’accès à l’ensemble du plateau technique de l’hôpital. Les Pass mobiles peuvent intervenir en dehors de l’enceinte de l’établissement de santé. En terme d’activité, les Pass peuvent être généralistes ; généralistes avec des activités complémentaires ; ou spécialisées dans certaines pathologies et/ou certains publics. Elles se situent au sein des établissements de santé (hôpitaux généraux ou certains hôpitaux psychiatriques). Dans la majorité des régions, des coordinations régionales sont installées afin de coordonner, harmoniser et fédérer l’ensemble des Pass, et travailler en étroite collaboration avec l’ARS.
Dans l’observation du Comede, les obstacles relevés à l’accès à la Pass sont :
- l’absence de Pass au sein de l’hôpital ;
- l’absence de signalétique, la méconnaissance du dispositif au sein de l’hôpital ou un manque de communication externe. Dans ce dernier cas, le service social de l’hôpital ressort comme l’interlocuteur le plus informé ;
- des moyens restreints limitant la Pass à quelques moments d’ouverture par semaine, conduisant parfois à des délais de rendez-vous à plusieurs semaines ;
- l’absence de possibilité d’accueil le jour même sans prise de rendez-vous préalable ;
- la segmentation des soins lorsque le système fonctionne par « bons-Pass » délivrés au coup par coup, généralement par le service social hospitalier ;
- l’émission de factures consécutives à des soins pourtant délivrés dans le cadre du dispositif Pass à des personnes démunies, y compris lorsque les soins « urgents et vitaux » auraient pu être facturés au titre du DSUV ;
- des cas de restrictions ou de refus de soins et de rupture dans la continuité des soins à l’égard des personnes considérées comme « sans droit potentiel » à une protection maladie.
Les refus et restrictions de soins observés se fondent souvent sur une analyse erronée de la situation des droits à la protection maladie et de l’utilisation du DSUV, ainsi que sur la confusion, dans certains services hospitaliers, entre l’évaluation médico-sociale destinée à la continuité des soins et l’évaluation administrative destinée au recouvrement des frais.
Malgré l’engagement de certains professionnels hospitaliers pour faire exister une Pass fonctionnelle au sein de leur établissement, les dysfonctionnements restent fréquents, qui peuvent se traduire par des restrictions de soins notamment à l’égard des étrangers démunis récemment arrivés en France. En cas de problème, il faut intervenir auprès du responsable de la Pass et/ou de la direction de l’établissement. Il est utile de signaler le problème à la coordination régionale des Pass (voir ci-dessous le lien internet vers l’annuaire).
Recours à la Permanence téléphonique sociale et juridique du Comede.